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15.L’antisionisme comme antisémitisme

15.L’antisionisme comme antisémitisme

On peut être critique de la politique israélienne, mais être "antisioniste" radical, nier le droit à l’existence d’un Etat et donc de sa population, c’est être antisémite.

Les antisémites contemporains, le discours racial n’étant plus à la mode, trouvent dans l’antisionisme la base pour divulguer un langage haineux. Ils se cachent derrière des bons sentiments à priori généreux : soucis du faible, tiers-mondisme, droits de l’homme, etc...

Prenez leurs discours, remplacez "sioniste" par "juif" et Goebbels ne le renierait pas.

Ils jouent souvent sur des amalgames : les arabes sont sémites, je suis arabe ou j’aime les arabes, je ne peux donc être antisémite...

Ils oublient que le terme "antisémitisme" ne concerne que la haine spécifique des juifs.

Ils cherchent à brouiller les pistes et donnent souvent dans l’amalgame, notamment historique. C’est devenu un lieu commun que de comparer l’occupation israélienne à la Shoa. Tout se vaut. (Voir Plantu en son temps dans Le Monde !)

Au lieu de critiquer sérieusement la politique israélienne qui prête le flanc à une critique sincère, au lieu de militer pour les droits de l’homme avec sérieux, on donne dans la propagande la plus grossière.

Ces mêmes mouvements antisionistes trouvent toujours un juif pour leur prêter main-forte. Comme si la présence d’un juif pouvait tout justifier et servir d’alibi à n’importe quel discours ! La haine de soi a toujours existé chez les minorités et notamment chez les juifs. Ce n’est pas un phénomène nouveau. Certains juifs ne supportent absolument pas l’idée de l’Etat d’Israël auquel ils se sentent associés de force. Pour se « disculper », ils entrent dans un discours totalement délirant. En son temps, même Le Pen avait son juif de service…

Ils rendent responsable le sionisme de tous les maux. On retrouve exactement le discours paranoïaque du « complot juif mondial ».

Il est intéressant de réfléchir à la médiatisation et à la popularité de la cause palestinienne dans certains milieux de l’extrême gauche. Non pas que cette cause ne soit pas valable, mais elle n’est pas la seule. Hélas pour les autres nombreuses causes justes de par le monde, la cause palestinienne, récupérée le plus souvent par un antisionisme virulent, rafle toujours la première place. Les mêmes Palestiniens, avec tout le respect pour leurs souffrances réelles, ne profiteraient pas d’un tel écho si leur ennemi n’était pas Israël. Bien des peuples de par le monde, oppressés et massacrés dans des proportions autrement plus graves que celles que subissent les Palestiniens, n’ont jamais droit à une telle publicité.

Cet antisionisme-là, loin de servir la cause palestinienne, la discrédite. Comme l’usage du terrorisme aveugle d’ailleurs.

Il empêche notamment des quantités de juifs sensibles au problème palestinien, de venir montrer la moindre solidarité à celui –ci, solidarité qui se tournerait très vite contre eux- mêmes.

L’antisionisme doit être combattu au même titre que l’antisémitisme. La critique de la politique d’Israël doit être possible dans des termes mesurés et dans la seule fin de faire avancer la paix et les droits de l’homme. Comme dans beaucoup d’autres problèmes, il faut apprendre l’art de la nuance.

Le juif de service

L’antisionisme virulent aime à trouver un juif à mettre en avant pour se dédouaner d’antisémitisme. Comme si cela suffisait... Or les juifs de service en question sont porteurs d’une bonne dose de pathologie. Le meilleur exemple est le rabbin   Shmiel Mordche Borreman, proche du groupuscule religieux Neturei Karta qui s’affiche avec Dieudonné.

La barbe et le chapeau seraient-ils les garants de la santé mentale ? On peut en douter sérieusement.

Le phénomène se retrouve régulièrement, et chaque groupe antisioniste aime à avoir son juif, humaniste, intello, gaucho, peu importe, l’essentiel c’est qu’un juif soit là pour dire : "Haro sur Israël" tout est permis puisque je suis là et que donc aucun "antisémitisme" n’est possible !

L’histoire juive et les victimes exigent de nous un minimum de lucidité...

Exemples

Voici un bel exemple du discours ambigu et dans le fond plein de haine.

Yeshaya Dalsace

Analyse d’Ilan Greilsammer

Encore et toujours, je m’aperçois que le landerneau parisien reste agité par les querelles concernant l’antisionisme et l’antisémitisme. C’est vraiment stupéfiant de voir que ce sujet bouleverse encore les esprits, au point que des livres entiers lui sont consacrés, alors que les choses sont claires comme de l’eau de roche. Alors, au risque d’enfoncer des portes ouvertes, mettons les points sur les i.

