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A quel moment lire Kohelet durant Souccot ?

A quel moment lire Kohelet durant Souccot ?

Rabbin David Golinkin Orah Hayim 663 :2 -

Un article érudit qui montre que nous avons plusieurs possibilités. A nous de choisir la meilleure.

Question :

Il existe une coutume largement répandue qui consiste à lire le livre de Kohelet à Soucot ou Shemini Atseret ou à Simhat Thora. Pourquoi lisons-nous Kohelet à cette époque-ci de l’année ? Quand exactement doit-on lire Kohelet ? Est-ce une coutume ou une obligation ?

1) Pourquoi lisons-nous Kohelet à Soucot ou Shemini Atseret ou à Simhat Thora ?

1. La raison semble en avoir été simplement le désir de lire publiquement les cinq rouleaux de la Bible. Nous lisons Esther à Pourim, Eikhah est lu à Ticha Be’av, Chir Hachirim qui se passe au printemps est lu à Pessah, Hag He’aviv, fête du printemps, Ruth qui se passe pendant la moisson du blé est lu à Chavouot. Cela laisse un rouleau – Kohelet – et une fête de pèlerinage – Soucot – qui furent donc apariés. Cette théorie est appuyée par un passage du Traité médiéval de Soferim (ed Higger 14 :1, pp 251-252) Les manuscripts de Soferim évoquent la lecture publique de quatre rouleaux à l’exception de Kohelet, mais cinq travaux halakhiques médiévaux qui citent Soferim, ajoutent Kohelet comme cinquième rouleau (cf Higger dans ses notes ; Cohen   p 83 ; Fried p. 105 ; Gaguine p. 194, Goldschmidt p.49) En d’autres termes, Kohelet fut ajouté à la liste des Soferim quand les Juifs commencèrent à lire Kohelet en public à Soucot.

Cependant, [*de nombreux rabbins   ont donné des explications homélitiques sur la raison pour laquelle on lit Kohelet à cette époque de l’année.*]

2. Le rabbin   Abraham de Lunel explique dans son Sefer Hamanhig écrit à Tolède en 1204 (ed Rafaël, Jérusalem 1978 p 416) que nous lisons Kohelket à Shemini Atseret parce qu’il est dit dans Kohelet 11 :2 : « partagez les portions en sept ou même en huit » ce qui évoque les sept jours de Soucot et le huitième jour qui est Shemini Atseret . (Cf le midrach   dans Pesikta d’rav Kahana, ed Mendelbaum p. 419.)

3. Le Rabbin   Abraham ajoute une deuxième explication qu’il a découverte : D’après un midrach   (Cantique des Cantiques Rabbah 1 :9, ed Vilna, fol.2d), Kohelet aurait été écrit par le roi Salomon. Le Rabbin   Abraham affirme que Salomon récitait Kohelet à la cérémonie Hakhel au cours de laquelle le roi lit des portions de la Torah au peuple Juif tout entier (voir Deut.   31 : 10-12) « pendant l’année sabbatique, à Soucot » Ceci est évoqué dans Rois 8 : 2 où il est dit : « Et ils se réunirent (vayikahalu) devant le Roi Salomon au cours du mois d’Eitanim (Tichri  ) lors de la fête (Soucot) » Autrement dit, nous lisons Kohelet à Chemini Atseret parce que le Roi Salomon l’a lu en public pour la première fois lors de la cérémonie du Hakhel à Soucot.

4. Le Rabbin   Mordehai Yaffe pour sa part, explique dans son Levush (Orah Hayyim 663 :2) publié en Pologne en 1590-1604 que nous lisons Kohelet à Soucot « parce que c’est Zeman simhatenou, (la période de réjouissance) et Kohelet nous recommande de nous réjouir de notre sort, au lieu de courir sans cesse après davantage de richesses. Un homme qui se réjouit de ce qu’il a, c’est un don de Dieu. » Cette explication est aussi citée sans attribution par le Rabbin   Moché Matt dont le livre est paru à Cracovie en 1590. (Mateh Moshe part 5 §966).

5. Le Rabbin   Azarya Figo (1579-1647) dans son Binah L’itim (Drush 17, cité par Ben Ezra p. 86) publié à Venise en 1648, relie lui-aussi la lecture de Kohelet à la joie de Soucot : « Trop de joie étourdit et retire du cœur l’humilité nécessaire pour servir Dieu avec son cœur…c’est pourquoi ils décrétèrent que nous devions lire Kohelet (à Soucot puisque) Kohelet condamne le monde et ses plaisirs. Et il mentionne la mort et tous ses détails, ce qui constituera pour nous une limite afin que notre joie ne soit pas physique mais spirituelle et religieuse… ce qui est la vraie joie d’accomplir une mitzva ».

6. R. Shemtob Gaguine (1886-1941 ; voir Gaguine) qui fut de-facto le Grand Rabbin   Sepharade d’Angleterre, dit que selon un midrach  , (Cantique des Cantiques Rabbah 1 :10, ed. Vilna fol 3c) le Roi Salomon écrivit le Cantique des Cantiques dans sa jeunesse et Kohelet dans son age avancé. Nous lisons donc le Cantique des Cantiques à Pessah au printemlps ce qui évoque le printemps de la vie et Kohelet pendant au cours des fêtes des récoltes ce qui évoque un age avancé, quand Salomon regarda en arrière, vers son passé et vit que tout est vanité.

