Biographie
Il naît à Rīga en Lettonie, fait ses études à Berlin, émigre en Erets Israël en 1934 et devient professeur de chimie organique à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Il fut le rédacteur en chef de l’Encyclopédie hébraïque.
Sa vision du judaïsme, très marquée par Maimonide dont il était un grand admirateur, exprime non seulement un attachement à la pratique des Mitsvot, mais aussi un engagement envers le service de Dieu "désintéressé", opposé à une foi populaire, plutôt encline à attendre un bienfait de Dieu (récompense, gratitude, évitement du châtiment, …) qui ne constitue certainement pas, selon Leibowitz, le modèle idéal de la foi juive, mais un sous niveau. Pour lui, les mouvements religieux qui soumettent l’application de la Mitsva à l’attachement émotif sont, fallacieux et s’apparentent à l’idolâtrie.
Sioniste engagé, il fut un ardent critique de la politique israélienne, tant dans le système de gouvernement, que dans l’occupation de territoires arabes, arguant que « l’occupation détruit la moralité du conquérant ». Il soutenait d’ailleurs les objecteurs de conscience refusant de servir dans les territoires. On le surnomma « le prophète de la colère ». Il dénonçait le mélange de la politique et de la religion et l’instrumentalisation de la religion, instrument de subversion par essence, par le politique. En cela, il fut l’ennemi le plus farouche du nationalisme religieux et du Goush Emounim.
Indépendamment de ses articles et essais innombrables, Leibowitz a écrit une pléiade de livres sur la philosophie, les valeurs humaines, la pensée juive et la politique.
Face au tollé soulevé par une partie de la société israélienne qui le détestait (les nationalistes religieux en particulier), il dut renoncer au prestigieux Prix d’Israël qu’il avait parfaitement mérité, que l’on soit ou non d’accord avec ses positions ou certains de ses propos. L’attitude étroite et imbécile du sionisme religieux envers Leibowitz montre non seulement combien il avait raison dans ses critiques, mais que ses détracteurs auraient en un autre temps, fait parti de ceux qui voulaient faire taire des personnages comme le prophète Jérémie, ce qui est le comble pour des juifs religieux.
Comme beaucoup d’autres à qui il ouvrait sa porte pour des entretiens en tête à tête, j’ai bien connu Yeshayahou Leibowitz. En privé, il était charmant, passant d’une langue à l’autre, pédagogue, passionné, parfois cassant, pouvant se mettre à hurler une vérité mal comprise, mais aussi d’une patience exemplaire envers un gamin de 25 ans, lui qui atteignait les 90 et savait son temps précieux. Un maître qui n’attendait pas qu’on soit d’accord avec lui, mais qu’on ose réfléchir, scrutant chez vous l’effet causé par une de ses insertions bousculantes. L’anticonventionnel par excellence, un homme libre et un très grand juif ! Il disait chaque fois : « Revenez quand vous voulez, nous poursuivrons notre conversation… » Par-dessus le temps, le dialogue continue.
Yeshaya Dalsace
Citations de Yeshaya Leibowitz
sur son style
Je suis un homme qui profane, de manière préméditée et méchante, des choses sacrées pour d’autres ; je le fais intentionnellement et méchamment en tenant des propos qui blessent leurs sentiments. Je le fais volontairement et délibérément : je veux les offenser.
Je ne veux pas parler de moi-même. Je n’en vois pas l’intérêt.
Citations religieuses
Dieu et la foi juive
L’homme peut connaître Dieu, il le sait a priori, mais l’essentiel est qu’il veut connaître Dieu : l’accent est sur le « veut ».
La connaissance de Dieu (comme celle du monde et de l’homme) est une obligation qui incombe à l’être humain en tant qu’être humain ; la spécificité religieuse de l’ homme juif réside, elle, dans les commandements.
Dieu est le fait que j’ai décidé de le servir. Le devoir de chaque Juif est de servir Dieu par l’accomplissement des mitsvot.
La preuve de l’existence de Dieu, c’est l’existence d’un homme capable de le penser.
Connaître Dieu est une obligation que l’humain s’impose à lui-même – l’obligation de servir Dieu. Le croyant sait que l’acceptation de cette obligation, qui provient de lui-même, est un bienfait qui lui est accordé par Dieu : Dieu lui ayant offert la possibilité de s’engager à Le servir.