Pour deux groupes de personnes, la question antisionisme/antisémitisme ne fait strictement aucun doute, et est immédiatement résolue. Tout d’abord, c’est vrai, pour beaucoup de Juifs, toute critique à l’égard de la politique du gouvernement israélien, même la plus timide remarque, constitue de l’antisémitisme. Dès qu’on critique un tant soit peu Sharon et son gouvernement, que ce soit pour leur stratégie absurde à l’égard des Palestiniens, pour leur complaisance à l’égard des colonies, pour l’argent déversé sur les routes de contournement, pour la politique économique incohérente ou la politique sociale désastreuse, certains segments de la communauté profèrent immédiatement l’accusation d’antisémitisme. Cette accusation, qui tient du « Sésame ouvre-toi », est d’autant plus grotesque que c’est toute la gauche israélienne, toute la population modérée et libérale d’Israël qui critiquent amèrement le gouvernement Sharon, dans des termes souvent beaucoup plus violents qu’à l’étranger. Combien de fois me suis-je fait huer ou agresser verbalement dans la communauté, quand j’exprimais ma détresse face à la nullité absolue de mes gouvernants ?

De toute façon, ces cercles intégristes, conservateurs et nationalistes à l’intérieur des communautés juives ont toujours été en retard d’un métro sur l’état de l’opinion israélienne, ils croient que l’Israël des années 50 existe toujours, que les kibboutz et Tsahal sont restés inchangés, et ils encensent encore la merveilleuse victoire de 1967 quand nous pleurons l’état catastrophique de la société israélienne en 2003... Ces cercles juifs ne sont pas sérieux, ils sont anachroniques.

Mais un autre groupe de gens, bien plus dangereux à mon sens, a lui aussi un avis définitif sur la question : ce sont tous ces intellectuels ayant pignon sur rue, pour qui l’antisionisme et l’anti-israélianisme ne révéleraient jamais, non, jamais, une once d’antisémitisme. On pourrait tout dire sur Israël et sur le soutien que lui apportent les communautés juives, déverser un torrent d’injures à l’égard du peuple israélien, définir l’axe Etats-Unis-Israël comme un nouvel axe du Mal, appeler ce qui s’est passé à Jénine du nom d’« Auschwitz » (dixit Saramago), comparer les soldats israéliens à des SS, traiter l’Etat juif comme un paria parmi les nations, sans jamais être taxé d’antisémitisme. L’antisémitisme, pour eux, resterait confiné à Le Pen et à Mégret. D’ailleurs, pour eux, il n’y a pas de regain d’antisémitisme en France, les Juifs exagèrent, ils sont hystériques, il n’y aurait pas d’antisémitisme dans les cités et dans les banlieues, et les incendies de synagogues comme les agressions de lycées juifs seraient « grossis » par la communauté juive...

Chose grave à mes yeux, les efforts pervers de ce petit groupe influent commencent à porter leurs fruits dans la société française : de plus en plus de gens disent et écrivent des choses sur Israël et les Juifs qu’ils ne se seraient jamais permis de dire ou d’écrire, il y a quelques années. Ils ne se seraient pas permis de le dire, parce qu’ils auraient immédiatement été remis en place par leurs voisins, leurs amis, leurs connaissances, parce que leurs collègues de bureau, de fac ou de labo leur auraient tourné le dos. Apparemment, cet opprobre n’existe plus, c’est pourquoi ils disent n’importe quoi. C’est à l’intention de ceux qui seraient tentés de les suivre sur leur pente savonneuse qu’il faut rappeler quelques vérités premières.

1) Il y a antisémitisme lorsqu’on est prêt à lutter pour l’indépendance nationale de n’importe quel peuple d’Europe, d’Asie ou d’Afrique, mais qu’on nie à un seul peuple au monde, le peuple juif, d’avoir son mouvement de libération nationale, le sionisme, et son Etat, l’Etat d’Israël.

2) Il y a antisémitisme lorsqu’on nie ou qu’on cherche à occulter les liens historiques, culturels, nationaux du peuple juif avec cette terre de Palestine/Israël, et qu’on essaie de faire passer le retour des Juifs sur ce territoire comme du colonialisme pur et simple.

3) Il y a antisémitisme lorsqu’on feint d’ignorer que l’objectif des mouvements islamistes palestiniens, Hamas et Jihad, est de tuer le maximum de Juifs en tant que Juifs, pas en tant qu’Israéliens, et qu’on s’abstient de dénoncer ces organisations comme ce qu’elles sont : des organisations fondamentalement et essentiellement antisémites.