7. Mordechai Zer-Kavod (Da’at Mikra à Kohelet, Jérusalem 1983 p.6) donne une variante à cette explication. Selon lui, le Cantique des Cantiques est lu à Pessah qui symbolise le printemps ; Ruth est lu à Chavouot la fête des premiers fruits puisqu’elle rappelle la récolte du blé, Kohelet est lu à Soucot la fête des récoltes puisque elle évoque la vieillesse et la mort.

 II Quand lit-on exactement Kohelet ?

[*Il existe au moins sept coutumes différentes quant à la date à laquelle Kohelet est lu.*] Nous allons les énumérer en fonction de l’ordre des fêtes deSoucot, Shemini Atseret et Simhat Torah, suivi des sources existantes pour chaque coutume.

1. Kohelet fut lu en quatre fois – le premier jour de Soucot, le deuxième jour, le jour de shemini Atseret, et celui de Simhat Torah. C’était la coutume selon le Mahzor   Romania, qui était utilisé par les Juifs de Byzance, Grèce et Turquie au 16ème siècle (Fried, p.105). Cette coutume vient sans doute du fait que Kohelet est très long – douze chapitres – et qu’il est difficile de tout lire en une fois.

2. A Shabbat Hol Hamoed avant la lecture de la Torah.. C’est la coutume standard Askénaze de nos jours encore. Si le premier jour tombe un Shabbat, les Juifs de Diaspora lisent Kohelet à Shemini Atseret, alors que les Juifs Israëliens le lisent le premier jour de Soucot. Une autre différence actuelle est qu’en Israël, Kohelet est écrit sur un parchemin, suivant ainsi la coutume du Gaon   de Vilna de réciter les bénédictions « al mikra meguila » et « shereyanou ».

3. On lit la moitié à Shabbat Hol Hamoed avant Minha   et l’autre moitié est lue à Simhat Torah avant Minha  . Les membres de la communauté lisent un verset à tour de rôle et la communauté répète ce verset, puis le lecteur répète le Targum Araméen (traduction) attribuée à Yonatan Ben Uziel. C’était une des coutumes Yéménites (Wassertil p.545) cette coutume est sans doute due à la longueur de Kohelet.

4. A Shemini Atseret dans la Diaspora, avant la lecture de la Torah. C’était la coutume Française en 1204 d’après Rabbi Abraham de Lunel (voir ci-dessus) afin d’accomplir les obligations de ceux qui ne peuvent pas le lire. Mahzor   Vitry (France 1120) qui était partisan de la deuxième coutume mentionnée ci-dessus, disait que Kohelet devait être lu à Shamini Atseret « si on ne l’avait pas lu avant » (p.446 –Sidour   Rachi   p.147)

5. A Shemini Atseret dans la Diaspora, dans la Souccah : c’était la coutume en Provence en 1204 selon le Rabbin   Abraham de Lunel (voir ci-dessus).

6. A Shemini Atseret dans la Diaspora, avant ou pendant Minha   : c’était la coutume Yéménite au 18ème siècle d’après le Rabbin   Yihya Zalah dans son Tiklal Etz Hayim (jérusalem 1894, fol 83b et cf Fried p.105) Ils lisaient Kohelet avec le Targum Araméen attribué à Yonatan Ben Uziel et Rachi  . Les Juifs deCochin, en Inde lisaient Kohelet à Minha   le jour de Shemini Atseret sans le Targum (Wassertil p.483).

7. La moitié à Shemini Atseret et l’autre moitié à Simhat Torah avant Minha   : telle était la coutume des Juifs du Sahara et d’Afganistan selon Fried (p.105) qui se basait sur des membres de ces communautés vivant en Israël. Là aussi, la coupure en deux parties est sans doute causée par la longueur du rouleau.

 III. Est-ce une coutume obligatoire ?

Cette coutume n’est pas obligatoire puisqu’elle n’a aucune base talmudique et même l’obligation mentionnée dans le Traité Post-Talmudique de Soferim est sujette à caution. En fait, cette coutume n’a jamais été adoptée par la plupart des communautés Sépharades et Juives du Moyen Orient (cf Gaguine et Wassertil).

Cependant, outre toutes les raisons mentionnées plus haut, il y a une excellente raison supplémentaire d’adopter ou de faire revivre cette coutume vieille de 900 ans. La plupart des Juifs de nos jours n’ont jamais étudié ni même lu la Bible dans son entier. Beaucoup connaissent la Torah, les Haftarot, Esther, les Lamentations  , Ruth et le Cantique des Cantiques, parce qu’ils les ont entendus lire en public. Si nous voulons que les Juifs connaissent le livre de Kohelet, nous devons le lire en public à Soucot et ou à Shemini Atseret et ou à Simhat Torah. Dans les synagogues où c’est une nouvelle coutume, il serait préférable d’adopter une des coutumes qui coupe Kohelet en deux ou quatre parties.

David Golinkin
Jerusalem
Isru Hag Sukkot 5767

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