Le plus grand érudit du judaïsme anglais
L’hebdomadaire Jewish Chronicle de Londres, l’a, à plusieurs reprises défini comme "le plus grand Rabbin que nous n’avons jamais eu".
Plébiscité en 2005, par vote populaire, comme le plus grand Juif anglais depuis le Retour des juifs sous Cromwell, il devance, dans les préférences des anglais, non seulement tous les grands Rabbins , mais aussi des figures historiques comme Benjamin Disraeli et Moses Montefiore.
L’éminent Rabbin et érudit Louis Jacobs est décédé à Londres le shabbat du 1er juillet, à l’âge de 85 ans, quelques semaines avant son 86e anniversaire. Auteur de plus de 50 ouvrages, inspirateur et fondateur du Mouvement Massorti en Angleterre, fidèle toute sa vie, de manière rigoureuse, à la pratique religieuse orthodoxe , le Rabbin Jacobs était une autorité reconnue dans le monde entier pour ses travaux dans les domaines de l’étude juive, de la Kabbale au Hassidisme , de la Mishna à la Torah.
Biographie
Rabbi Louis Jacobs est né à Manchester le 17 juillet 1920 dans une famille d’ouvriers non religieux.
Apprenti imprimeur, à l’âge de 14 ans, il demande à ses parents de poursuivre ses études.
Après des études secondaires à la Manchester Central High School, il suit l’enseignement du Manchester Talmudical College, où il est ordonné rabbin . Son professeur d’éthique et de théologie juive est le rabbin ultra orthodoxe Elijah Dessler.
Nommé rabbin de la Manchester Central Synagogue de 1948 a 1954, Louis Jacobs devient le rabbin de la New West End Synagogue de Londres en 1954, où il officie jusqu’ à 1960.
Il entre au London University College où il obtient son doctorat en Histoire. Au Jew’s College, entre 1959 et 1962, pendant les dernières années de la direction du rabbin Isidore Epstein, il est directeur d’études de Talmud et d’homilétique.
L’affaire Jacobs
En 1961, à la suite de la parution, en 1957, de son livre ″We have reasons to believe (Des raisons pour croire)″ dans lequel il propose une interprétation non traditionnelle de l’origine et de la transmission de la Torah, le Grand Rabbin d’Angleterre Israël Brodie, malgré l’impeccable curriculum orthodoxe du Rabbi Jacobs, n’autorise pas sa nomination à la direction du Jews’ College ; il lui interdit même de reprendre son poste à la New West End Synagogue et d’officier dans les synagogues affiliées au Rabbinat, sous le prétexte de ″la publication de ses idées″.
Ce fut ″l’affaire Jacobs″ qui secoua la vie de la communauté juive anglaise et qui fut l’objet de manchettes dans la presse nationale britannique, y compris The Times.
Curieusement la parution du livre, quatre ans auparavant, n’avait soulevé que des critiques modérées, sans aucune véritable censure.
Création du mouvement Massorti anglais
Une partie des membres quitte alors la New West End Synagogue pour fonder la New London Synagogue. La nouvelle congrégation achète l’immeuble de la vieille synagogue de St. John’s Wood et demande à Rabbi Jacobs d’en devenir le rabbin officiel- poste qu’il occupe jusqu’à 1995.
Ce sont les débuts du mouvement Massorti au Royaume Uni.
Depuis la fondation de la New London Synagogue, le rabbin Jacobs et le mouvement Massorti sont la cible d’une constante hostilité, parfois mesquine, de la part d’un nombre croissant d’organisations orthodoxes britanniques.
Le jour de son 83e anniversaire, dans la synagogue orthodoxe de Bournemouth, le shabbat avant le mariage de sa petite-fille, on lui refusa l’honneur d’une aliyah, traditionnellement attribuée au père de la mariée. L’incident ne passa pas inaperçu dans la presse juive britannique.
