Aux Etats-Unis, les juifs ne se cachent pas et leur mode de fonctionnement communautaire ouvert est une référence susceptible d’attirer et de mobiliser de larges couches de la population américaine.
Il existe à cela bien entendu plusieurs raisons, notamment le fait que l’histoire de la société américaine est très différente de celle de l’Europe.
Mais il existe également une raison interne au judaïsme américain qui fonctionne sur un modèle inverse de celui que nous connaissons en France.
Le judaïsme américain est en effet construit sur un mode ouvert.
Les synagogues américaines sont à 80 % des synagogues de tendance moderniste. Le discours fondamentaliste est ultra minoritaire chez les rabbins américains. Même les orthodoxes sont pour une grande part des modernistes ouverts et accueillants.
Un "goy " peut venir à la synagogue sans être regardé de travers et montrer 10 fois patte blanche.
La conversion au judaïsme est vue de façon tout à fait positive et on ne place pas des obstacles kafkaïens et humiliants sur la route du nouveau converti, au contraire, celui-ci est mis à l’honneur au sein des communautés.
Il est courant que des cérémonies ouvertes au grand public soient organisées dans les synagogues. Le dialogue inter-religieux est monnaie courante.
Mais surtout, la communauté juive capable d’une très grande mobilisation sur le plan caritatif se préoccupe de toutes les causes et pas seulement des simples affaires communautaires.
Chaque catastrophe naturelle, comme le tsunami, ou le tremblement de terre en Haïti, voit se mobiliser toute la communauté juive. De nombreux programmes d’aide existent sous l’égide d’organisation juive.
Il est courant dans les synagogues de faire des appels pour de grands organismes humanitaires internationaux.
Les services sociaux de la communauté sont ouverts à tous, un peu sur le modèle du secours catholique en France.
En France, les choses fonctionnent différemment.
S’il existe quelques points d’ouverture vers l’extérieur, ils restent encore rares. Par contre, il n’est pas rare d’entendre des discours de fermeture concernant aussi bien les actions humanitaires que l’ouverture aux autres, même aux candidats à la conversion.
Aussi bien le judaïsme américain est décomplexé, aussi bien le judaïsme français est frileux et peu enclin à ouvrir ses portes derrière lesquelles il préfère demeurer dans un sentiment de protection.
Il est vrai la société française et peut-être plus imperméable à la possibilité d’une telle ouverture et offre moins d’opportunité d’actions caritatives.
Mais il me semble que le problème relève avant tout de la mentalité qui règne dans la plupart des communautés juives de France. Le ghetto nous colle aux chaussures, la paranoïa, hélas alimentée de quelques faits divers, est monnaie courante. Les discours judéo-centristes ne se comptent plus.
Cela est vrai également au niveau de l’école juive.
Les écoles juives américaines sont le plus souvent d’une très grande ouverture et d’un excellent niveau.
Les écoles juives françaises ont souvent un niveau général qui laisse à désirer, mais sont surtout le lieu d’une fermeture sur soi inculquée dès le plus jeune âge aux enfants. Mes propres enfants sont à l’école juive (dans un réseau scolaire considéré à la pointe de l’ouverture), ils me rapportent régulièrement des discours entendus, soit dans la bouche de professeurs « religieux » (y compris quand ceux-ci son profs de matières profanes), soit encore dans la bouche de leurs camarades qui ne font que reprendre des discours entendu à la synagogue ou ailleurs, qui sont tout simplement inadmissibles et indignes d’un judaïsme d’ouverture.
En France, « religion juive » n’est pas automatiquement associée dans la tête des gens avec sagesse, érudition, ouverture, solidarité citoyenne, humanisme… les qualificatifs qui viennent à l’esprit sont plutôt dans le sens inverse.
Cet état de fait n’est pas normal.
Il faut tout simplement proposer et légitimer un autre discours dans le judaïsme français.
La cerise sur le gâteau, c’est le discours récent du rabbin israélien Ovadia Yossef « les non juifs sont là pour nous servir »… (ce discours se base sur une interprétation littéraliste et ethnocentriste de certains textes de la tradition juive). En Amérique, 90 % des rabbins (y compris une bonne part des rabbins orthodoxes ) rejettent son discours et les critiques vont bon train. En France, la proportion est inverse, et très rare sont les organes juifs qui feront la critique de ce genre de position, non pas par approbation, mais par peur de faire des vagues dans la communauté ou de contredire une autorité rabbinique.
Cette fermeture se retrouve également au sein même de la communauté dans les rapports entre les différents courants du judaïsme.
En Amérique les différents courants ne s’ignorent pas et dialoguent entre eux.
Même lorsqu’on n’est pas d’accord, il existe une cohabitation cordiale.
Au sein des différentes organisations américaines, les courants du judaïsme sont traités sur un pied d’égalité et on ne distribue pas les bons et les mauvais points.
Il n’est pas rare, sur les campus universitaires et dans les organisations d’étudiants juifs, d’alterner les courants du judaïsme pour le mode de prière et les rabbins intervenants. Fréquenter telle ou telle synagogue est tout simplement une question de choix personnel considéré comme normal par tout un chacun.
