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Se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat

Se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat

Résumé d’un responsum du rabbin David Golinkin -

Nombreux sont les Juifs à venir à la synagogue le shabbat en voiture... Transgression ou moindre mal ? Et en Israël ?

En Diaspora de nombreux juifs sont coupés de toute vie communautaire. Le fait de ne fréquenter aucune synagogue ou centre communautaire peut impliquer la rupture totale avec toute forme de vie juive spirituelle et sociale.

Dissuader catégoriquement les personnes d’emprunter le Chabbat leur véhicule ou les transports public pour se rendre dans les synagogues, reviendrait à accentuer cette rupture. À choisir, il faut savoir opter pour le moindre mal.

C’est la position la plus commune dans le mouvement massorti   afin de freiner l’assimilation et la déjudaïsation. Il vaut mieux venir en voiture que ne pas venir.

La question a été posée en Israël dans un contexte très différent. Le rabbin   Golinkin (massorti   israélien) répond.

 Question :

Il n’existe pas de synagogue Massorti   à Petah-Tikva où nous habitons. Or ma femme ne souhaite pas fréquenter une synagogue orthodoxe   dans cette localité, car elle ne s’y sent pas accueillie dans un esprit égalitaire, ce qui la gêne profondément.

Nous serait-t-il permis de nous rendre en véhicule à une synagogue Massorti   à Hod Hasharon ou Ramat-Aviv afin d’accomplir la mitsva de la prière collective pour Chabbat ?

 Réponse :

Cette question s’est posée aux USA dès 1933.

En 1950, deux responsa   se mesurant à la question furent publiés par le Comité sur la Loi et les Standards Juifs du Mouvement Conservative   en Amérique du Nord . La majorité décida qu’une personne qui vit très loin d’une synagogue doit être autorisée à se rendre en véhicule à la synagogue à la condition expresse qu’elle ne s’arrêtera pas en chemin pour d’autres besoins.

À l’opposé, la minorité décida que de façon générale, il est interdit de se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat, sauf en cas de besoin majeur, le degré de besoin devant être apprécié par l’individu concerné.

Toutefois même la majorité insista sur le fait que « l’autorisation octroyée ne devait pas être considérée comme traduisant la norme stricte de l’observance du Chabbat, valide pour tous les juifs en tout temps et tout lieu.

Au contraire, elle visait seulement à répondre à des situations particulières de contrainte que nous pouvions être amenés à rencontrer... » (ibid. p 360). « Il doit être entendu que dans leur évaluation à la lumière des conditions spécifiques de leurs communautés respectives, les rabbins   pourraient juger les assouplissements que nous proposons, non nécessaires à l’atteinte des objectifs globaux ici envisagés (à savoir, faire en sorte que les juifs éloignés renouent le contact avec les synagogues) » (ibid. p. 371).

En conséquence, nous avons été amenés à réexaminer la décision des États-Unis de 1950 à la lumière des conditions existantes en Israël quarante ans plus tard. Il est clair que les raisons de cette décision permissive ne s’appliquent plus.

À cette époque, la plupart des juifs américains travaillaient le jour de Chabbat, priaient peu, ne savaient pas comment prier seuls à leur domicile et vivaient à de grandes distances de la synagogue la plus proche.

En conséquence, la prière à la synagogue était le dernier point d’ancrage de leur observance du Chabbat. Ce n’est pas le cas aujourd’hui en Israël où presque personne ne travaille le jour de Chabbat, où chaque juif peut ouvrir un livre de prière et prier s’il le désire, et où l’on peut trouver une synagogue dans chaque quartier. Nous partageons donc l’avis de la minorité et pensons qu’il est interdit de se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat.

D’un point de vue formel, diverses considérations halakhiques (loi juive) impliquent qu’emprunter un véhicule à la synagogue le jour de Chabbat est interdit :

1. Allumer un feu est une interdiction biblique (Exode 35:3) et démarrer une voiture crée des étincelles.

2. C’est aussi interdit par les autorités rabbiniques (chevout) de peur que la voiture tombe en panne et que la personne soit obligée de la réparer ce qui entraînerait une transgression tant biblique que rabbinique.

3. Il est interdit de s’éloigner à plus de 2 000 coudées (1 km200 environ) du lieu de sa propre localité le jour de Chabbat (Erouvin 49b). En conséquence, dans ce cas spécifique, il est interdit de se rendre de Petah-Tikva à Hod Ha-Charon ou Ramat-Aviv.

4. Tout objet qui ne doit pas être utilisé le jour de Chabbat est considéré comme « mouktsè » et ne peut donc être touché ou porté. Or quelqu’un qui conduit une voiture est amené par la force des choses à prendre son portefeuille, contenant de l’argent, une carte de crédit et toutes autres formes d’objets qui tombent sous la catégorie de « mouktsè ». De plus, il peut être aussi amené à acheter de l’essence, éditer un ticket de parking, etc., activités qui, il va sans dire, sont strictement interdites le jour de Chabbat.

