Leurs auteurs (tous juifs hébraïsants, cultivés et initiés aux joies des jeux de mots, de lettres et de chiffres, propres à l’hébreu biblique) auraient entrepris une véritable « fouille » de la Bible hébraïque, pour en rechercher les implications eschatologiques. Fouille que pratiquent tous les auteurs juifs de l’époque et plus particulièrement ceux du midrash . Le but des écrits néotestamentaires ne serait pas d’exprimer une voix juive pharisienne (comme dans le midrash classique), mais une voix juive "chrétienne", aux racines anciennes. De là serait né le christianisme par une transcription en grec de tout cela, en déformant profondément le message de départ (le récupérant ?) et en transformant une simple idée midrashique en un personnage historique, un message juif interne et lié à une époque donnée (celle du Temple et des conflits autour très présents dans la littérature de Kumran) en une religion nouvelle, universelle et accessible à toute langue.
Dubourg, se fondant sur les hébraïsmes du texte grec, affirme que l’original a été écrit en hébreu puis traduit littéralement en grec. Pour le prouver, il procède à une « rétroversion » vers l’hébreu de divers passages des Actes des Apôtres et des Évangiles, dont le Prologue de l’évangile selon Jean, et utilise également la gématrie, technique d’exégèse par le calcul, issue de l’ordre alphabétique de l’alphabet hébreu.
Il juge le résultat linguistiquement bien plus cohérent que le texte grec. Dans cette optique, Jésus et Paul de Tarse seraient ainsi deux « inventions », au sens de deux découvertes, du midrash , deux créatures littéraires, n’ayant rien à voir avec de l’histoire.
Les auteurs seraient donc juifs hébraïsants et chercheraient dans un premier temps à s’adresser aux juifs hébraïsant de leur époque, non pas de la messianité de Jésus, avant tout figure littéraire, mais de la pertinence de leur lecture de la Tora. Ce sera un échec, non pas à cause du personnage de Jésus, somme toute accessoire, mais à cause de la déviance à vouloir considérer leur lecture comme "accomplissant" le texte de la Tora, c’est à dire le substituant. d’où le rejet de cette lecture par la branche pharisienne, par ailleurs beaucoup plus innovante que celle des protochrétiens ultra conservateurs...
Dubourg et les spécialistes
De façon générale, Dubourg moque les spécialistes académiques, sans les nommer, traitant de « grécistes » les partisans du grec comme langue originelle des Évangiles. Il est assez insolent, même agaçant, et cela n’est certainement pas pour plaire aux académistes. Il se permet même de moquer sévèrement le grand René Girard pour son mépris de l’importance du langage biblique. Rien que cela vaut la lecture...
Publié par la collection « L’infini » de Gallimard, L’Invention de Jésus n’a obtenu aucune réception dans le milieu académique et n’a pas été traduit, pas plus que les thèses de Dubourg n’ont été ni commentées, reprises ou critiquées par les spécialistes des études bibliques, tant laïques que religieux. Elles se heurtent au consensus universitaire sur l’analyse philologique et historique des textes du Nouveau Testament, ainsi que sur l’histoire de leur composition et celle des premières communautés chrétiennes. Le mur du silence croyant arriver à faire taire la force du verbe...
Pour son éditeur Philippe Sollers, en 2007, le livre de Dubourg « d’une importance capitale » a été l’objet d’un « enfouissement absolu » dû « à la coalition de toutes les ignorances ».
Pas étonnant par contre que Dubourg soit par contre mieux entendu des hébraïsants habitués de la pensée midrashique et qui n’ont aucune institution à défendre.
C’est le cas notamment du linguiste Henri Meschonnic (dont nous conseillons les travaux de traduction sur la Bible) pour lequel « Dubourg a montré à profusion, dans L’Invention de Jésus I, l’hébreu du Nouveau Testament (Gallimard, 1987) que l’hébreu est "sous le grec" ».
C’est le cas également du pétillant Sandrick Le Maguer auteur de "Portrait d’Israël en jeune fille - Genèse de Marie".
Ou encore de l’essayiste Stéphane Zagdanski, dont nous conseillons également les ouvrages.
La thèse de Dubourg est sûrement discutable. Mais le silence académique auquel il a à faire face en dit long sur l’occultation systématique, mais hélas pas nouvelle, du fond hébreu de la culture occidentale. Le silence et donc la censure passive n’ont jamais servi d’argument intellectuellement convainquant. C’est donc que Dubourg marque un point.
Intérêt juif de l’ouvrage
De notre point de vue juif il n’y a aucun enjeu de croyances. Que les évangiles soient écrits en grec ou en hébreu ne change rien à notre fidélité au judaïsme et au refus catégorique de la figure messianique de jésus. Par contre, l’enjeu culturel et historique nous concerne infiniment.
On ne peut donc qu’être sensible et intéressé aux différents arguments avancés.
L’occultation de l’hébreu reste une constante, y compris dans les cercles les plus avertis de l’occident, même quand celui –ci emploi des termes hébraïques ou des noms, il prend plaisir à les déformer systématiquement. Cela ne concerne pas que les évangiles et on pourrait écrire un livre entier sur ce chapitre. C’est hélas même le cas d’un Judaïsme francisé qui se complait à enfouir l’hébreu sous la langue française, comme la très mauvaise traduction du Rabbinat l’illustre parfaitement (hélas la seule traduction juive largement disponible sur le marché, à part celle, difficile, de Chouraqui).