En France, c’est tout simplement impossible.
Même les grands organismes communautaires non religieux ne traitent pas de la même façon les différents courants du judaïsme.
Les émissions religieuses sont exclusivement orthodoxes .
La presse juive n’ouvre pas facilement ses colonnes aux différentes tendances du judaïsme.
Les conséquences du mode de fonctionnement fermé dans le judaïsme français sont visibles à l’œil nu dans la plupart des lieux juifs en France.
Des lieux dynamique et chaleureux à la condition de défendre une certaine ligne philosophique et religieuse et d’appartenir sociologiquement au groupe dominant dans ces mêmes lieux.
Il faut préciser que l’immense majorité des juifs, près de 80 %, ne fréquentent jamais les lieux communautaires. Cela est peut-être dû à leur « paresse » ou à leur désintérêt pour le judaïsme, mais cela est également peut-être dû au fait que ces lieux communautaires ne correspondent pas à leur mentalité et n’offrent pas ce qu’ils recherchent et qu’ils ressentent la fermeture décrite ici.
Si cela est vrai pour les juifs, a fortiori pour les « demi juifs » et les non-juifs susceptibles de s’intéresser au judaïsme.
Nous l’avons dit, le judaïsme américain, un judaïsme moderne et humaniste, a non seulement pignon sur rue, mais mobilise pour de grandes causes l’ensemble de la population américaine. Voici un excellent exemple de la capacité du judaïsme américain de servir de référence pour des gens si différents, mais unis autour de la défense d’un intérêt général que le judaïsme peut très bien représenter.
Un modèle qui devrait nous faire réfléchir.
Regardez cette vidéo et imaginez la même chose en France... On peut toujours rêver. En plus ils ont de l’humour !
Sur un ton plus sérieux voici ce que des Juifs font au nom du Tikoun Olam, de la défense des valeurs d’un judaïsme ouvert et humaniste à l’occasion des 70 ans de Ruth Messinger présidente du American Jewish World Service.
Messages
Je pense que nous avons tous bien des leçons à tirer de ce qui est ici écrit. en tout cas, pour ma part, j’adhère sans aucune réserve aux propos du R.Yeshaya Dalsace : puissè-je commencer à faire preuve d’ouverture, de chaleur et de fraternité humaine vraies, à l’exemple de nos amis américains !...
Jean-Claude Giabicani, Ph.D.
M. Dalsace,
pourquoi ne parlez-vous du nombre des marriages mixtes aux USA ?
Pourquoi ne raccontez-vous la blague :
"The synagogue I don´t go to is Reform (or Conservative )" ?
Vous "oubliez" que le seul groupe juif qui a une croissance aux USA est ... l´Orthodoxie , la même Orthodoxie qui vous détestez et essayez de ridiculiser.
Oui, peut-être 80% des synagogues américaines sont réformistes ou conservatives... mais 80% des juifs qui vont a un service le Chabbat, fréquentent des synagogues orthodoxes . Ou plus.
Presque chaque phrase qui vous écrivez sur la situation aux USA n´est pas vrai, M. Dalsace.
Monsieur,
Tout d’abord je ne déteste pas l’orthodoxie et ne cherche pas à la ridiculiser. Vos fantasmes, pas les miens. Je critique une forme de fondamentalisme en faisant toujours la nuance... Ce n’est pas la même chose.
Quand il y a une critique à faire, je la fais, y compris contre "mon camps" (je me sens autant dans celui de l’orthodoxie , ne vous en déplaise) et un article en ce sens sur le judaïsme américain était en ligne avant celui-là : http://www.massorti.com/Feminisme-et-spiritualite
Je ne suis pas un adepte de l’apologie pour qui que ce soit et ne me gène pas pour soulever les problèmes devant ma porte.
Cet article ne porte ni sur les mariages mixtes, ni sur le judaïsme américain de façon générale, mais sur un modèle d’ouverture américaine qui est à mon avis à imiter.
Je ne suis pas convaincu que la fréquentation des synagogues en France et le taux de mariages mixtes soient bien meilleurs qu’aux USA…
Vos chiffres me semblent un peu schématiques de toute façon, d’où viennent-ils ?
Le problème de fond demeure : la fermeture communautaire française et c’est cela qui m’intéresse en proposant un autre modèle (entre autre pour lutter contre l’assimilation).
Bien à vous.
Yeshaya Dalsace
Ou sont Ilan et Gadget ? c’est barbant sans eux !!
Bonjour,
J’ai aujourd’hui 35 ans mais je reste toujours profondément blessé car quand j’avais une quinzaine d’années mon petit ami était de confession juive et quand sa mère l’a appris il a dû rompre avec moi.... Sans même me connaître...uniquement parce que je ne suis pas juive. Cette façon de traiter les autres est plutôt moyen. Nous sommes tous des créatures de Dieu et nous traiter comme vous les faites n’est pas bien.