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Viande à tout prix ?

Viande à tout prix ?

Viande et écologie ne font pas vraiment bon ménage. Un juif sérieux doit en tenir compte.

POLLUTION : à l’échelle mondiale, l’élevage est responsable de 65 % des émissions d’hémioxyde d’azote (essentiellement imputables au fumier), tandis que le bétail engendre 37 % des émissions de méthane.

CONSOMMATION : il faut 4 kg de céréales pour produire 1 kg de poulet et 6 kg de grains pour 1 kg de porc. Ce dernier nécessite par ailleurs 4 600 l d’eau. Une quantité qui grimpe à 13 500 l pour 1 kg de boeuf, quand seulement 1 000 l d’eau sont nécessaires pour produire 1 kg de blé.

Voici un article du Monde intéressant :

Une bonne grosse côte de boeuf, régulièrement ? Ce plaisir sera peut-être interdit aux générations futures, tant la production et la consommation de viande font l’unanimité contre elles. Au point qu’un nombre croissant de personnes, dans les pays occidentaux, ont déjà décidé d’y renoncer.

La liste des méfaits de la viande est longue. Risques pour la santé, une surconsommation favorisant les maladies cardio-vasculaires, l’obésité ou le diabète. Mais surtout, au niveau mondial, risque de développement des épizooties et danger pour la sauvegarde de la planète. Les productions d’origine animale - viande, oeufs, produits laitiers - sont en effet extrêmement polluantes. Les milliards de tonnes de déjections qui en sont issus engendrent des rejets azotés dans les sols et les rivières. Et l’élevage, à lui seul, représente 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Soit une contribution au réchauffement climatique plus élevée que celle des transports.

Autre point noir de cette production : sa propre consommation. Les pâturages occupent 30 % des surfaces émergées, et plus de 40 % des céréales récoltées servent à nourrir non pas directement les hommes, mais le bétail. Les zones disponibles étant insuffisantes pour répondre à la demande, l’élevage peut provoquer le défrichage de forêts. Il est gourmand en matière première et en eau... En bref, la production animale pose question. D’autant plus que la Terre, d’ici à 2050, aura 9 milliards de bouches à nourrir.

Dans ce contexte, doit-on prévoir la fin de la viande pour ce siècle, ou du moins son déclin ? On serait tenté de le croire. Pourtant, cette vision est contredite par tous les prévisionnistes. Au contraire, c’est à une augmentation de la consommation mondiale qu’il faut s’attendre. De tout temps, et dans tous les pays, en effet, l’augmentation du revenu est allée de pair avec la progression de la consommation de viande. Il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement dans les pays émergents, d’où viendra l’accroissement de la population.

Entre 2007 et 2016, selon les perspectives communes FAO-OCDE, la production mondiale de viande devrait ainsi augmenter de 9,7 % pour le boeuf, de 18,5 % pour le porc et de 15,3 % pour le poulet. Principalement en Inde, en Chine et au Brésil. D’ici à 2050, la production de viande pourrait même doubler, passant de 229 millions de tonnes au début des années 2000 à 465 millions. Il en va de même pour celle de lait. Du fait de la démographie, bien sûr, mais aussi de l’augmentation des besoins en fonction de l’évolution de la population (plus jeune, plus urbaine, plus grande) et de la modification du régime alimentaire.

"Dans les pays du Sud, la difficulté est de permettre aux gens de manger. Ces trente dernières années, la consommation de viande y a diminué drastiquement, surtout en Afrique, et ce manque de protéines animales fait que les gens sont en état de malnutrition", rappelle Renaud Lancelot, chargé de mission santé animale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Bruno Parmentier, directeur d’une école d’ingénieurs en agriculture, estime quant à lui que l’évolution de la consommation de produits d’origine animale dépend de trois grandes questions, qui montrent le lien étroit entre consommation de viande et pratiques culturelles. La religion hindoue, comme la religion catholique, va-t-elle décliner, et, dans ce cas, l’Inde va-t-elle consommer beaucoup de viande ? Les Chinois vont-ils se mettre à boire du lait si on leur propose un produit qu’ils parviennent à digérer ? Les Occidentaux vont-ils continuer à manger du porc, si ce dernier devient un réservoir pour les transplantations d’organes ?

Quoi qu’il en soit, une nouvelle répartition géographique de la consommation devrait se mettre en place, qui consistera en un double mouvement de balancier : diminution de la ration carnée dans les pays riches, où il y a excès, et augmentation dans les pays pauvres, où il y a carence. De quoi combler un peu la disparité actuelle : si l’on consomme dans le monde, selon une étude publiée par la revue médicale britannique The Lancet (datée du 13 septembre), 100 grammes de viande par jour et par personne, ce taux moyen atteint 200 à 250 grammes dans les pays développés, et plafonne entre 20 et 25 grammes dans les pays pauvres.

"Si l’on considère que la population globale va augmenter de 40 % d’ici à 2050 et si aucune réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au bétail n’intervient, la consommation de viande devra baisser à 90 grammes par jour et par personne pour stabiliser les émissions de ce secteur", affirment dans The Lancet les auteurs de l’étude. Il faudrait donc, d’ores et déjà, inciter les consommateurs des pays riches à prendre conscience des dégâts provoqués par leur consommation abusive. Et envisager au niveau mondial, non pas de produire moins, mais de produire autrement, afin de réduire les effets négatifs de l’élevage sur l’environnement.

Comment suivre les préceptes de la FAO, selon laquelle les coûts environnementaux par unité de production animale devraient "être réduits de moitié, ne serait-ce que pour éviter d’aggraver le niveau des dégâts" ? En incluant, comme le suggère son chargé des questions animales Grégoire Tallard, "le coût environnemental dans le prix des viandes", selon le principe du pollueur payeur ? En privilégiant la consommation de volailles, écologiquement moins agressive que d’autres productions ? La FAO préconise également l’amélioration des pratiques d’élevage. Une des pistes fort attendues concerne le séquençage des génomes complets des principales espèces (en cours pour la plupart), qui devrait permettre d’accélérer les sélections et de faire coïncider, par exemple, rusticité (donc résistance aux maladies) et productivité.
Les recherches se concentrent par ailleurs sur des rations alimentaires du bétail plus économes, ou encore sur le système digestif des ruminants. La fermentation entérique des bovins (productrice de méthane, lequel agit vingt-trois fois plus que le CO2 sur le réchauffement climatique) pourrait ainsi être mieux maîtrisée. Par exemple par l’utilisation d’additifs alimentaires à base d’huile végétale. Ou encore grâce à une ration plus concentrée en céréales. "Nous avons mené une expérimentation sur de jeunes taurillons et avons ainsi réussi à les faire grandir plus vite, ce qui permettait de réduire les émissions de méthane", explique Jacques Agabriel, zootechnicien à l’INRA de Clermont-Ferrand. Mais la production animale étant un système complexe, ce qui confère ici un avantage écologique entraîne là un inconvénient économique (une plus grande consommation de céréales). D’où la nécessité, pour faire émerger un système d’élevage durable, de s’orienter vers une approche globale. A l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), un groupe de réflexion sur la place des produits animaux dans l’alimentation, qui réunit sociologues, zootechniciens, économistes, nutritionnistes et agronomes, s’est déjà attelé à la tâche.
Alors qu’on parlait il y a dix ans de désintensification des systèmes de production, ce concept a été remplacé par un autre : celui d’agriculture écologiquement intensive. La question de la viande est un excellent exemple de cette quête.

Laetitia Clavreul

LE MONDE | 22.09.07

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