Un juif immense
L’hebdomadaire Jewish Chronicle de Londres, l’a, à plusieurs reprises défini comme "le plus grand Rabbin que nous n’avons jamais eu." Plébiscité en 2005, par vote populaire, comme le plus grand Juif anglais depuis le Retour, il devance, dans les préférences des anglais, non seulement tous les grands Rabbins , mais aussi des figures historiques comme Benjamin Disraeli et Moses Montefiore.
Directeur de la Society for Study of Jewish Theology entre 1962 et 1964, Rabbi Louis Jacobs a également exercé comme professeur de Talmud et de Zohar au Leo Baeck College, où, pendant quelques années, il a présidé le Comité Académique. Il a été invité en tant que professeur, à la Harvard Divinity School de 1985 à 1986 et à la Lancaster University en 1987.
C’est un auteur largement lu et reconnu, un conférencier très apprécié, plein d’anecdotes et d’humour, aussi à l’aise avec Maimonide et le Baal Shem Tov qu’avec Shakespeare.
Il a été inhumé au cimetière de Cheshunt, dimanche 2 juillet, au cours d’une cérémonie à laquelle ont assisté plus de 2000 personnes, parmi lesquelles, significativement, le Grand Rabbin d’Angleterre et le Rabbin Abraham Levy, chef spirituel de la Communauté Espagnole et Portugaise de Londres.
Éloge
Le texte qui suit est la traduction de son éloge funèbre, prononcé par le Rabbin Jonathan Wittenberg, de la New North London Synagogue et élève de Louis Jacobs.
« Le Rabbin Louis Jacobs était un Ilouy , un prodige, un Gaon , un génie.
Doué d’une érudition sans limite, d’une mémoire légendaire, d’un talent pour expliquer simplement des arguments complexes et d’une inépuisable créativité dans ses écrits et ses discours, il a été, pour des générations d’étudiants, de fidèles et de collègues, un professeur et un maître exceptionnels.
Ses ouvrages, qui recouvrent quasiment toutes les disciplines du savoir rabbinique, en ont fait le maître de beaucoup d’autres.
Son engagement total dans la recherche de la vérité le laissait inflexible face à toute pression politique ou communautaire et face à toute censure qui aurait pu le détourner de sa quête.
Élevé dans le monde de la Yeshivah, qui restera à bien des égards sa patrie spirituelle et émotionnelle, il découvre au University College de Londres la critique historique. Il comprend rapidement que ces nouvelles méthodes de recherche imposent une révision de l’interprétation traditionnelle concernant l’origine de la Torah.
Il croyait encore profondément en la ″Torah du Ciel". Seulement, disait-il, tout dépend du sens donné à ″du″. La Torah n’est pas tombée du ciel, elle a, elle aussi, une histoire ; c’est une réalité que l’on ne peut nier et à laquelle il faut se confronter.
D’autres peut-être ont pu compartimenter la connaissance ou en ignorer les implications ; pour Rabbi Jacobs, cela relevait de la malhonnêteté intellectuelle et représentait une offense faite à l’intégrité.
C’est ainsi que sa vie est devenue une recherche courageuse en vue de concilier le monde de l’enseignement traditionnel et les acquis de la science moderne.
″Mon hypothèse de travail″ écrit-il “a été de considérer le Judaïsme comme une quête en m’appuyant sur l’idée que la quête de la Torah fait partie de la Torah elle-même″.
Rabbi Jacobs a vécu toute sa vie selon les règles de l’orthodoxie . Mais la sienne, était l’orthodoxie progressiste de la tolérante communauté juive anglaise qu’il aimait.
Fonder un mouvement nouveau n’a jamais été son but. Il parlait plutôt de créer dans la communauté juive anglaise, une sorte d’ambiance conciliant une pratique traditionnelle définie par une interprétation sensible et historiquement fondée de la halakhah, avec une approche non fondamentaliste de la Révélation et des textes sacrés.
