Il s’agissait d’un cas de divorce demandé par un mari dont la femme avait eu une relation extra-conjugale. Ce couple avait été marié pendant trente ans et avait vécu ces vingt dernières années dans une maison construite sur un terrain hérité par le mari.
La Cour Suprême a adopté la décision du Grand rabbinat qui refusait à cette femme la moitié de l’appartement qu’elle partageait avec son mari. Deux juges sur trois ont soutenu la loi rabbinique. Seul le troisième, Ytzhak Amit, a manifesté son désaccord.
Ce jugement va à l’encontre de la pratique courante d’application du droit civil à la division des biens dans les affaires de divorce. Les tribunaux rabbiniques peuvent valider les mariages juifs ou les divorces. Mais, concernant le partage des biens, les couples qui divorcent peuvent choisir entre un tribunal religieux ou un tribunal civil, et c’est le tribunal contacté le premier qui jugera l’affaire.
Même si l’affaire est traitée totalement par un tribunal rabbinique, la séparation des biens devra se conformer au droit civil israélien.
En 1994, l’arrêt Bavli (lors du procès en divorce gagné par Hanna Bavli), a statué que lors de la division des biens en cas de divorce, les tribunaux rabbiniques devront fonder leur décision exclusivement sur le droit civil.
Une autre loi a établi que, même lorsque des biens ont été acquis par l’un des deux partenaires avant leur mariage, ces biens ne seront pas divisés lors de la procédure de divorce, mais le seront entre les deux partenaires du couple, si le plaignant peut prouver qu’il était clair que ces biens étaient utilisés par les deux.
En 2018, foulant aux pieds ces deux lois, la Cour Suprême a régressé en donnant de nouveau aux tribunaux religieux cette possibilité de discrimination contre les femmes.
Que conclure ?
– Que mieux faire le choix d’une cours civile au détriment de la cours rabbinique en matière de divorce en Israël.
– Qu’on assiste à une montée de positions conservatrices depuis la nomination de certains juges par la ministre Shaked (parti de droite Habeit Hayehoudi)
Messages
Sans remettre en question les bonnes intentions (féministes) de l’auteur du billet, je crains que ce ne soit pas si simple. Le mieux serait de donner un lien afin que les lecteurs de ce billet puissent se faire une idée plus précise par eux-mêmes de l’affaire en question, et de manière plus générale, du contexte juridique israélien.
La question mérite d’être traitée plus précisément. En effet, les tribunaux civils israéliens et les tribunaux rabbiniques (il n’y a pas de différence de ce point de vue) prononcent généralement la division 50%-50% des biens entre les (ex)-époux et ce même si le bien a été acquis par l’un des époux seulement, et souvent même si le bien a été acquis avant le mariage. Souvent mais pas automatiquement.
Il est nécessaire, dans le cas où le bien a été financé avant le mariage par l’un des époux seulement, de distinguer si le bien a été enregistré au nom des deux époux (cas le plus courant, qui est le cas par défaut au nousah tabbou - cadastre - israélien) ou au nom de l’un des époux seulement.
Une des raisons est cette particularité que le cadastre israélien est directement lié au ministère de la justice et donc que les documents qui en sont issus ont un caractère contraignant sur les décisions de justice — à moins que l’autre époux (qui n’a pas financé le bien) fasse valoir la clause de "rekhouch mechoutaf" (bien partagé ou en commun) pour y avoir vécu, l’avoir entretenu, etc.
Il faut savoir que la clause de "bien partagé ou en commun", quand un des époux seulement a financé complètement le bien, n’est pas accordée automatiquement à l’autre époux. Cette clause doit être démontrée. De ce point de vue, la charge de la preuve est généralement assez légère si l’autre époux est une femme, y a vécu, l’a entretenu ou y a fait des travaux.
Il semble que dans le cas cité, le bien ait été financé et inscrit au registre israélien au nom du mari seulement et que c’est dans ce cas que le tribunal rabbinique et la cour suprême n’ont pas retenu la clause de "bien en commun" qui aurait joué sinon en faveur de la femme. Il semble (en tout cas à la lecture de l’article dont le lien est donné ci-dessous) que l’argument selon lequel la femme a trompé son mari n’est pas l’argument principal, ni du tribunal rabbinique ni de la cour suprême (quoique ce ne soit pas l’avis du juge minoritaire de la cour suprême).
lien (en hébreu) :
http://www.gerushin.co.il/%d7%94%d7%90%d7%9d-%d7%94%d7%91%d7%92%d7%99%d7%93%d7%94-%d7%94%d7%99%d7%a0%d7%94-%d7%94%d7%92%d7%95%d7%a8%d7%9d-%d7%a9%d7%94%d7%91%d7%99%d7%90-%d7%9c%d7%a9%d7%9c%d7%99%d7%9c%d7%aa-%d7%94%d7%96%d7%9b/
Il est évident (indépendamment du sexe des époux) que dans la bataille juridique que constitue souvent un divorce, l’époux qui a financé le bien et l’a enregistré en son nom tentera de faire valoir que le bien n’est pas "en commun". En l’espèce, c’est ce qu’a réussi à faire valoir le mari.
Il faut également savoir que cette situation, jointe à la bulle immobilière et d’autres spécificités asymétriques (obligations financières du mari) du droit hébraïque en partie inclus dans le droit israélien, conduit inévitablement à une multiplication des contrats de séparation de biens en Israël (heskem hafradat rekhouch / mamon), de plus en plus sophistiqués, à la mode américaine.
Voir en ligne : http://www.gerushin.co.il/%d7%94%d7...