Nous conseillons donc la lecture de ce livre (deux tomes), aussi bien à nos amis chrétiens qui y trouveront matière à réflexion décapante, qu’aux juifs que cette période intéresse, (rappelons qu’elle reste fondamentale pour la suite de l’histoire juive…), quant aux lecteurs athées et humanistes, ils se régaleront du ton iconoclaste de l’ouvrage.
Biographie de l’auteur
Bernard Dubourg (20 août 1945 – 20 décembre 1992) est un écrivain français, agrégé de philosophie en 1968. Il est notamment l’auteur de poèmes, publiés dans Tel Quel et dans la revue PO&SIE, d’une adaptation française des traités de M. Gaster et J. A. Montgomery sur les Samaritains (Éd. O.E.I.L., 1984 et 1985), et d’une traduction commentée du traité kabbalistique Sefer Yetsirah. Il est surtout connu pour le livre L’Invention de Jésus, ouvrage en deux volumes, publié par les éditions Gallimard, dans la collection L’Infini, que dirigeait Philippe Sollers (tome I, L’Hébreu du Nouveau Testament, 1987 ; tome II, La Fabrication du Nouveau Testament, 1989).
À son décès, il travaillait à une suite de ce projet, centrée sur l’Apocalypse de Jean.
Messages
il faut lire aussi le Jésus de Jacques Duquesne. Il declare tout de go que les evangiles ne sont que des livres detinés a convertir les juifs, mais qu’ayant ratés leurs cibles , ils furent pris pour "argent comptant" par les catholiques. Les evangiles devaient "faire" en plus "fort" ce que la bible racontait.
lire aussi "Jésus après Jésus : L’origine du christianisme" de Gérard Mordillat & Jérôme Prieur.
Ceci dit je vais me precipiter sur les livres que vous citez...
Ded
Personnellement, pour m’être penché sur la question, je ne pense pas que les évangiles aient pu avoir un original hébreu, celui de Mathieu mis à part, pour lequel un original araméen (plutôt qu’hébreu) semble avéré si mes souvenirs sont exacts. Néanmoins, il est fort probable, certain même, que la plupart des écrits néotestamentaires, bien qu’écrits dans un grec courant dans l’empire romain de l’époque (grec dit de la Koïnè), aient été pensés en araméen lors de leur rédaction. Un peu comme si aujourd’hui, pour diffuser le plus largement possible un article ou une thèse, un auteur dont la langue maternelle serait le français rédigeait son texte en anglais, langue dont il maîtrise la grammaire et la sémantique, mais dont le système de pensée ne lui est pas familier. C’est ce qui explique les nombreux "hébraïsmes" des évangiles.
Mon second argument est que l’hébreu, dans la Judée du temps de Jésus est avant tout une langue liturgique ; la langue courante est l’araméen. La diffusion des textes telle que la souhaitaient les auteurs du canon chrétien interdisait à mon avis l’usage de l’hébreu, surtout lorsqu’il s’agissait de faire passer le message aux Juifs d’Alexandrie qui avaient perdu l’usage de l’hébreu jusque dans la liturgie puisqu’ils utilisaient la traduction des Septantes.
Il a existé cependant des textes chrétiens en hébreu parmi les Judéo-chrétiens des premiers siècles qui refusaient que le message de Jésus soient diffusé auprès des païens. Mais ces textes ont été par la suite déclarés hérétiques et leurs lecteurs ont, soit rejoint le Judaïsme, soit se sont fondus dans ce qui deviendrait l’église catholique.
Bonjour,
La réalité historique de Jésus est-elle aujourd’hui aussi indispensable aux chrétiens ... ?
elle occupe les historiens, les scientifiques, les polémistes de tout poil qui avant tout chose sont en quête de pouvoir, d’honneur, de gloire, de reconnaissance, de profit etc... mais ne les maintient-elle pas, ainsi que tous ceux qui s’en gargarisent, dans l’ombre d’une révélation emprunte de vérité et de lumière, certe présente dans la Torah mais accessible à une minorité d’exégètes.
Qu’importe que cette vérité nous parvienne et nous éclaire par le biais du mythe !
Grec, hébreu, sanscrit, arabe ; mais qu’importe ! la vérité est transcendentale.
Elle se révèle à nous par nombre de mythes, de contes pas nécessairement religieux qui nous semblent absurde au premier abord parceque nous ne sommes pas prêts (absurde = que je ne comprends/entends pas )Le Maître (conte, mythe,homme, livre etc..) parait lorsque l’élève est prêt.
Nombre de chrétiens n’ignorent plus que l’hébreu est la source vivifiante de leurs écrits Sacrés.Aujourd’hui plus qu’hier les chrétiens sont judéo-chrétiens. La Vérité est. Elle est intemporelle.
Lorsqu’il prie pour sauver Loth, Abraham sait qu’au coeur de cet homme peu recommandable brille une étincelle divine . Loth mange du pain non levé, coïncidence, à la date anniversaire de Pessah, 400ans avant la sortie d’Egypte... admettons que Jésus ne soit pas le Messie attendu. Pouvons nous imaginer que le moment venu, il se révéle au travers d’un mythe ?
M Dubourg n’enfonce-t-il pas une porte ouverte depuis ... la nuit des temps !
YHVH/yod he waw he/Je suis
Jesus + I (le yod ! )= je suis
in french svp
transcendental