En effet, tous deux sommes traditionalistes (light), pratiquons la religion dans les très grandes lignes, et pourtant avons notre identité très fortement ancrée en nous et pour cela, nous tenons absolument faire une cérémonie religieuse.
Donc si nous sommes tous les deux juifs, nos enfants le seront également donc...
J’ai lu sur Internet que les personnes se mariant de dehors des synagogues reconnues par le consistoire ne peuvent pas inscrire leurs enfants à l’école juive, qu’en est-il pour la bar mitsvah, brit milah, leur mariage à leur tour ? Devront-ils faire leur bar mitsvah/mariage etc dans une synagogue du même mouvement que le mariage de leurs parents ?
Le consistoire dira que notre mariage n’est pas reconnu blablabla, les libéraux répondent que leur mouvement est reconnu en Israël et que cela ne pose donc aucun problème, qu’en est-il réellement ?
Merci de me répondre,
Amanda
Réponse
Mlle,
La question que vous posez touche à quelques points fondamentaux.
La question de la judéité, la question de la liberté de conscience, la question de l’appartenance à un courant particulier du judaïsme.
La définition de la judéité se fait en principe par la mère. Que celle –ci soit mariée par tel ou tel rabbin ne change rien. Elle pourrait même ne pas être mariée du tout. Un rabbin aussi orthodoxe soit-il, reconnaîtra la judéité des enfants. Ce n’est pas le mariage qui définit la judéité mais la filiation maternelle.
La question de la liberté de conscience est, à mon avis, fondamentale. La liberté n’a pas de prix et chaque juif doit lutter pour pouvoir exercer le culte du judaïsme comme il l’entend. Aucun rabbin ne devrait avoir le droit d’imposer ses vues aux autres, tout au plus, il peut défendre ses positions et convaincre. Cet attachement viscéral à la liberté de conscience et d’opinion fait que je refuse personnellement, bien que strictement pratiquant et respectueux de la Halakha , de me reconnaître dans l’orthodoxie actuelle. Plus celle-ci essaie de faire peur aux gens avec des histoires d’anathèmes et de reconnaissance, plus je prendrai mes distances avec elle au nom de la valeur suprême qu’est la liberté individuelle ainsi qu’au nom de la pluralité historique du judaïsme. Je donne ma position personnelle comme exemple. On n’est pas obligé de la partager et des quantités de juifs acceptent de renoncer à cette liberté et de se soumettre aux menaces de l’institution orthodoxe . Au nom donc de la liberté de conscience, je pense que vous devez choisir de vous marier comme bon vous semble, avec le rabbin de votre choix, orthodoxe , Massorti ou libéral ; d’autant plus que cela n’a strictement aucune incidence sur la judéité des enfants.
Le choix de son mouvement :
Dans le judaïsme il existe trois grands courants de pensée, l’orthodoxie , le mouvement Massorti et les libéraux. Je pense que chaque juif doit choisir quel mouvement fréquenter en fonction des valeurs défendues par ce mouvement. Cela ne peut se faire qu’après études et réflexions. On peut bien sûr choisir de passer d’un mouvement à l’autre pour des raisons personnelles et au cours du cheminement intellectuel et spirituel que représente une vie d’homme. Le choix fait par les parents ne s’impose pas forcément aux enfants qui peuvent tout à fait changer d’option. De très nombreux enfants d’orthodoxes sont devenus Massorti , libéraux, laïques… et inversement.
Le jour où l’orthodoxie fermerait totalement les portes devant les enfants de juifs non orthodoxes (je ne pense pas que cela arrivera), elle se transformerait alors en secte avec un état d’esprit bien éloigné de celui du judaïsme traditionnel. Se serait alors plutôt un cadeau de permettre à un enfant de ne pas en faire partie. L’immense majorité des juifs se verrait alors exclue de cette orthodoxie et continuerait son chemin juif autrement. Encore une fois cela reste totalement hypothétique. L’orthodoxie a quelques défauts mais n’en est pas encore là et n’y sera jamais je l’espère. Vous pouvez donc très bien trouver un rabbin orthodoxe très respectueux de votre mode de vie et de vos convictions religieuses assez tièdes.
La politique d’inscription à une école juive dépend de la direction de cette école. Il existe toutes sortes d’écoles juives, y compris des écoles juives laïques… si vraiment une école fermait ses portes devant des enfants dont les parents ne se seraient pas mariés devant un rabbin orthodoxe , c’est que vos enfants ne devraient pas la fréquenter… (Personnellement, même si marié de façon orthodoxe , je n’inscrirais jamais mes enfants dans une telle école ! Je leur ferais ce cadeau de leur épargner une éducation sectaire). Dans le système français sous contrat une telle exclusion serait d’ailleurs illégale, l’école en question n’ayant aucun droit de refuser un enfant, même non juif.
Je ferais la même réponse en ce qui concerne la Bar Mitsva . Je souhaite à vos enfants de la faire avec un rabbin ouvert et compréhensif, sinon évitez leur d’être dégoûtés du judaïsme qui a tant à leur apporter et changez de rabbin .
La question de la reconnaissance en Israël est tout autre. D’abord vous ne vivez pas en Israël. Deuxièmement même un enfant dont seul le père est juif est reconnu comme juif par l’Etat d’Israël et la Loi du retour ; donc a fortiori un enfant de mère juive. En ce qui concerne le mariage, Israël reconnaît le mariage civil français. Quelqu’un qui se serait marié civilement en France et ferait son Alya serait considéré comme marié par la loi israélienne, cela quelle que soit la judéité du conjoint. Bien évidemment, le rabbinat orthodoxe israélien voit cela d’un autre oeil, mais ce n’est pas lui qui tient l’état civil dans ce pays.
Vous pouvez donc faire ce que vous voulez sans grand risque. Vous devez à mon avis défendre votre liberté de conscience et choisir un rabbin qui vous semble proche de votre cœur et des idéaux que vous voulez défendre, un rabbin orthodoxe ouvert peut très bien faire l’affaire.
Il faut enfin ajouter un aspect pratique très important pour les femmes juives : la question de l’accord pré marital. La plupart des rabbins orthodoxes ne le pratique pas. Un rabbin Massorti refusera au contraire de pratiquer un mariage sans un tel accord. Cet accord stipule qu’en cas de divorce civil les conjoints ont six mois pour se mettre en règle avec le divorce le religieux. Dans le cas contraire, le mariage se verrait annulé. Cela reste pour le moment la meilleure méthode afin d’éviter des problèmes d’Agounot (femmes bloquées sans acte de divorce). Je crois personnellement qu’il est essentiel d’utiliser un tel accord de nos jours.
Bonne chance en tous les cas, Mazel Tov
Rabbin Yeshaya Dalsace
Mariages alternatifs en Israël
Reportage (en hébreu) le mariage hors du rabbinat et la demande de plus en plus forte de religieux modernes de trouver des alternatives à un système qui ne convient plus :