Art Spiegelman est un illustrateur et auteur de bande dessinée américain, né le 15 février 1948 à Stockholm (Suède).
Figure phare de la bande dessinée underground américaine des années 1970-1980, il est à partir du milieu des années 1980 surtout connu pour sa bande dessinée Maus, qui lui a valu un Prix Pulitzer.
En 1986, il publie le premier volume de Maus. Un survivant raconte qui retrace la vie de sa famille (racontée par son père) pendant la Shoa. La suite et fin de cette histoire édité en français sous le titre Et c’est là que mes ennuis ont commencé sort en 1991.
C’est la première fois qu’une bande dessinée attire autant sur elle l’attention des critiques. Maus sera l’objet d’une exposition au musée d’art moderne de New York, et obtiendra en 1992 un Prix Pulitzer spécial.
Maus raconte, à travers le dialogue de l’auteur et de son père, l’histoire de celui-ci juif polonais, survivant des ghettos polonais et d’Auschwitz.
On y découvre les persécutions nazies, depuis le début de la Seconde Guerre mondiale et l’invasion de la Pologne jusqu’à l’effondrement du Troisième Reich et l’immédiat après-guerre.
Témoignage sur la Shoah, cette œuvre aborde la question de la survie à tout prix quand la loi est celle du plus fort, de l’antisémitisme juste après la Seconde Guerre mondiale. Le récit du père est entrecoupé de scènes montrant des relations difficiles entre un père et son fils, la difficulté pour l’auteur lui-même, juif de la génération « d’après » d’exorciser ce terrible passé, de se construire à l’ombre d’un survivant.
Dès les premières pages, Spiegelman aborde un thème majeur de la littérature de la Shoah : la déshumanisation entrainant un total manque de solidarité entre les déportés. Le père dit à son jeune fils qui pleure parce que ses amis sont partis sans lui : « Des amis ? Tes amis ? Enfermez-vous tous une semaine dans une seule pièce sans rien manger... Alors tu verras ce que c’est, tes amis... »
Sans chercher à enjoliver, Spiegelman décrit son père comme un avare grincheux, caricature des stéréotypes racistes sur les Juifs. Il montre aussi son exaspération face aux obsessions et aux préjugés du vieil homme, préjugés aussi bien sexistes que racistes. Le tome 1, intitulé Mon père saigne l’Histoire se termine avec le départ des parents de Spiegelman, Vladek et Anja, pour Auschwitz et une scène houleuse entre le fils et le père.
Comme beaucoup d’enfants de survivants, Spiegelman ne peut s’empêcher d’exprimer sa culpabilité d’avoir une meilleure vie que ses parents.
Dans son œuvre, Art Spiegelman représente les différents groupes nationaux par différentes espèces d’animaux : les Juifs sont représentés par des souris (« Maus » signifie « souris » en allemand), les Allemands par des chats, les Français par des grenouilles, les Américains par des chiens, les Suédois par des élans, les Polonais par des porcs, les Britanniques par des poissons, les Roms par des bombyx disparates (gypsy moths en anglais) et l’enfant né d’une liaison entre des personnes juives et allemandes par une souris au pelage marqué de rayures félines. L’utilisation du zoomorphisme, un style familier aux dessins animés et aux bandes dessinées, est une référence aux images de propagande nazie qui dépeignaient les Juifs comme des souris et les Polonais comme des porcs.
Maus restera une oeuvre majeure sur la Shoa, les survivants et la transmission du traumatisme. C’est un livre incontournable sur le fait juif contemporain.