À la fin des années 1990, un million de pilules d’ecstasy ont été acheminées d’Amsterdam à New York par des juifs hassidiques recrutés pour la plupart à leur insu par un trafiquant israélien.
Jewish Connection, le premier film de Kevin Asch, s’inspire librement de cet incroyable fait divers. « Le but n’était pas de coller à la réalité et de faire un documentaire, mais de partir des faits pour en tirer une fable qui parlerait du passage à l’âge adulte , explique le réalisateur. Sam, le personnage principal, est le condensé d’une poignée de juifs hassidiques qui furent plus impliqués que les autres dans cette opération. »
À 20 ans, Sam Gold (l’épatant Jesse Eisenberg qui n’avait pas encore tourné The Social Network) étouffe à l’intérieur de sa vie toute tracée. Il n’a aucune envie de devenir rabbin , n’est pas prêt à prendre une épouse comme le veut la tradition ou à continuer à travailler avec son père. Lorsqu’on lui propose de faire passer des « médicaments » contre une belle somme d’argent, il accepte.
Et quand il comprend la vraie nature du trafic, il continue, séduit par l’argent facile, les nuits blanches dans les boîtes entre Manhattan et Amsterdam. Cette existence sans aucun interdit l’enivre. Il devient alors très vite l’un des dealers les plus en vue de Brooklyn mais est renié par son père et sa communauté.
Avant de trouver le chemin de la rédemption…
« Sam a reçu une éducation qui est au-delà du strict, précise Kevin Asch. Chez les juifs hassidiques, tout autre enseignement reçu en dehors de leur communauté est un péché. Pour eux, par exemple, avoir une télé en est un. »
A l’aéroport, avec leurs chapeaux, leurs "péots" -boucle anglaise portée devant l’oreille- et leurs petites valises en cuir marron, ils n’attiraient pas l’attention des douaniers. Pensant transporter des "médicaments pour riches" non prohibés, leur attitude n’était pas suspecte.
En deux ans, à la fin des années 90, cet étonnant réseau a fait passer plus d’un million de pilules d’ecstasy d’un côté à l’autre de l’Atlantique.
Inspiré de cette histoire, "Jewish Connection" -dont le titre original est "Holy Rollers"- n’a pas pour objectif "de coller à la réalité mais de s’inspirer des faits pour en tirer une fable", explique le réalisateur Kevin Asch.
Pour raconter le parcours et la chute de ce réseau new-yorkais, le réalisateur a choisi d’adopter le point de vue de Sam Gold, "jeune hassidique initialement enrôlé comme mule".
On le retrouve en famille, dévot, lors d’une fête religieuse. Prières en hébreu, respect de la tradition, avec, en ligne de mire, un mariage arrangé avec une jeune fille, dont le visage est tout ce qu’il connaît.
Suivre la pieuse morale familiale, ou bien gagner de l’argent pour pouvoir acheter à sa mère une gazinière décente et ne pas être rejeté par la famille de celle qu’il souhaite épouser : le jeune Sam, 20 ans, se trouve face à un dilemme.
Incarné par Jesse Eisenberg -qui a récemment joué Mark Zuckerberg, le créateur de Facebook, dans "The Social Network"-, Sam s’éloigne de son avenir de rabbin et de la vie rangée qui l’attendent pour dériver vers l’argent facile, les filles, l’alcool, la fête. Naïf, il croit même à l’amour de Rachel (Ari Graynor), petite-amie de son patron Jackie (Danny Abeckaser, producteur du film).
Enrôlé par son voisin Yosef à son insu, puis volontairement, il se brouille avec sa famille et finit par recruter lui-même des passeurs, Juifs ultra-orthodoxes comme lui.
La religion contre l’argent facile, la morale ou la fête, le mariage face aux filles d’un soir : le jeune héros doit, tout au long du film, faire des choix. Ceux qu’il privilégie, sur fond de frustrations liées à son éducation, se heurtent pourtant aux remords qu’il éprouve devant le rejet par sa famille et son meilleur ami Leon (Jason Fuchs).
Sans aucun complexe, Jewish Connection fait référence aux films américains des années 1970. « J’aime la texture des œuvres de ces années-là, confie Kevin Asch avec nostalgie . J’ai une grande admiration pour Sydney Lumet. Le générique du début de Jewish Connection est calqué sur celui d’Un après-midi de chien. Le Mean Streets de Martin Scorsese m’a également beaucoup influencé. »
Kevin Asch a tourné ce film indépendant pour un million de dollars. « Un budget tellement serré qu’on ne pouvait pas coller des barbes à tous les figurants, cela aurait coûté bien trop cher ! J’ai pris des libertés, disons, artistiques. Je devais faire des choix. L’important était de miser sur les émotions plus que sur certains détails anecdotiques ! »
"Jewish Connection" était, en 2010, en compétition au festival américain Sundance, et a reçu, à Deauville, le "prix révélation Cartier".
Fiche technique
Réalisé par Kevin Asch
Avec Jesse Eisenberg, Justin Bartha, Ari Graynor, plus
Titre original : Holy Rollers
Long-métrage américain . Genre : Comédie dramatique
Durée : 01h29min Année de production : 2010