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Hayeh Sarah : actes de générosité

Hayeh Sarah : actes de générosité

Yedidiah Robberechts -

Notre parachah met en regard deux actes de générosité gratuite tout à fait impressionnants.

Le premier est celui d’Ephron à Hébron : il propose à Abraham - qui cherche à enterrer Sarah - de lui céder un lopin de terre gratuitement pour ce faire (Genèse 23,11). Le second est celui de Rebecca : face à un étranger inconnu de passage qui a soif – en fait Eliezer, le serviteur d’Abraham -, elle offre de lui donner à boire à lui et à ses chameaux (Genèse 24,18-20).

Pourtant ces deux actes de générosité vont connaître des destins complètement différents. Le premier sera refusé par Abraham qui voudra à la place payer la terre promise par Ephron, et celui-ci la lui fera alors payer au prix fort. Le second sera accepté par Eliezer, et sera le coup d’envoi d’une alliance – d’un mariage – entre Isaac et Rebecca, dont une des conséquences majeures sera la naissance d’Israël (Genèse 25,26).

Pourquoi cette différence de traitement et de destin pour deux actes qui formellement semblent identiques ? Pourquoi dans un cas, l’impasse d’une relation qui débouche sur une séparation des projets par l’intermédiaire de l’argent ? Et pourquoi dans l’autre cas, la réussite d’une relation qui débouche sur un mariage et une alliance eux aussi couronnés par des dons d’argent (Genèse 24,22 et 53) ?

C’est que l’acte d’Ephron n’était désintéressé qu’en apparence. Le texte insiste sur le fait qu’Ephron n’a pas fait cette proposition discrètement, mais qu’il s’est arrangé pour la faire en public, au vu et au su du plus grand nombre de personnes de sa ville (Genèse 23,10). Et lorsqu’Abraham refuse cette proposition peut-être un peu trop magnanime, Ephron s’empresse de lui demander un prix exorbitant pour ce terrain d’abord proposé gratuitement (Genèse 23,15). Cela montre que la gratuité de l’acte d’Ephron n’était qu’apparente, et qu’en fait Ephron avait des attentes très fortes du retour en termes de relations publiques que lui occasionnerait l’apparente bénévolence de son acte : il s’attendait à des dividendes publiques sonnants et trébuchants du lien de dépendance et d’emprise qu’il créait avec Abraham en faisant de lui son protégé et son obligé. Sa générosité était calculée et intéressée, puisque lorsqu’il s’agit de chiffrer son attente, le prix s’en avère faramineux !

A l’inverse de cela, l’acte de Rebecca se fait entre quatre yeux, sans aucune intention de publicité, avec quelqu’un qui n’est que de passage et qui repartira le lendemain vers de nouveaux horizons sans laisser de trace. Rien ne semble pouvoir venir en retour de ce geste gracieux : c’est un geste perdu, soutenu uniquement par sa propre urgence et sa propre générosité. Le midrach   ne s’y est pas trompé, qui nous enseigne que lorsque Rebecca approchait du puits, les eaux montaient vers elle dans un élan généreux. Le midrach   traduit ainsi la générosité de Rebecca qui transformait un monde aride et cynique – sec et assoiffant - en monde d’hospitalité et de générosité humaines désaltérantes. N’est-ce pas dans l’invraisemblance d’un tel acte gratuit et d’une telle responsabilité sans détour que l’humain peut émerger et son histoire rebondir ? Israël ne peut naître et se ressourcer qu’au cœur de tels actes de générosité gratuite.

Yedidiah Robberechts

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