Les femmes n’y sont pas indépendantes, elles ne sont à priori pas le personnage principal, mais apparaissent en tant qu’épouses ou mères. Cependant une lecture plus profonde montrera bien vite que les choses sont plus complexes que cela et que la Bible reste, malgré son antiquité, un ouvrage pleinement moderne, tout à fait apte à parler des femmes et à donner aux femmes d’aujourd’hui matière à réflexion.
Les femmes y sont omniprésentes et bien souvent, volontairement ou non, elles occupent le devant de la scène et ne se contentent nullement d’un rôle de figurant ou de faire valoir. Bien plus, elles sont là aux moments décisifs et charnières pour influencer pleinement le récit biblique. Bien loin de l’image de la femme soumise et passive que certains voudraient retenir comme modèle pour la femme juive, elles prennent bien souvent l’initiative avant les hommes et font preuve de bien autant de caractère et de vertu (ou parfois de vices, n’oublions pas que les personnages de la Bible n’en manquent pas). Plus encore, on peut voir chez certaines d’entre elles de véritables féministes, ne s’en laissant pas volontiers conter et critiquant plus ou moins ouvertement le système patriarcal en vigueur.
Elles ne sont nullement cantonnées au rôle souvent ingrat de simple épouse et de mère et tiennent toutes sortes de rôles, parfois très importants, empiétant même sur des domaines qu’on aurait pu croire réservés aux seuls hommes. Dans la Bible on trouve de tout, des femmes prophètes, des sorcières, des guerrières, des poétesses, des vertueuses, des prostituées, des reines, des conspiratrices, des sages , des juges, des folles, des personnalités extraordinaires comme des personnages secondaires... La femme de la Bible n’existe pas, ils y a des femmes qui présentent une large palette de caractères à étudier, femmes sans lesquelles la Bible ne serait pas la Bible, et les hommes l’ombre d’eux-mêmes.
Mais revenons au rôle d’épouse et de mère. Il est avant tout représenté par les matriarches sans l’action et l’initiative desquelles toutes les histoires de la Genèse, moment fondateur s’il en est, auraient pris un tour totalement différent. De même pour l’homme clef du Judaïsme, Moïse, entouré de personnages féminins de caractère, qui doit sa survie à trois femmes « résistantes », sa mère naturelle qui le cache, et une « juste des Nations », la fille de Pharaon, qui cache son identité et l’adopte ! Sa propre femme, enfin, qui le sauve alors que Dieu veut le faire mourir, en lui donnant une belle leçon de religion. Quelles épouses et quelles mères !
Certains des livres bibliques sont si proches du féminin qu’on peut se demander si une femme ne pourrait en être l’auteur (rappelons que les auteurs bibliques sont en général anonymes), certains chercheurs pensent la chose possible.
N’oublions pas non plus que la Bible ne va pas sans commentaires. Ce texte ne se lit pas, il s’étudie. Or si les femmes juives furent trop longtemps réduites au rôle de simples lectrices aux dépends de celui de commentatrices, ce n’est plus, heureusement, le cas aujourd’hui. Les femmes érudites en Judaïsme sont actuellement légion, le phénomène ne va qu’en augmentant, il y a même de nombreuses femmes rabbins !
Ce bouleversement de l’éducation féminine amène avec lui un bouleversement de l’étude juive et plus particulièrement biblique, et donc un renouveau passionnant du commentaire. On trouve déjà de nombreux ouvrages de commentaires bibliques écrits par des femmes qui savent jeter sur le texte un éclairage nouveau et dégager de la lettre des étincelles insoupçonnées de sainteté, prouvant, une fois de plus, l’immensité infinie de nos textes et la vigueur, jamais démentie, de notre tradition.
A vos Bibles, mesdames... en hébreu de préférence.
Yeshaya Dalsace