Notre réponse :
Le Consistoire est un organisme essentiel du judaïsme français. C’est le principal organisme pour gérer les lieux de culte et l’enseignement juif en France.
Le Consistoire a sa propre histoire qu’il faut comprendre dans le contexte d’une lente évolution historique. Cet organisme a été créé par Napoléon et imposé à la communauté juive, comme mesure de police au départ. Le judaïsme n’avait jamais été organisé de façon aussi structurée et hiérarchique auparavant. Au contraire, la pluralité y a toujours régné. Au sein du Consistoire lui-même des tendances différentes se sont affrontées. Le système centralisateur jacobin a cependant toujours eu le dessus.
Le mode d’organisation consistorial présente certains avantages mais également de gros inconvénients.
Le Consistoire n’est en rien une institution sacrée et intouchable. C’est une association cultuelle soumise à la loi de séparation de l’église et de l’État, tout autant que d’autres associations, tout comme le mouvement Massorti d’ailleurs.
En fait, dès le début du XXe siècle et l’arrivée d’immigrants juifs à la mentalité différente de celle des juifs français, le système a commencé à se fissurer. Les uns demandant quelque chose de plus orthodoxe , les autres désirant plus de modernisme, d’autres encore exigeant une représentation laïque.
Au bout du compte, le système consistorial a très clairement opté pour l’orthodoxie dure à partir des années 80. Cela implique des dérives vers le fondamentalisme que nous dénonçons et nous pousse à une autre voie.
Un énorme travail a été fait en faveur de l’école juive, des réseaux de cashrout, et bien d’autres initiatives positives. Cependant, cela alla de pair avec une claire radicalisation des rabbins consistoriaux et la mise en place d’un système de pensée qui tend à s’aligner sur celui de l’ultra-orthodoxie israélienne. Ce système convient peut-être à une partie des juifs de France. Il ne convient certainement pas à la majorité.
Une tendance religieuse comme celle du mouvement Massorti ne peut pas trouver sa place dans le système du Consistoire actuel. Ce pourrait être le cas si le Consistoire revenait à sa vocation première d’être la fédération de toutes les communautés juives de France, toutes tendances confondues, mais cela tient plus du rêve messianique que du réalisme.
Certains souhaitent changer le système de l’intérieur et rêvent de l’assouplir. À notre avis, dans les circonstances actuelles, ils n’y arriveront pas. Soit ils perdent leur temps, soit ils servent de caution aux plus radicaux qu’eux et se font donc récupérer.
En attendant, le temps passe et de plus en plus de juifs s’éloignent à contrecœur de la communauté juive faute d’y trouver une mentalité et des solutions qui leur conviennent.
Le judaïsme dont nous rêvons au sein du mouvement Massorti est différent. Il repose sur des valeurs qui ne sont pas celles de l’absolue fidélité à un passé idéalisé, mais plutôt sur une vision d’avenir et de volonté délibérée d’inscrire le judaïsme dans la modernité tout en lui conservant une grande part de rigueur. Nous rêvons d’un judaïsme ouvert et pluraliste qui sache prendre en compte tous les juifs et trouver des solutions à toute situation et qui surtout n’ait pas peur des grands débats de fond.
C’est pourquoi, avoir fait le choix de fonder une branche française du mouvement Massorti relève d’une vision idéologique à long terme. On peut adhérer ou non à cette vision ; mais une chose est sûre, le travail accompli en près de 20 ans n’aurait jamais été possible au sein du Consistoire qui a d’ailleurs toujours tout fait pour le freiner, voire l’empêcher.
C’est peut-être regrettable, c’est peut-être provisoire, mais cela est notre engagement et ce à quoi nous croyons pour le bien du judaïsme français.
Nous avons donc le plus grand respect pour l’institution consistoriale, mais nous sommes persuadés qu’elle n’est plus adaptée à la situation du judaïsme français d’aujourd’hui et qu’elle le sera encore moins demain, à moins de subir une profonde réforme et de donner leur place aux différentes sensibilités du judaïsme et à toutes les communautés juives de France. Cela ne nous semble pas être pour demain, en attendant le temps presse.
Nous privilégions l’efficacité de notre travail et nos convictions plutôt que l’officialité qui est souvent un piège pour les spiritualités.
Yeshaya Dalsace
Webmaster et rabbin de Maayane Or à Nice