4) Il y a antisémitisme quand on ne dit pas un mot du style et du contenu de la propagande palestinienne, des caricatures à la Stürmer, ou encore du feuilleton antijuif (Cavalier sans cheval) que l’Egypte a fait passer durant des semaines, ou encore des téléfilms montrant Sharon comme un vampire assoiffé du sang des enfants palestiniens

5) Il y a antisémitisme lorsqu’on décrit les soldats de Tsahal comme des SS, lorsqu’on prétend (comme il n’y a pas si longtemps) que les soldats israéliens violent des Palestiniennes, quand on décrit la situation des Palestiniens prisonniers du Mur de séparation comme équivalent à un camp de concentration nazi.

6) Il y a antisémitisme quand on considère que les seuls « bons » Juifs israéliens, ceux que l’on est prêt à inviter et à fréquenter, et à faire parler sur les campus, sont les Juifs anti-israéliens dont la seule occupation est de dire du mal de leur peuple et de leur pays.

7) Il y a antisémitisme quand les journalistes que l’on accuse de trop aimer Israël et de ne pas être assez critiques à son égard sont, comme par hasard, des Juifs, quand les intellectuels que l’on accuse de néoconservatisme et de partialité en faveur d’Israël sont eux aussi, comme par hasard, des Juifs. Sans parler, bien sûr, des dénonciations du fameux « lobby sioniste » qui n’est autre que celui des Juifs dégoûtés des attaques portées à l’existence même d’Israël.

8) Il y a antisémitisme quand le seul pays au monde que l’on dénonce en termes orduriers, et que l’on associe aux « crimes » de Bush en Afghanistan ou en Irak, est... Israël, et qu’Israël se retrouve accusé partout, dans toutes les manifestations de rue, quels qu’en soient leur sujet et leur but.

9) Il y a antisémitisme quand on se scandalise - avec raison - de la tragédie des réfugiés palestiniens alors que l’exode des Juifs originaires des pays arabes est présenté totalement dénué d’intérêt.

10) Il y a antisémitisme quand on cherche à impliquer Israël dans le combat contre la mondialisation et la globalisation, quand Israël est le seul pays au monde vilipendé par un leader de confédération paysanne, quand Israël est pris comme point de mire d’écologistes chantres des vertus de la Terre, lorsqu’on laisse sous-entendre qu’Israël a quelque chose à voir avec les multinationales et l’oppression des pays pauvres par les pays riches.

11) Il y a antisémitisme quand des gens de gauche et d’extrême droite se mêlent pour affirmer un souverainisme nationaliste exclusif des immigrés... tout en condamnant spécifiquement Israël sur la scène internationale.

Je comprends parfaitement que beaucoup de personnes se trouvent dans une situation très délicate : elles sont scandalisées par la politique de Sharon, elles veulent critiquer le gouvernement israélien et soutenir la gauche israélienne dans son combat, mais sans nuire à l’existence même de l’Etat juif. Oui, c’est difficile et compliqué : comment manifester son mécontentement, sa colère devant les barrages et les humiliations, sans que l’entreprise sioniste, l’une des plus belles entreprises du XXe siècle, soit remise en cause et risque d’être annihilée ? Je crois que les gens honnêtes et de bonne volonté sauront faire la distinction entre Sharon, Netanyahou, Mofaz et leurs sbires, et le peuple israélien qui est fondamentalement sain, même s’il a cessé de penser, tétanisé par les attentats.

Mais il faut continuer, pardonnez l’expression, à mettre le nez dans leur pipi à ceux qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes, à tous ces antisionistes qui connaissent parfaitement le sens de leurs mots et veulent se donner à tout prix une virginité qu’ils ont perdue depuis longtemps.

Libération, mercredi 24 septembre 2003

Ilan Greilsammer est professeur de sciences politiques à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv.

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Plaidoyer pour ma terre d’Herbert Pagani

Le chanteur dans ce texte émouvant revient sur l’histoire de l’antisémitisme et les difficultés d’Israël a être un pays accepté par ses voisins arabes et la récupération du conflit par une certaine gauche en mal de bonne raison de critiquer Israël hors de toute proportion et sans commune mesure avec le traitement de conflits similaires. Ce texte des années 80 reste d’actualité.

Herbert Avraham Haggiag Pagani, dit Herbert Pagani (né le 25 avril 1944 à Tripoli en Libye - décédé le 16 août 1988 à Miami Floride) était un chanteur italien célèbre dans les années 1960. Il fut le premier disc jockey de Radio Monte Carlo. Il est mort à 44 ans des suites d’une leucémie foudroyante.

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