5. Il existe d’autres considérations qui ont fait l’objet d’interdits rabbiniques exprimés par les catégories de chevout (esprit de repos) et ouvdin de-hol (actes profanes à éviter). L’idée qui inspire cette dernière mesure est de faire en sorte que le vécu sacré du Chabbat ne s’apparente pas à un jour quelconque de semaine. Or il n’y a rien de plus quotidien ou banal que de conduire une voiture. Par ailleurs, une activité qui peut secondairement entraîner l’opération d’ouvrages prohibés le Chabbat est elle-même interdite au nom du principe de chevout. Conduire un véhicule peut amener à transgresser les interdits bibliques comme le fait de transporter à des fins commerciales ou personnelles, de construire, écrire et plus encore. Donc, même si conduire le Chabbat était autorisé par la Tora, cela serait interdit à cause des conditions profanes adjacentes, et en raison de l’importance de constituer une journée sacrée distincte des activités profanes.

6. Conduire un véhicule est de surcroît interdit à cause du principe de lo peloug qui signifie que les rabbins   ne doivent pas décréter des interdictions qui partielles seraient susceptibles d’induire en erreur le commun des hommes. Or il est pratiquement inévitable qu’en autorisant des personnes à se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat, à certaines conditions, la plupart d’entre elles en viendront à en déduire qu’il n’y a aucun inconvénient majeur à utiliser la voiture pour se rendre en tout lieu et à n’importe quel motif le jour de Chabbat, et c’est d’ailleurs ce qui est arrivé aux USA.

7. Le rabbin   Hatam Sofer   (XIXe s.) a interdit les trajets inter-villes effectués en train le jour de Chabbat, quand bien même toutes les conditions du Chabbat seraient réunies, et ce, à cause du stress physique et mental occasionné qui ne sied pas du tout à l’esprit du Chabbat. Or il n’y a pas de doute que conduire une voiture crée plus de stress encore que le train.

8. Le fait de se rassembler pour prier en public n’est pas une obligation biblique. Il s’agit certes d’une injonction rabbinique et sans aucun doute, d’une manière hautement recommandée d’accomplir ses prières. Mais ces considérations seules ont moins de poids que l’interdiction biblique enfreinte par les divers ouvrages liées à l’emprunt de sa voiture le jour de Chabbat. De plus, de nombreux rabbins   ont jugé que l’importance de la participation à la prière publique le jour de Chabbat ne justifie pas pour autant d’outrepasser une mesure au rang de chevout ou d’interdiction rabbinique. Ainsi, même si conduire le Chabbat n’était qu’une interdiction d’ordre rabbinique, la volonté de prier en communauté ne justifierait pas la transgression.

9. Il est vrai que le mouvement Massorti   souhaite créer de véritables kehillot (communautés), et non des synagogues, comme simples lieux de prière et qu’il est impossible de créer une communauté quand chaque famille vit à une trop grande distance l’une de l’autre. Mais la bonne solution n’est pas d’autoriser de voyager le Chabbat pour être ensemble mais de s’efforcer de vivre à proximité les uns des autres, en observant autant que possible le Chabbat.

À la lumière de tout ce qui vient d’être dit, aller en véhicule pour se rendre à la synagogue le jour de Chabbat doit être absolument évité (Berakhot 47b et suivants).

Pour finir, nous nous permettrons de donner trois conseils d’orientation pratique à la famille qui a posé la question :

1. Il conviendrait de redoubler d’efforts et tenter de constituer une communauté Massorti   à Petah-Tikva.

2. Ce n’est pas parce que nous avons estimé par ailleurs que la mehitsa (cloison de séparation entre les hommes et les femmes) ne s’imposait plus de nos jours que prier dans une synagogue munie d’une mehitsa constituerait une transgression ! Nous ne devons pas nous montrer aussi intolérants que ceux qui parfois refusent de prier dans nos synagogues. Il est préférable de se rendre à pied à une synagogue orthodoxe   que d’emprunter en véhicule pour se rendre à une synagogue Massorti  .

3. Il faudrait envisager sérieusement si nécessaire de déménager près d’une synagogue Massorti  . Il fait admettre que cela peut se révéler être parfois une solution difficilement praticable et coûteuse. Mais les juifs n’ont-ils pas souvent au cours de l’histoire fait de grands efforts et même sacrifices pour mieux observer les mitsvot ? Si d’aucuns déménagent bien d’un quartier à l’autre, voire d’une ville à l’autre pour leur travail ou pour une meilleure école pour leurs enfants, pourquoi n’envisageraient-ils pas aussi déménager pour vivre près de la communauté de leur choix ?