Pourquoi crois-je en Dieu ? Parce que c’est un commandement de croire en Dieu.
Le Juif croyant ne croit pas en ce qu’il comprend mais dans le devoir qui est le sien de servir Dieu.
La question qui doit être posée est celle-ci : pourquoi, en général, existe-t-il quelque chose ? Le monde pourrait ne pas exister. Le fait d’être représente le problème métaphysique primordial, depuis au moins deux mille cinq cents années, pour chaque penseur, dans toutes les nations, dans toutes les civilisations. Voilà la question capitale : ce qui est, l’existence même.
La bonté de Dieu n’est rien d’autre que l’existence de l’univers créé.
La Providence générale c’est le monde tel qu’il est avec toutes ses horreurs.
Le miracle consiste en ce que l’humain n’est pas assujetti à la nature.
La Providence divine se matérialise par le fait que le monde Suit son cours, et il n’y a pas lieu d’attendre que le service de Dieu par l’homme change quoi que ce soit à ce cours du monde.
En vertu de sa « nature » même, le Dieu transcendant ne peut pas –le voudrait Il – Se révéler.
Je ne suis parvenu à aucune réponse et je ne pense pas que qui que ce soit ait trouvé une réponse valable. Parce que, je le répète, la question elle-même est irrationnelle. Que signifie « commencement de l’être » ? Comment l’être peut-il avoir un commencement ?
Dans le judaïsme, il s’agit pour l’homme de se résigner à la souveraineté divine, de s’engager à suivre ses préceptes. La foi religieuse exige de l’homme qu’il serve Dieu.
La foi religieuse ne signifie pas une croyance dans ce qui existe, mais un engagement personnel. Elle est le fruit de la résolution prise par l’homme de servir Dieu indépendamment de toute autre considération.
La seule récompense de servir Dieu est d’avoir eu le privilège de servir Dieu.
La majeure partie de l’histoire du peuple juif s’est déroulée dans la Golah.
Toutes ces généra tions de l’exil n’ont bénéficié d’aucun signe divin. On peut même dire que Dieu ne les a jamais sauvées, qu’il n’est jamais venu à leur secours dans les périodes de malheurs sinistres et de grande misère. Jamais. Et pourtant ces générations ont cru en Dieu. Aujourd’hui encore, bien que Dieu ne se révèle point, qu’aucun signe divin ne se manifeste dans le monde et qu’aucun prophète n’exprime la parole de Dieu, il y a des Juifs croyants.
Rien dans le monde ne témoigne de l’existence de Dieu !
La réalité du judaïsme est que la foi juive existe sans aucun rapport avec l’intervention divine dans le monde, c’est un fait ! Si l’on raconte des histoires à propos de miracles et d’interventions divines, il s’avère que pas une fois ceux-ci n’ont réussi et n’ont amené un seul homme à la foi.
Le problème de la foi est de croire en Dieu et non dans les promesses divines, puisque l’idolâtre même croit dans les promesses de ses divinités.
La position authentiquement religieuse consiste dans l’engagement de l’homme envers Dieu. Pourtant, que font les individus qui n’ont pas cette foi authentique ? Ils embrouillent tout et s’interrogent sur les obligations de Dieu à l’égard de l’homme. Dieu ne doit rien à l’homme, c’est l’homme qui a des devoirs vis-à-vis de Dieu.
Dans la religion, il n’y a pas de morale. Les prophètes n’ont absolument pas connu la catégorie de la morale, mais ils ont appelé au service de Dieu.
Dans la perspective de la foi, l’homme ne se concilie pas et ne peut pas se concilier avec la réalité naturelle. L’homme religieux se distingue de celui qui n’a pas pris sur lui le joug du Royaume des Cieux, ou de celui qui s’en est déchargé, en ceci qu’il ne se concilie pas avec le fait qu’il fasse partie de la réalité naturelle et qu’il ne puisse en sortir.
La foi ne s’accorde pas avec la nature humaine ; elle requiert que les penchants soient maîtrisés, et même que soit maîtrisée la nature humaine.
Les dérives du Judaïsme contemporain
L’institution qu’on appelle « grand rabbinat d’Israël » n’est qu’un organisme bureaucratique de l’État.
En Israël, la religion juive est devenue une maîtresse entretenue par le pouvoir laïc, une concubine ; et l’establishment religieux n’est que le maquereau de cette prostituée.