Il souhaitait que le monde orthodoxe reconnût non seulement la justesse de sa position mais, plus important encore, l’inévitable nécessité d’affronter les questions auxquelles lui, mais non ce monde-là, avait le courage de se mesurer.
Sa nomination au poste de directeur du Jews’ College bloquée, le retour à sa chaire au New West End refusée..., exclu d’un monde qu’il aimait et qu’en toute logique il aurait dû diriger, n’empêchent pas Rabbi Jacobs de poursuivre son travail : le nombre de ses étudiants augmente sans cesse, sa créativité ne connaît pas de limite, son humour garde toute son acuité.
Il fonde la New London Synagogue où il travaille avec passion pendant quarante ans et dont il fait l’avant-garde de sa philosophie.
Il a été le chef spirituel du Mouvement Massorti anglais.
Le vote populaire qui lui attribue le qualificatif de "plus grand Juif Anglais après le Retour″, a été un moment d’affirmation de la vérité, de l’intégrité et de l’amour de la Torah.
Yechi Zichro Baruch - que sa mémoire soit bénie. »
Bibliographie partielle
Louis Jacobs est un auteur passionnant et de très haut niveau. Il a écrit énormément. Voici quelques titres :
Disponibles en français
- Un livre a été publié chez Verdier sur la mystique de rabbi Zalman de Lyadi (fondateur de Habad ). Mais il est épuisé.
- La religion sans déraison a été publié en 2011 chez Albin Michel http://www.massorti.com/La-religion... Voir également l’article sur ce livre http://www.massorti.com/La-religion...
- A Tree of Life, Diversity, Flexibility and Creativity in Jewish Law
Un arbre de vie, une histoire de la Halakha
Résumé en français du livre écrit par le rabbin anglais Louis Jacobs
En anglais
- We Have Reason To Believe : Some Aspects of Jewish Theology Examined in the Light of Modern Thought
- The Talmudic Argument : A Study in Talmudic Reasoning and Methodology
- The Book of Jewish Belief
- Books Of Jewish Values
- Jewish Law
- Hasidic Prayer
- Jewish Ethics, Philosophy and Mysticism
- God, Torah, Israel : Traditionalism Without Fundamentalism
- Theology in the Responsa
- Holy Living : Saints and Saintliness in Judaism
- Jewish Thought Today
- The Jewish Mystics
- A Jewish Theology
- Studies in Talmudic Logic and Methodology
- Rabbinic Thought In The Talmud
- Beyond Reasonable Doubt
- The Jewish Religion : A Companion
- Structure and Form in the Babylonian Talmud
Des dizaines sont encore sur le marché en anglais.
http://www.amazon.fr/Livres-anglais...
Anecdote
Louis Jacobs était réputé pour son humour, il aimait à raconter :
On demande à un rabbin : ’Pourquoi mangeons nous du Kugel à Shabbat ?’ Il répond : Parce que la valeur numérique de Kugel est la même que la valeur numérique de Shabbat !’
Cependant si l’on additionne les lettres de Shabbat (shin = 300, bet = 2, tav = 400 soit un total de 702) et qu’on le compare au total de Kugel (kuf = 100, vav = 6, guimmel = 3, lamed = 30 soit un total de 139) il est est clair que les deux mots n’ont pas du tout la même valeur numérique et que la valeur numérique de Shabbat est bien plus importante que celle de Kugel !
Alors quelle est la solution ? Il faut manger encore plus de Kugel !
Liens
Article sur ce site
http://www.massorti.com/La-Torah-en...
New London Synagogue
(La synagogue des Beatles qui y vinrent pour la cérémonie à la mémoire de leur impresario et se trouve Abbey Road à 100m des fameux studios)
Louis Jacobs’ Library
La prestigieuse bibliothèque à Oxford a hérité des 14.000 volumes de Louis Jacobs.
http://www.ochjs.ac.uk/library/news.html
Le site qui lui est consacré contient beaucoup d’info sur son œuvre remarquable