Sorti quelques semaines avant le salon du livre 2008, qui consacrait la littérature israélienne, invitée d’honneur, c’est le cinquième roman de Mira Maguen, paru en 2005 en Israël mais son premier roman traduit en français.
Dépassée par la richesse de la production éditoriale israélienne, j’avais d’abord jeté mon dévolu sur les derniers romans des écrivains de la vieille garde traduits de longue date en français. Et en effet, j’allais bientôt me régaler à la lecture de Vie et mort en 4 rimes d’Amos Oz, d’Un feu amical de A.B Yehoshua ou encore de Textile d’Orly Castel Bloom. Je m’étais réservée pour plus tard, pour la bonne bouche, plusieurs auteurs israéliens jusqu’à là inconnus en français en me promettant de les découvrir à mes moments de plus grande disponibilité. C’est ainsi que je ne fus pas déçue par le merveilleux petit nouveau My first Sony de Benny Barbash qui obtint le prix populaire du Salon du livre …
En partant à St Malo, j’emportais avec moi un ouvrage dont la couverture bleue azur –Mercure de France- me promettait de belles journées sans nuages malgré le titre paradoxal mais si poétique et troublant : Des papillons sous la pluie.
Et voilà comment je me gorgeais de soleil sur la plage bretonne en compagnie d’Adam Ouria, médecin de famille installé à Tel Aviv qui vient de recevoir un appel téléphonique qu’il attendait sans y croire depuis 25 ans …C’est sa mère qui se rappelle à son bon souvenir, une femme fantasque et bohème, amoureuse avant tout de sa liberté qui l’a abandonné à l’âge de 10 ans aux bons soins de sa propre mère, l’irrésistible et attachante Mama Ruth… Dans de longues phrases fluides et élégantes, images du mouvement de la pensée et de ses méandres, pendant les trois jours qui le séparent du retour de sa mère prodige , Adam se remémore les moments forts de son enfance, s’interroge sur le sens que prend sa vie et sur l’existence en général. La narratrice alterne subtilement passé et présent, réflexions et rencontres avec les amis, les patients -ce qui nous vaut par exemple des analyses très justes sur la pratique de la médecine-, la petite amie Eliana, neurologue malicieuse et déterminée qui presse Adam à s’engager… L’auteur excelle dans l’art du détail propre à faire exister en quelques phrases un personnage, une situation, une atmosphère… Magnifique portrait de la vie comme elle va avec ses hasards, blessures, manques et espoirs, attachant portrait des rapports d’une mère avec son fils, d’un fils avec sa mère, marchande de verroteries, femme-enfant qui lui a légué avant son brusque départ un papillon de verre à l’aile brisée … Et, quand on a tourné la dernière page, on reste sous le charme de tous ces personnages si humains –l’empreinte du lieu Israël, terre de multiples tourmentes, est bien présente mais reste en pointillé-, des papillons blessés qui tentent de voler scintillants sous la pluie…
Eva Hadas-Lebel
Des papillons sous la pluie de Mira Maguen . Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz . Mercure de France, 2008 .