Il y a beaucoup d’hypocrisie dans la judéité religieuse : elle traverse un véritable processus de dégénérescence.
Certes, tous les Lieux saints sont des faux. Il n’y a pas de doute ! Si on pouvait véritablement s’imaginer que la grotte de Hébron (Me’arat Hamakhpela) abrite la tombe des patriarches, alors quiconque ayant un brin de respect religieux devrait la respecter. Ne pas la transformer en lieu impur où l’on vient allumer des chandelles et solliciter un travail et une bonne santé. Mais chacun, s’il est raisonnable, sait que cet endroit n’est que la tombe d’un cheikh. »
Le culte du mur des Lamentations donne la nausée. C’est un discotel !
Le Veau n’est pas forcément d’or : ce peut être un pays, un État, une nation. Quand je leur dis cela, ils m’accusent de profaner les choses les plus sacrées. Mais moi, je rétorque : oui, je profane ce qui vous semble le plus sacré, et je le fais de manière préméditée. Ne l’oublions pas : ceux qui adoraient le Veau d’or étaient très religieux. Ils avaient crié : « Voici vos dieux, ô Israël. » (Exode, chapitre XXXII, verset 4.) Le Veau d’or représente le phénomène « religieux » le plus profond de l’histoire du peuple d’Israël. En général, une religion est une idolâtrie.
Nous avons aujourd’hui des difficultés à définir le judaïsme. Dans la vie quotidienne, en Israël comme à l’étranger, on peut imaginer que deux familles se déclarant l’une et l’autre juives ne puissent manger à la même table, avoir des rapports sexuels ou même travailler ensemble : il suffit que l’une observe les mitsvot touchant à la nourriture kasher , à la sexualité et au Shabbat, et que l’autre n’en tienne pas compte. Or, la cuisine, le sexe et le travail forment les éléments essentiels de la vie des hommes. Ce qui nous ramène à la crise du judaïsme.
Sincèrement, je ne vois pas bien l’avenir du peuple juif. Pendant deux mille cinq cents ans, le peuple juif se définissait de manière nette, précise et explicite par le judaïsme — et les non-Juifs le reconnaissaient ainsi comme tel. Aujourd’hui, le peuple juif n’est plus défini par le judaïsme — en fait, il n’est plus défini par rien : la seule chose, c’est que dix ou douze millions de personnes se déclarent juives.
Connaissance
Je ne sais pas ce que veut dire une âme. Je sais ce qu’est l’amour.
Le judaïsme n’est pas un objet de savoir, ni même un objet d’intérêt intellectuel. C’est, j’insiste, un objet existentiel…
Le savoir n’engage à rien. Les décisions de l’homme résultent de ses valeurs et non de son savoir. Le choix de valeurs chez l’homme est le fruit de sa volonté. Cela vaut en matière morale, en matière politique, et c’est également vrai s’agissant de la foi.
Histoire et messianisme
L’Histoire n’a aucune signification religieuse. Un événement possédant un sens religieux est un événement qui a été accompli à l’intention de Dieu.
La création de l’État d’Israël est dépourvue de signification religieuse, car cela n’a pas été une action orientée vers Dieu, mats accomplie parce que les juifs en avaient assez de subir le pouvoir des goyim . Ils ont voulu l’indépendance nationale – politique – du peuple juif sur sa terre, chose tout à fait naturelle et parfaitement légitime. De même, la Shoah n’a aucun sens religieux. Elle est la conséquence de la présence d’êtres sans défense parmi des criminels.
Quelqu’un sait-il quand ce sera la « fin du monde » ? Non. Par conséquent, ce concept n’a, selon moi, aucun sens.
L’essence du Messie est de ne relever ni du présent ni du passé, mais uniquement d’un futur indéterminé. Mais l’avenir lui-même - mille ans, deux mille ans ou cinq mille ans — ne constitue pas le temps du Messie : le futur auquel le Messie appartient est permanent. Pour parler de la venue du Messie, on utilise l’expression « la fin des temps » : autrement dit, cela ne se produira jamais. Tout Messie qui vient est un faux Messie.
Attendre tout le temps l’arrivée du Messie est nécessaire à quiconque veut être religieux, mais ne croit pas en Dieu. Celui qui croit en Dieu, quel besoin a-t-il d’un messie ?
