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Les vœux de la femme

Les vœux de la femme

Parashat Mattot -

La parasha   Mattot débute par un sujet étrange, et pourtant fort important, celui des vœux.

Il est écrit, dès le début du chapitre 30 de notre livre des Nombres, que lorsqu’un individu s’impose un vœu, il a l’obligation de l’accomplir.

[*Contrairement à notre monde dans lequel, malheureusement, chacun passe son temps à affirmer des promesses qu’il ne tiendra pas, le monde de la Torah est un monde qui prend au sérieux la parole.*] Si vous vous engagez, vous êtes tenus de respecter cet engagement, car la parole est quelque chose qui est créatrice pour le Judaïsme. [*La Torah écrite ne prévoit pas d’ailleurs d’annulation possible du vœu, et c’est la Torah orale qui développera cette possibilité légale. Les sages   étaient d’ailleurs tellement conscients d’ajouter un supplément à la Torah écrite qu’il est dit dans le Talmud   que "les lois d’annulation des vœux flottent dans les airs et n’ont rien pour se reposer dessus".*]

Si les maîtres d’Israël se sont permis cette transformation, c’est sans doute parce que l’essentiel du chapitre 30 se préoccupe du vœu prononcé par la femme, et surtout de la manière dont son père, ou son mari, peut l’annuler, le texte donnant ainsi la possibilité théorique de l’annulation des vœux. Cette possibilité d’intrusion du père ou du mari dans les décisions de la femme ne peut que nous laisser, de nos jours, une impression de malaise. Nous ne sommes plus habitués à voir traiter la femme en mineure, dans une société ou l’égalité juridique de l’homme et de la femme sont devenus une évidence (encore qu’il faut se rappeler qu’il ne s’agit que d’un phénomène récent : il a fallu attendre le début des années 1970 pour qu’en France la femme soit autorisée à signer seule sur la déclaration d’impôt).

Cependant, pour mieux comprendre ce texte ainsi que ses conséquences contemporaines, il est indispensable, comme toujours, de se replacer dans une perspective historique. [*Si le Judaïsme rabbinique a pu subsister jusqu’aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout parce qu’il était à la fois une tradition continue et une adaptation aux circonstances nouvelles.*]

Le Dr. Gabi Barzilaï, de l’Université de Bar-Ilan, montre dans une étude qu’il y a eu deux évolutions différentes.

D’un côté, si l’on prend les écrits de Philon d’Alexandrie ou les textes découverts à Koumran, près de la mer morte, on y découvre une situation dans laquelle le mari se doit d’être le maître absolu de sa femme. L’exemple qui est donné de cette domination est celui de la possibilité pour le mari d’annuler, quand il le désire, les vœux prononcés par la femme. Or ce n’est pas ce que dit la Torah écrite. Dans notre chapitre 30, la possibilité d’annuler n’est donné au père ou au mari qu’au moment de la prononciation du vœu. S’ils ne disent rien le jour même, les vœux restent valables. [*On voit donc que le Judaïsme hellénistique (Philon) comme la secte des Esséniens (Koumran) on choisit de réduire encore le statut de la femme.*]

Dans le Judaïsme rabbinique, au contraire, le Talmud   va avoir tendance à réduire les possibilités pour pères et maris d’intervenir, limitant les cas d’application. [*La tendance des rabbins   a donc été de donner une plus grande autonomie à la femme.*] Cette autonomie n’était certes pas complète, mais il est bien évident que le contexte des sociétés de la fin du monde antique et du Moyen âge n’autorisait pas d’envisager une "libération" totale de la femme.

[*Qu’en est-il aujourd’hui, et devons nous continuer à appliquer à la femme moderne le statut de mineure juridique qui est inscrit dans la Torah et qui s’est poursuivi dans la loi traditionnelle (la Halakha  ) ?*]

L’exemple que nous avons donné au début de ce commentaire montre que, s’ils le désirent, les décisionnaires du Judaïsme peuvent "réparer" (tikoun) la manière dont la loi a été établie. On voit bien d’ailleurs que, dans le cas qui nous préoccupe ici, il s’agirait d’aller dans le même sens que l’esprit des maîtres du Talmud  , tel que Gabi Barzilaï le rapporte.

On pourrait de plus rapporter les propos que tenait le Professeur Ishaia Leibowitch : "Le Judaïsme qui est concerné par le monde de l’étude de la Torah ne sait pas, ou ne veut pas savoir, que s’est produite une révolution dans la réalité humaine, que la femme est aujourd’hui une créature différente de ce qu’elle était pendant 300 ou 400 générations. (..) Pour eux, c’est contre la nature que la femme ait une part totalement égale à l’homme dans la vie culturelle … et il clair qu’un Judaïsme qui a l’intention aujourd’hui, en 1992, de construire une société dont le profil sera déterminé par la Torah, est obligé de transformer la base même du statut de la femme dans la société. Autrement, pour le Judaïsme appelé orthodoxe  , il n’y a pas d’avenir".

Rabbin   Alain MichelRabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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