Article dans Actualité juive
Rabbin Yeshaya Dalsace : « Comment crée-t-on une communauté ? En retroussant ses manches »
Le mouvement Massorti français s’est enrichi d’une nouvelle communauté dirigée par le rabbin Yeshaya Dalsace et présidée par l’historien Philippe Boukara.
« DorVador » (De génération en génération ¬ ndlr) est située à l’Est de Paris. Elle vient compléter l’offre déjà proposée par le mouvement conservative via Adath Shalom , rue Georges Bernard Shaw.
Actualité juive : Vous avez quitté la communauté de Nice pour vous installer à Paris et créer une seconde communauté Massorti dans l’Est parisien. Quel est votre sentiment ?
Rabbin Yeshaya Dalsace : Créer une communauté est un énorme défi que l’on ne relève seulement si on y croit. Et j’y crois. J’ai pris l’initiative de venir à Paris en accord avec le mouvement Massorti , de quitter la ville de Nice où, avec ma famille, nous avions tout le confort souhaitable parce que je crois dans le judaïsme que je défends. Je ne suis pas là par opportunité, mais pour la défense d’un idéal. Comment crée-t-on une communauté ? En retroussant ses manches. C’est un travail de pionnier, mais je sais que ça marchera. Aujourd’hui, la communauté DorVador propose des services à un large public. Des offices, des cours de Talmud -Torah, des cours d’hébreu, de pensée juive, mais aussi des repas shabbatiques et des célébrations de mariages et bar-mitsva...
A.J. : Quel est cet idéal dont vous parlez ?
Y.D. : Le judaïsme Massorti propose un judaïsme auquel les juifs français ont peu l’habitude, mais qui pourtant leur correspond. C¹est un judaïsme halakhique très traditionaliste, parfaitement ouvert et progressiste sur des sujets comme la condition des femmes, l’accueil des convertis, le dialogue interreligieux et l’ouverture à la recherche universitaire. L’introduction du mouvement Massorti en France remonte à une vingtaine d’années. Nous avons démarré petit dans un appartement jusqu’à ce que nous nous installions dans les locaux de la rue Georges Bernard Shaw à Paris. D’autres communautés existent aussi à Marseille et à Aix. À Paris-Est, un minyane d’amis a commencé à se réunir il y a dix ans. C’est à ce moment que le principe d’une nouvelle communauté a vu le jour.
A.J. : Comment DorVador a-t-elle été accueillie par la communauté Adath Shalom ?
Y.D. : Très positivement. La création de DorVador est aussi le fruit de son succès. Adath Shalom a prouvé la nécessité d’un mouvement Massorti à Paris.
A.J. : Vous avez passé de longues années à Nice. Quelles sont les différences majeures entre la gestion d’une communauté à Paris et en province ?
Y.D. : Conduire une communauté non-orthodoxe en province relève d’une gageure car les Juifs de France ont tendance à penser que rien n’est possible en dehors des instances consistoriales, ce qui est totalement faux. Cette manière de penser n’existe pas à Paris où cohabitent déjà de nombreuses communautés. En province, les attentes des fidèles ne sont pas les mêmes. Ici, les gens ont à leur disposition toutes sortes d’événements, ce qui n’est pas le cas en régions. L’émulation est grande, la concurrence importante. Nous nous adressons forcément à un public plus averti.
A.J. : La communauté est récente mais néanmoins, quelles sont déjà vos grandes réussites et votre pire source d’angoisse ?
Y.D. : C’est un bonheur pour moi de voir des gens nouveaux arriver chaque chabbat. Cela montre qu’il y a un vrai besoin, une attente. Nous accueillons déjà une quarantaine de familles. Pour ce qui est de l’angoisse, je dirais que c’est l’échec. Aujourd’hui, je prends tous les risques avec ma famille. J’ai cinq enfants, une femme. Je suis là sans parachute. Mais je vous l’ai dit, j’y crois.
Propos recueillis par Yaël Scemama
Numéro 1101 du 7 Janvier 2010- 21 Téveth 5798