Judaïsme et féminisme
Une approche religieuse de la condition féminine dans notre société est vitale pour l’avenir du judaïsme, plus encore que la question de l’État. C’est un sujet métahalakhique par excellence. Il s’agit de la structure du peuple juif qui était par le passé un peuple virilocentrique. La femme ne participait pas du peuple juif en tant qu’il était peuple de la Torah. La société juive n’est plus celle du passé. Dans notre société juive on trouve aussi des femmes et ces femmes ne sont pas celles dont traite la Halakha .
Tous ces fumistes qui étudient comment fabriquer les habits du grand prêtre, au lieu de consacrer leur réflexion et leurs efforts à la place et à la condition de la femme dans notre monde, constituent pour moi un signe de dégénérescence du judaïsme. L’avenir du judaïsme dépend de la condition de la femme alors que la question des habits du grand prêtre est absolument inessentielle quant à l’existence du judaïsme.
Citations sur le christianisme
Selon ma conception du judaïsme, le christianisme m’inspire de l’abomination. Parce que l’essence même du christianisme est la négation du judaïsme. Le christianisme a été conçu à l’origine comme négation du judaïsme. La négation du judaïsme ne constitue pas une caractéristique du christianisme, mais son essence même. Le christianisme n’est pas né du judaïsme, comme certains le prétendent - y compris certains penseurs juifs —, mais de l’hellénisme.
L’essence du judaïsme est de servir Dieu en s’attachant à la Torah et en accomplissant ses commandements (mitsvot). Le christianisme, pour sa part, aspire à la rédemption de l’homme par Dieu et non au service de Dieu par l’homme. Le concept de rédemption n’existe d’ailleurs pas dans le judaïsme. Le sens que donne le judaïsme au terme « rédemption », en hébreu geoulah, peut être traduit en français par « libération » : il n’a aucun sens métaphysique. Dans le christianisme, au contraire, le terme « rédemption » signifie salut : il s’agit de délivrer l’homme. Mais de quoi l’homme doit-il être délivré ?
L’idole chrétienne, qui a une forme humaine et même une biographie.
Une « coexistence idéelle » entre judaïsme et christianisme n’est pas possible, tout comme un « dialogue judéo-chrétien » qui soit sincère. Un tel dialogue entre judaïsme et christianisme (à ne pas confondre avec un débat entre juifs et chrétiens) auquel aspirent tant certains cercles de juifs libéraux n’est possible que si les porte-parole du judaïsme sont des juifs parvenus à un degré de déjudaïsation au point d’avoir perdu la signification même de la suppression de la Tora et des mitsvot, et si ceux du christianisme, de leur côté, sont déchristianisés au point d’avoir perdu la notion de l’homme-Dieu, rédempteur de l’humanité.
Citations philosophiques
L’homme, du seul fait qu’il soit né en tant qu’être humain, n’est pas encore de l’ordre de ce qui est humain ; il est simplement né comme un animal. Et en quoi l’homme se distingue-t-il des animaux ? lA réponse est : par son âme humaine. Mais celle-ci, comme il a été dit, est un potentiel. L’homme se différencie des autres animaux en ceci qu’il est capable de devenir un homme.
Ce n’est pas Dieu qui crée l’homme, mais l’homme lui-même qui se fait homme.
La volonté est la seule faculté dont l’homme a la maîtrise.
La plupart des gens ne comprennent rien. Non parce qu’ils manquent d’intelligence, mais parce qu’ils n’ont pas d’intérêt à penser, à réfléchir, à poser des questions.
L’essence de la foi est d’être en conflit avec la réalité. La réalité n’engage à rien. Le fait de savoir telle ou telle chose m’engage-t-il en quoi que ce soit ? La réalité ne détermine ni la foi, ni la morale, ni la politique.
De manière générale, la solution la plus commode est de vivre dans le mensonge, alors que le choix consistant à se tenir du côté de la vérité ne va pas sans s’accompagner de sacrifices ou de difficultés.
Les questions touchant aux valeurs morales ne dépendent pas de la raison, mais de la volonté. L’homme décide d’être honnête parce qu’il le veut et non, comme l’affirme Kant, parce que la raison le lui dicte.
L’homme n’appartient pas à la nature dans la mesure où il est doué d’une conscience et d’une volonté. En revanche, la nature — du noyau d’un atome jusqu’à la métagalaxie située à quinze milliards d’années de lumière ne possède ni conscience, ni volonté.
