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Une route sans retour

Une route sans retour

Parashat shoftim -

Dans le passage consacré à la nomination des rois d’Israël, notre parasha   décrit les obligations du roi, et parmi elles l’interdiction de multiplier les achats de chevaux, de crainte qu’il fasse repartir le peuple en Egypte.

Le verset précise (Deutéronome, 17, 16) : "car l’Eternel vous a dit de ne pas ajouter en retournant encore par cette route".

Ce commandement est répété trois fois dans la Torah : dans le livre de l’exode, tout d’abord, au moment de la traversée de la mer rouge, Moïse balaye les craintes du peuple en leur affirmant qu’ils ne verront plus jamais les Egyptiens. Dans le passage des malédictions qui se trouve à la fin du Deutéronome et que nous liront dans deux semaines, Dieu menace le peuple d’Israël de les ramener en Egypte "par la route dont je t’avais dit que tu ne verrais plus".

Cette interdiction de retourner sur nos pas est confirmée par le leitmotiv qui revient comme un refrain sur les lèvres des différents révoltés du désert qui prônent à chaque fois le retour en Egypte et vers ses richesses comme solution aux problèmes rencontrés.
Comment peut-on comprendre ce commandement ? Les maîtres du Talmud   l’ont interprété de manière très littérale : dans le traité Soukka, ils nous décrivent en détail la gloire de la communauté d’Alexandrie au faîte de son développement. Puis ils racontent la manière sauvage dont elle a été entièrement détruite au temps des Romains, en précisant que cette destruction était la conséquence de la transgression de ce commandement trois fois répété. Cependant, cette lecture littérale parait limitée.

Si la Halakha  , la Loi, interdit en toute lettre de retourner habiter en Egypte, les voies pour assouplir cette prohibition sont nombreuses. Lorsqu’il rédige son livre de loi, le Mishné Torah, Maimonide   réside justement en Egypte et, tout en rappelant le principe, il donne ensuite une série de possibilités justifiant un retour "provisoire" en Egypte.
Une autre interprétation de ce commandement nous est donnée par Nahmanide   : il fait le rapprochement avec un autre commandement, du Lévitique, nous demandant de ne pas nous comporter à l’imitation des actes de la terre d’Egypte ou de ceux de la terre de Canaan. Or, constate Nahmanide  , les habitants de Canaan ont été massacrés et chassés, et ainsi il n’y a plus de risque de les imiter. Mais en ce qui concerne l’Egypte, il faut une interdiction particulière d’habiter avec eux de crainte que les Juifs imitent leurs mœurs. La encore, l’interprétation de l’interdiction du retour par la route d’Egypte paraît un peu étroite, vu les changements historiques qui se sont produits. Les Egyptiens d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes, ni du point de vue des origines ethniques, ni du point de vue des mœurs. Cela explique sans doute pourquoi Maimonide  , comme de nombreux autres sages   avant ou après lui, on pu vivre là-bas sans problèmes.

Peut-on trouver à ce commandement de l’interdiction de retourner en Egypte une interprétation plus adaptée à notre époque ? Sur le plan symbolique, il nous semble que l’interdiction de retourner par la même route se relie à une constante du Judaïsme, le fait que nous croyons dans le développement de l’histoire. Pour le Juif, le monde est orienté par son histoire, et cette histoire participe d’un plan divin qui, globalement, peut se résumer dans une ligne, parfois droite, parfois sinueuse, mais qui en permanence avance, reliant la création, briat haolam, à la rédemption, haguéoula. Nous ne pouvons connaître le point de départ, si ce n’est par l’écho du Sinaï, et nous devinons à peine le but, plongé dans les brouillards des allusions et des interprétations. Mais ce qui est certain, c’est que nous allons en permanence de l’avant, chaque génération rajoutant son propre maillon à la chaîne, pour reprendre l’expression du professeur André Neher.

Au niveau individuel, comme au niveau collectif, il n’y a pas de place pour les retours en arrière. De même qu’il fallait quitter Sodome sans jeter un regard en arrière, il faut quitter la matrice égyptienne sans espoir de retour. La sortie d’Egypte est comme l’accouchement du peuple d’Israël, et une fois que l’enfant est né, il ne peut qu’aller de l’avant et se développer. Nous devons bien sûr garder un œil sur notre passé, afin si possible d’en tirer des leçons. Mais tenter d’y retourner est un déni de tout ce qu’est, fondamentalement, le Judaïsme. La route est sans retour, car elle nous mènera, d’une façon ou d’une autre, vers l’avenir qui nous attends et que nous devons aborder sans crainte et avec confiance.

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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