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shabbat Hol Hamoed Pessah

shabbat Hol Hamoed Pessah

La Torah au temps du corona (4)
17 nissan   5780 – Shabbat Hol Hamoed Pessah

(Ce message ne pourra être envoyé comme d’habitude puisque deux jours de fête vont être suivis de shabbat. D’où cet envoi anticipé.)

Corona Torah serait la latinisation de Keter Torah, « La couronne de la Torah », expression qui, entre autres usages, donne son titre à un long poème de Isaachar Bär ben Judah Carmoly, rabbin   alsacien du 18è siècle, pur génie quant à l’érudition, l’intelligence et la créativité.
Keter, dans l’arbre de vie kabbalistique, est la plus élevée des sephirot et celle qui porte le plus haut degré d’abstraction. Irréelle telle … un virus.
Bref, il n’est pas vain de saisir le moment pour considérer le texte toraïque de la semaine et voir ce qu’il nous fait lire/entendre quant à notre présent pandémique et confiné.

Pour le shabbat de Hol Hamoed (les jours intermédiaires) de Pessah, il est demandé de lire, entre autres, un segment du Livre de l’Exode : Ex. 33,12 à 34,26. Il y est rapporté la manière dont le Divin accède à la demande de Moïse de lui faire connaître Ses voies et de lui faire voir Sa gloire (Ex. 33, 13 et 18) ainsi que la taille des secondes tables de la loi et diverses prescriptions dont la célébration de Pessah :
18 Observe la fête des Azymes : sept jours tu mangeras des azymes, comme je te l’ai prescrit, à l’époque du mois de la germination, car c’est dans ce mois [de la germination] que tu es sorti de l’Égypte. (Traduction de la Bible du Rabbinat)
Il est frappant de constater que cette mention-là de Pessah, si elle inclut comme les autres dans le texte biblique la sortie d’Egypte, insiste sur un détail renvoyant au cycle naturel, la germination. La phrase, dans son déroulement, accorde même préséance à la nature sur l’histoire – d’abord l’éclosion végétale puis la libération de l’esclavage – , ce que renforce le verset suivant : « 19 Toutes prémices des entrailles sont à moi : tout ce qui, dans ton bétail, naîtrait mâle, premier-né de la vache ou de la brebis ». Quant au verset qui précède (17 « Tu ne te fabriqueras point des dieux de métal »), il fait ressortir la chaleur naturelle du côté de laquelle se situe le Divin en lui opposant un matériau inerte et froid qui symbolise l’illusion des faux dieux.
Une interprétation classique reliera le renouveau printanier à la nouvelle phase historique que représente pour les Hébreux la sortie d’Egypte. Le pouvoir du recommencement que la philosophe juive Hannah Arendt traite comme la qualité humaine par excellence prend modèle sur le mouvement de la nature.
Notre actualité, toutefois, suggère un autre commentaire. Le temps historique se niche dans le temps naturel comme l’a fait ressortir Edouard Robberechts dans sa leçon du 6 avril sur le premier verset de la Genèse (voir : https://youtu.be/-3K2ESkLlDA ). Il s’y niche mais rompt avec lui pour privilégier le pouvoir d’invention et de création de l’humain. Or, le temps historique semble parfois en arrêt, en panne, lorsque le fonctionnement social est gravement perturbé et ne suit pas les normes habituelles. Exactement ce que nous vivons au sein de cette crise sanitaire. Le seder que nous allons vivre dans l’isolement en est le triste exemple. Une expulsion de l’histoire que nous pouvons considérer traumatisante et débilitante.
Toutefois, le peuple juif a recueilli dans son histoire l’expérience de telles expulsions, doublant les bannissements dans l’espace. Le confinement dans les ghettos correspondaient à une telle interdiction de participer à l’histoire. Que faisaient alors les Juifs ? Ils s’en remettaient au temps rituel qui jamais ne les trahissait et attendaient les conditions propices pour rejoindre le temps historique du monde et pour travailler à l’amélioration de ce dernier.
Pour celles et ceux que dérangerait l’imagerie déployée par la haftara   de ce shabbat (Ezéchiel 37, 1-14) – la vallée aux ossements desséchés que la parole divine revêt de chair et fait revivre –, on peut s’attarder sur la conclusion (« Voici que je rouvre vos tombeaux, et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple ! et je vous ramènerai au pays d’Israël », Ez. 37,12, Bible du Rabbinat) pour y retenir un message d’espoir après la dévastation. D’une certaine manière, le discours des prophètes éclate entre la temporalité naturelle et la temporalité historique. Comme si une déchirure de l’histoire était nécessaire à une plongée subséquente dans l’histoire la plus concrète qui soit, à savoir, pour les Juifs exilés de Babylone auxquels s’adresse Ezéchiel, l’exil et l’oppression.
Le Rabbin   Jonathan Sachs fait remarquer la coexistence de deux termes en hébreu pour dire la liberté, hofesh et herout, le premier désignant la liberté individuelle, le second la liberté collective. Or, le texte biblique n’emploie que le premier, insistant donc sur la libération individuelle, la sortie individuelle de l’esclavage et de l’Egypte. Phase nécessaire à la libération collective, à faire ensemble et toujours à faire jusqu’aux temps messianiques.
Parenthèse de l’histoire que cette période de confinement où les sociétés ralentissent leurs activités effrénées et, pour nous, un Pessah particulier qui nous coupe des pratiques collectives, à commencer par les réunions familiales, mais qui offre l’occasion d’un travail de libération pour chacun.e d’entre nous.

Prenez soin de vous, prenez soin des autres, soyons unis par le cœur et l’esprit, soyons vaillants pour préserver la lumière du judaïsme et de la paix.

Alexis Nuselovici,
Président, Or Chalom 2020

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