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Israël et sa terre

Israël et sa terre

Chelah lekha -

Notre paracha   nous met face à la question du rapport d’Israël à sa terre dans l’épisode des explorateurs.

Deux extrêmes peuvent être décrits à partir de la manière dont les explorateurs décrivent cette terre (Nombres 13, 27-33). D’abord l’autochtonie, exemplifiée par les peuples de Canaan : j’ai tous les droits sur cette terre, puisque j’y suis né et qu’un lien de sang me lie ainsi avec elle. C’est le rapport à la terre-mère, lien fusionnel premier, qui fait du droit un simple appendice de ce rapport fondateur et inaliénable à la terre. La force que me donne mon enracinement dans la terre fonde mon droit (Nombres 13, 28 et 31).

Une des expressions les plus remarquables de ce rapport à la terre se retrouve aujourd’hui dans le principe de la souveraineté de l’Etat lorsqu’il est considéré comme absolu. Si je considère la souveraineté d’un Etat comme absolue, alors dans aucun cas je ne puis intervenir dans les affaires internes de cet Etat, y compris dans les cas où le droit y est bafoué sans restrictions. On laisse donc faire, comme par exemple au Soudan (où il y a eu 300.000 morts ces dernières années) ou aujourd’hui en Syrie (où on parle déjà de 13.000 morts).

Face à ce type de relation, le peuple d’Israël, qui est né en exil (en Egypte), a développé une relation à la terre qui rejoint l’autre extrême : le cosmopolitisme. Je n’ai aucun droit sur la terre, puisque je n’y suis pas né et qu’aucun lien de sang ne me lie à elle. Je suis de partout et de nulle part, et peut donc me reconnaître et m’intégrer dans tous les lieux sans me réduire à aucun. Liberté de mouvement du nomade face à l’enracinement du sédentaire. C’est ce que disent les explorateurs par rapport aux cananéens : « Nous fûmes à nos yeux comme des sauterelles, et ainsi furent-nous perçus à leurs yeux » (Nombres 13, 33).

Ce qui caractérise les sauterelles, c’est qu’elles n’ont aucune attache sérieuse avec la terre : le vent les emporte où il veut ; un jour elles sont là, un autre elles se retrouvent parties vers d’autres horizons, sautant de patrie en patrie sans jamais en avoir aucune de fixe. N’est-ce pas ce qu’Israël a vécu pendant ses deux milles ans d’exil ? Et qui l’empêche de réclamer des droits sur des terres où il a pourtant vécu parfois depuis plus de deux milles ans ? N’est-ce pas aussi ce que pensent beaucoup de nations arabes face à ce retour d’Israël sur sa terre, qui leur semble être sans racines, et donc sans réelle profondeur historique et théologique ?

Mais une telle relation à la terre, si elle exprime bien l’exil, ses grandeurs et ses turpitudes, ne saurait satisfaire l’écrivain biblique. Pourquoi ? Parce qu’elle laisse intact le principe d’autochtonie et le renforce même dans ses prétentions, en lui laissant le champ libre. Or le peuple d’Israël doit témoigner dans l’histoire face aux nations d’un autre rapport possible à la terre, qui ne soit pas fondé dans l’autochtonie, mais dans le droit, et puisse donc être révisable et critiquable face au droit et à son exigence de justice. Il lui faut témoigner du fait que le rapport à la terre n’est plus immédiat, naturel, mais passe par la médiation d’un droit, et lie donc à la terre de manière contractuelle.

La souveraineté ne saurait donc être absolue, car elle doit rester soumise à l’éthique et à son exigence de justice : elle ne trouve plus son fondement dans la nature et dans l’être-sur-la-terre, mais dans la Torah et dans son exigence de justice universelle. Bien sûr, il s’agit là d’un projet à inventer et à construire, en tâtonnant, non d’une réalité ou d’un état de fait. Et le peuple d’Israël se doit de montrer comment un tel appel universel à la justice peut s’incarner bonant malant sur une terre, pour ainsi témoigner de la validité et de la pertinence de cet appel universel face aux nations. Le problème en attendant, c’est que certaines nations, ne voulant pas entendre cet appel qui guide Israël et qui peut déranger leur souveraineté absolue, préfèrent transformer le retour d’Israël sur sa terre en simple projet politique impérialiste d’expansion colonialiste, déniant et effaçant par-là toutes les autres dimensions de ce retour et sa complexité propre…

Yedidiah Robberechts

Messages

Israël et sa terre

"Bonant malant" au lieu de "bon an, mal an" : une coquille, auquel cas il faut la corriger, ou une trouvaille (parfois en "faisant le bien", parfois en "faisant le mal"), auquel cas elle est ingénieuse...?

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