Dans l’annexe de notre responsum   complet, nous avions également fait le point sur l’usage des transports en commun et de vélos le jour de Chabbat. Notre recherche et analyse concluent qu’il peut être admissible dans certaines situations d’engager un non-juif pour conduire un bus ou un taxi de Chabbat qui transporterait les personnes âgées ou handicapées à la synagogue, mais sous certaines conditions préétablies évitant la transgression et notamment à la condition que le bus ou le taxi ne dépasse pas les limites de la ville pour arriver à la synagogue.

texte intégral en hébreu

 Annexe : Dans le contexte français

(par le rabbin   Rivon Krygier)

Nous souscrivons pleinement aux arguments qui ont été énoncés plus haut par le rabbin   David Golinkin. À ceci près que le responsum   laisse clairement entendre que la situation en Israël ne peut être jugée équivalente à celle qui prévaut en diaspora, et que pour cette raison même, il convient de présenter une position plus nuancée dans ce contexte.

En France, comme aux États-Unis alors et aujourd’hui, de nombreux juifs sont coupés de toute vie communautaire. Le fait de ne fréquenter aucune synagogue ou centre communautaire peut impliquer la rupture totale avec toute forme de vie juive spirituelle et sociale.

Dissuader catégoriquement les personnes d’emprunter le Chabbat leur véhicule ou les transports public pour se rendre dans les synagogues, reviendrait à accentuer cette rupture. À choisir, il faut savoir opter pour le moindre mal.

À notre sens, il vaut mieux que des personnes voyagent le Chabbat mais maintiennent ou renouent avec le lien social et spirituel que leur offrent les offices des synagogues plutôt que demeurer là où elles sont et souffrir de leur isolement sabbatique. Les personnes isolées risqueraient d’abandonner toute observance car leur Chabbat perdrait toute saveur et toute signification. Et les personnes non observantes du Chabbat à qui on ferait comprendre qu’elles ne sont pas les bienvenues si elles se rendent en véhicule à la synagogue le Chabbat, ne feraient que se détourner davantage de la Tradition et de la société juive.

Il ne s’agit donc pas d’autoriser de voyager le Chabbat comme si c’était un acte pleinement légal mais bien de signifier à ces personnes qu’elles transgressent légitimement le Chabbat pour éviter un plus grand mal que serait la dilution identitaire.

En pratique, cela revient aux dispositions suivantes :

1. A priori, il convient autant que faire ce peut d’observer les règles de discipline du Chabbat. Elles font partie intégrante du travail spirituel de sanctification commandé par notre Tradition et soutenu par notre mouvement. En conséquence de quoi, nous confirmons la règle selon laquelle l’emprunt d’un véhicule ou de transports publics le Chabbat ne se justifie que pour se rendre à la synagogue ou accomplir une mitsva pressante et non pour des raisons d’agrément ou de commodité.

2. Une personne suffisamment vaillante ou habitant à une distance de la synagogue qui la rende accessible à pied ne peut s’estimer autorisée par la loi juive à emprunter un véhicule. Ceci étant, bien que nous encouragions vivement nos membres à suivre ces règles, nous ne voulons exercer aucune forme de contrainte ou de dénigrement de leur choix de se rendre à la synagogue comme ils l’entendent librement.

3. Si déjà, le seul moyen pour telle personne de se rendre régulièrement à la synagogue est d’emprunter un véhicule, il convient de minimiser autant que possible les transgressions du Chabbat, notamment en préférant les transports publics à la conduite de véhicule. Il convient aussi d’acheter les billets avant le Chabbat, de ne rien transporter ou porter sur soi de non indispensable. Pour plus de détails, consulter le rabbin  .

4. Si une personne estime pouvoir s’épanouir spirituellement et maintenir un lien étroit avec la société juive, en se rendant à une synagogue d’un autre courant, libéral ou orthodoxe  , elle ne peut être autorisée à transgresser le Chabbat pour se rendre dans une communauté massorti  . Mais là encore, nous respectons le choix des personnes et savons la spécificité de chaque situation.

5. L’injonction évoquée par le rabbin   Golinkin qui consiste à tout mettre en œuvre pour habiter à une distance pédestre de la synagogue demeure un objectif de haute importance pour le bon respect du Chabbat.

(La Responsa   du rabbin   Golinkin a été traduite d’un résumé en anglais par Barbara et Yohan Stern.)

Messages

Se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat

Bonjour,

Serait-il possible d’avoir le lien de la réponse de David Golinkin dans son intégralité (si possible en anglais, sinon en hébreu) ?

Merci d’avance, bravo pour la qualité des articles du site

Se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat

Vous trouverez le texte en hébreu joint à l’article en pdf.

Bien à vous

Yeshaya Dalsace

Se rendre en véhicule à la synagogue le jour de Chabbat

Merci beaucoup

Shabbat Shalom

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