La valeur, ce n’est pas ce qui est atteint mais ce que l’homme fait pour l’atteindre.
A ma connaissance, je veux dire à la lumière de mon savoir et de mon expérience, l’histoire humaine ne suit aucune direction. Les choses se déroulent de manière accidentelle… La seule logique, ce sont les folies des hommes.
L’histoire humaine, c’est l’histoire des crimes, des folies et des malheurs, mais aussi l’histoire de la lutte des hommes contre ces crimes, ces folies et ces malheurs.
Je crois que l’élément le plus important dans l’existence d’un homme, c’est sa femme.
Existe-t-il un être pensant qui puisse se sentir satisfait de lui-même ? Seule une personne non pensante peut se dire entièrement contente. La perfection humaine n’existe pas.
Pourquoi devrais-je faire un bilan ? C’est comme si j’avais dû remplir une fonction, et qu’il me faille dire aujourd’hui si je l’ai bien remplie, ou non. L’homme n’a pas de rôle à tenir. L’homme a une existence, et non un rôle.
Citations politiques
Je hais le fascisme !
L’État d’Israël est le cadre constitutif de l’indépendance nationale et politique que le peuple juif avait perdue il y a deux mille ans. C’est également la définition que je donne du sionisme. Mais j’ajoute aussitôt que la création de l’État d’Israël n’a pas résolu le problème du peuple juif, ni la crise d’identité dont il souffre…
Le seul pays au monde dans lequel les Juifs sont en danger, c’est… l’État d’Israël.
Tant que nous continuerons à occuper une partie du Liban, des hommes mourront. Chaque fois que quelqu’un, Arabe ou Juif, meurt au Liban, c’est la faute de l’État d’Israël. Vingt ans après la guerre de Kippour, en octobre 1973, il est temps de comprendre que 3 000 jeunes Israéliens sont morts dans cette guerre à cause de Golda Meïr et de Moshe Dayan , qui ont préféré le Sinaï à la paix. Si Israël, ne serait-ce que vingt-quatre heures avant, s’était déclaré prêt à évacuer le Sinaï et Charm el-Cheikh, cette guerre n’aurait pas eu lieu.
Si l’État d’Israël ne conclut pas la paix avec ses voisins arabes, avec le temps, il ne pourra pas continuer à exister. L’État d’Israël pourra survivre des années encore, mais, pour durer vraiment, il a besoin de la paix. Je n’ai cependant pas dit qu’il serait impossible de conclure la paix avec les Arabes. Tant que nous ne vivrons pas en paix, le peuple continuera de se dégrader de l’intérieur.
Les Arabes étaient responsables de la guerre de 1948 comme des ses conséquences, et nous sommes responsables de ce qui se passe aujourd’hui.
L’État d’Israël aujourd’hui n’est pas l’État du peuple juif, mais l’appareil d’un pouvoir violent sur un autre peuple. Moi, au contraire, je veux que l’État d’Israël soit uniquement l’État du peuple juif. Le « Grand Israël » ne peut pas être l’État du peuple juif. Disant cela, je ne me réfère pas à un quelconque postulat moral : j’établis un fait.
La violence est devenue l’essence de l’État d’Israël. La violence est devenue, chez nous, monnaie cou rante. Et nous nous sommes habitués à vivre avec.
La loi laïque ne doit pas intervenir dans quoi que ce soit ayant trait à la religion. Je suis d’ailleurs tout à fait d’accord avec l’amendement de la Constitution des États-Unis qui interdit à l’État d’intervenir en matière religieuse.
L’élément constitutif et primordial du fascisme réside dans le fait de considérer l’appareil du pouvoir du peuple comme une valeur suprême.
Si Israël dispose de sa bombe atomique, les Arabes auront la leur dans quelques années. Pour prévenir ce danger, faites tout ce qui est en votre pouvoir afin qu’Israël et ses voisins signent une charte interdisant l’introduction de l’arme nucléaire au Moyen-Orient.
Les citations viennent de différentes sources, livres, entretiens...
Merci également à l’ouvrage d’entretien de Joseph Algazy
Bibliographie
Judaïsme, peuple juif et État d’Israël, (traduit en français, Lattès, 1985).
