La mobilité des familles, Internet, le blackberry, ont rendu, paradoxalement, la distance qui nous sépare les uns des autres de plus en plus importante. Rares sont les moments où l’on peut maintenant se parler face à face.
D’un autre côté, nous vivons aussi dans un monde où nous pouvons faire appel à d’autres pour faire ce que nous ne trouvons plus le temps de faire nous-mêmes. Ceux qui se substituent à nous dans ces actions, font le ménage et les courses à notre place et vont au pressing chercher notre linge, ou apportent à nos proches les soins dont ils on besoin.
Une délégation…
La prière de Hineni que chante le hazan est une prière de la plus haute contrition et humilité. Elle demande à Dieu d’accepter la Techouva, l’acte de repentance du hazan afin qu’il soit à même d’offrir cette prière à Dieu au nom de la communauté.
Mais dans notre monde de communication à distance, que devient donc la prière de Hineni ? Est-ce encore un moyen supplémentaire d’avoir une communication à distance avec Dieu, en place d’une conversation personnelle avec lui, panim el panim, face à face ? Avons-nous demandé au hazan de se substituer à nous ?
Après tout, le hazan parle parfaitement hébreu et connaît probablement la prière bien mieux que nous. Qui, mieux que lui, pourrait faire ce travail à notre place ?
Que dire de cette substitution quand, durant les Jours terribles, les Yamim Noraim, les jours d’attrition, nous devrions être tout entiers à chercher ce lien personnel avec Dieu ?
Et si la prière de Hineni était notre « plan B » - au cas où nous n’arriverions pas à créer ce lien primordial avec Dieu ? Comment la Techouva serait-elle possible autrement ?
Y a-t-il des jours ou des moments où l’on est plus proche de Dieu que d’autres ? Ou bien des années entières passeraient-elles sans qu’on n’entre jamais en lien direct avec lui ?
Certains parmi nous se dispensent même d’essayer et ne cherchent pas la présence de Dieu dans la vie profane, mondaine ou dans des événements particuliers… D’autres pensent que ce n’est même pas la peine de venir à la synagogue à Chabbat pour voir si Dieu pourrait s’y trouver.
D’autres encore vont chaque semaine à l’office, tentant, en vain, de chercher cette présence et quittent la synagogue sans avoir été seulement touchés par les prières qu’ils ont entendues.
Quelles que nos tentatives se soldent par un succès ou un échec, le hazan est là pour nous.
Je dois avouer que je suis une de ces résistantes, mais cette année, j’ai été touchée de façon toute particulière à la lecture, dans la seule synagogue Massorti de Paris, du Livre des Lamentations , Eikha , lu en hébreu et français. Tout le monde sait que le seul fait d’être lu en français rend n’importe quel texte beau à entendre, même s’il s’agit d’un annuaire téléphonique. Mais là, c’était différent. Le texte en français était lu par une femme, journaliste radio qui est aussi sophrologue et une femme d’expérience.
La façon dont elle lisait le texte révélait quelque chose. Bien plus que toutes ses qualifications professionnelles, elle avait l’âme d’un tsaddik. Pour la première fois de ma vie, moi qui n’avais pas étudié le français depuis plus de trente ans, j’étais émue aux larmes en écoutant Eikha . Cette femme a accompli une grande mitsva parce qu’elle m’a remis en contact avec une partie de ma relation avec Dieu qui était pour le moins somnolente.
… qui ne vaut pas relégation.
Aujourd’hui, notre hazan accomplit cette grande et belle mitsva pour chacun d’entre nous. Mais dites-moi, nous les juifs, ne sommes-nous pas fiers de ne demander l’aide de personne et d’aucun intermédiaire dans notre relation à Dieu ? Alors comment exactement cette mitsva peut-elle se réaliser ? En fait, ce n’est pas si extraordinaire. La mitsva de l’alliance au moment de la Brit Mila revient au père, mais je connais peu de pères capables de faire ce que fait le mohel...
Chaque juif devrait écrire au cours d’une vie son propre Sefer Tora, mais au lieu d’envoyer notre hazan , nous chercher une réserve de plumes à cet usage, nous recourons aux services d’un sofer qui le fait pour nous.
De nos jours, notre hazan est donc notre chaliah tsibbour, notre délégué auprès de Dieu Mais il est aussi celui qui nous apporte Son message. Son humilité nous inspire, nous qui sommes là dans l’assemblée et nous oblige à nous poser la question « Suis-je à la hauteur de la prière qu’il adresse en mon nom ? ». Il est encore temps de faire techouva, moi aussi je dois chercher à purifier ma vie.
Donc, même s’il n’est pas négligeable d’avoir un plan B, ni le Hineni ni le hazan ne sont là pour nous absoudre et nous dégager de nos responsabilités quant à la prière et à la nécessité d’un examen de conscience vis à vis de nous-mêmes et de Dieu.
Hineni : "nous voici", Dieu, une communauté qui s’est rassemblée pour témoigner de notre alliance avec Toi. Pendant le chant du hazan , nous nous offrons dans cette relation avec Toi, pour Te trouver en nous-mêmes, pour trouver en nous cette part qui nous aidera à rentrer en contact avec notre yetzer tov, notre âme divine, le meilleur en nous-mêmes, notre penchant vers le bien.
L’auteur : Laura Lewis est Directrice de l’American Jewish Committee de Westchester Chapter dans l’Etat de New York.
Un grand merci à Marlène Mohier pour sa traduction de cette dracha.