La foi de Maimonide (traduit en français au Cerf)
Cinq livres sur la foi (traduit en français)
Israël et Judaïsme
Peuple, terre, État (traduit en français)
Brèves leçons bibliques (traduit en français)
Science et valeurs (traduit en français)
Discussion autour du ’Chemin des Justes’ du Ramh’al
Les fondements du judaïsme : Causeries sur les Pirké Avot (Aphorismes des Pères) et sur Maïmonide (traduit en français au Cerf)
Corps et esprit : Le problème psycho-physique (traduit en français au Cerf)
Les fêtes juives : Réflexions sur les solennités du judaïsme (traduit en français au Cerf)
Liens
Site consacré à Leibowitz en français
http://www.leibovitz.sitew.com
En hébreu http://tpeople.co.il/leibowitz/
Colloque sur Leibowitz
Dans le cadre de Machon Van Leer à Jérusalem excellent colloque en hommage (en hébreu).
http://www.vanleer.org.il/eng/video...
Vidéos sur Leibowitz
Sur l’occupation
Yeshayahou Leibowitz - les judéo-nazis
envoyé par unzip. - L’info video en direct.
Sur la position de la femme
Sur le véritable héroïsme
Sur le Messie
Sur la révélation et la Tora
Sur le droit d’un peuple sur une terre
Dialogue avec le père Marcel Dubois
הנצרות - המשך היהדות או ביטולה ? חלק א
Messages
Bonsoir,
Je ne comprends pas cette citation, pouvez-vous l’expliquer ?
"Dans la religion, il n’y a pas de morale. Les prophètes n’ont absolument pas connu la catégorie de la morale, mais ils ont appelé au service de Dieu."
Le don de la Torah ne fonde-t-il pas au contraire les bases de la morale ?
Merci.
Leibowitz était un radical voulant éliminer les idées toutes faites. Bien sûr qu’il y a de la morale chez les prophètes et qu’il y a une éthique dans le judaïsme (Leibowitz était d’ailleurs très engagé sur le plan éthique et ses positions politiques étaient marquées par la morale). Cependant, l’essence religieuse pour Leibowitz n’est pas dans la morale, chose qu’on trouve dans l’humanisme athée tout aussi bien, mais dans la soumission à la transcendance par l’observance de la Loi. Il luttait ainsi contre l’idée libérale de réduire le judaïsme à une éthique. Il était en cela assez opposé à Lévinas.
Je vois personnellement la pensée de Leibowitz comme une pensée en contre point. Il cherche l’essentiel et surtout le principe même de la transcendance religieuse qu’il différencie clairement de la pensée humaniste. Tout en restant vivifiante et acérée, sa pensée reste discutable sur bien des points.
Yeshaya Dalsace
Bonsoir,
J’aurais une question et une remarque :
1/ Question : J’aimerais savoir quels rapports le Prof. Leibowitz entretenait-il avec les mouvements réformés (libx et massorti ). Se définissait-il lui-même comme un conservative ou bien comme un orthodoxe (ou bien refusait-il de se coller une étiquette, ce qui ne m’étonnerait pas).
2/ Remarque : Leibowitz avait sa propre conception du sionisme. Cela ne signifie pas qu’il ait été un "sioniste convaincu". En effet, le sioniste religieux pense que la création de l’Etat marque le début du processus de la géoula (délivrance messianique). Ce n’était pas son avis. Le sioniste politique pense que l’Etat doit suivre le modèle politique de la société occidentale. Or, Leibowitz critiquait vivement le système démocratique israélien assimillable selon lui à une bueaucratie, à l’instar des systèmes européens.
En fait, Leibowitz était davantage un sioniste au sens propre du terme, cad qu’il pensait naturellement que les juifs devaient vivre dans la terre promise et y accomplir les mitsvot. En ce sens, il est aussi loin de T. Herzl que du Rav Kook .
Respectueusement
Leibowitz était un juif pratiquant et libre penseur, c’était surtout un grand rationaliste et un grand scientifique. Il se serait, je crois, placé dans le camp orthodoxe tout en critiquant plusieurs des aspects de l’orthodoxie , les dérives actuelles d’une orthodoxie obscurantiste lui auraient semblées indigne du judaïsme.
Je le définirais personnellement comme orthopraxe. Il considérait le judaïsme sans le système des mitsvot (donc réformé) comme une coquille vide.
Vous mettez dans votre question, le mouvement massorti dans le système réformé, c’est une erreur historique et de conception théologique de votre part. Je ne crois pas qu’il n’ait jamais cherché à entrer dans ces histoires de courants.
Il prônait un judaïsme pratiquant, réfléchi et capable de repenser certaines questions (sa position sur la place des femmes), mais il devait attendre cela de personnalités rabbiniques orthodoxes .
Sur le sionisme, il s’est clairement exprimé sur ce point. Il était partisan de l’autodétermination politique des juifs en terre d’Israël. Je ne vois pas d’autre définition plus valable du sionisme. Sa vie fut un engagement en ce sens. Sa critique de certaines dérives de l’Etat ne dément en rien cela.
Quant à la valeur religieuse de l’Etat, il y était fondamentalement opposé. Il fréquenta le Rav Kook mais n’en fut sûrement pas un disciple.
Sur la pratique des mitsvot, il considérait que c’était une affaire personnelle qui ne concernait en rien l’Etat. La pratique des mitsvot n’a rien à voir avec le sionisme qui n’est que l’autodétermination politique des Juifs en tant que peuple. La pratique des mitsvot implique l’adhésion libre et personnelle à un certain système religieux qui est le judaïsme. Toute pratique dans la contrainte perd sa valeur religieuse.
Bien à vous.
Yeshaya Dalsace
Bonjour,
Je vous remercie pour votre réponse.
L’idéologie sioniste laïque dépasse le sionisme pragmatique auquel vous faites référence même si l’un et l’autre peuvent être qualifiés de la même maniére ("sionisme").
Dans un autre registre, vous affirmez : "Toute pratique dans la contrainte perd sa valeur religieuse". Sur le plan d’un état laïc comme l’Etat d’Israël, je suis d’accord avec vous. La confusion entre le religieux et le politique qui règne depuis la création de l’Etat est dérangeante, voire malsaine. Toutefois, en dehors des questions nationales, d’un point de vue lamdanique, comment conciliez-vous votre affirmation avec le concept de "kofin oto" ou d’autres pratiques
théoriquementapplicables contraignant l’individu à se plier aux normes du droit rabbinique ?théoriquement
Tout d’abord je n’ai pas à parler au nom de Leibowitz. Je vous renvois à ses écrits.
Je ne peux qu’exprimer ce qui me semble proche de sa pensée avec prudence.
La question de la kefia, c’est-à-dire de la contrainte religieuse et de la valeur d’un acte religieux fait sous la contrainte n’a rien à voir avec le sionisme et la notion d’Etat. C’est une question qui se pose d’un point de vue théorique avant tout et qui peut être mise en pratique dans n’importe quel cadre, y compris communautaire.
Un acte religieux sous la contrainte n’a pas de valeur tout simplement parce qu’il n’implique pas l’individu en profondeur. C’est toute la notion de anouss (forcé) dans la littérature halakhique.
La tradition juive est assez claire sur cette question, elle considère qu’une Mitsva doit être exécutée volontairement et en conscience pour prendre toute sa valeur.
Si on envisage dans certains cas de contraindre à faire quelque chose, c’est en général pour des raisons sociales. Par exemple dans le cas du divorce, ont contraint le mari à l’accorder, mais les sages font ici une casuistique « on le contraint à vouloir le donner… », sinon l’acte de divorce n’aurait pas de valeur (talmud Arakhin 21a).
Le talmud débat abondamment de la valeur d’un acte commencé sous la contrainte, mais achevé volontairement.
Ce débat existe même au niveau collectif avec l’histoire selon laquelle Dieu aurait contraint Israël à recevoir la Tora en le menaçant de mort et en argumentant que cette acceptation est aujourd’hui valable puisque le peuple juif fût d’accord à l’époque de la reine Esther. Il existe un intéressant Tossafot à ce sujet.
En pratique, on a utilisé la contrainte dans des cas limités portant essentiellement sur l’ordre public et la morale impliquant les autres : divorce, héritage, paiement de l’impôt…
Ce ne sont pas à proprement parler des actes religieux.
Sur le plan philosophique, je ne vois vraiment pas quelle valeur accorder à un acte religieux fait sous la contrainte.
Il me semble que Leibowitz serait absolument d’accord avec cela en bon disciple de Maimonide et donc très attaché à la question complexe du libre arbitre. Mais une fois encore je n’ai pas à parler en son nom.
Bien à vous
Yeshaya Dalsace