Cette coutume est signalée dans la Torah au milieu de lois sur les premiers nés des animaux qui devaient être consacrés au Temple et sacrifiés :
Nombres : chap 18
15 Tout premier fruit des entrailles d’une créature quelconque, lequel doit être offert au Seigneur, homme ou bête, sera à toi. Seulement, tu devras libérer le premier-né de l’homme, et le premier-né d’un animal impur, tu le libéreras aussi. 16 Quant au rachat, tu l’accorderas à partir de l’âge d’un mois, au taux de cinq sicles d’argent, selon le sicle du sanctuaire, valant vingt ghêra. 17 Mais le premier-né de la vache, ni celui de la brebis, ni celui de la chèvre, tu ne peux les libérer : ils sont saints. Tu répandras leur sang sur l’autel, tu y feras fumer leur graisse, combustion d’odeur agréable à l’Éternel, 18 et leur chair sera pour toi : comme la poitrine balancée et comme la cuisse droite, elle t’appartiendra.
L’idée est à la fois simple : les prémices des choses ne nous appartient pas et doivent être consacrées ; mais difficile : un fils ainé n’appartiendrait pas à ses parents et aurait un rôle particulier à tel point que les parents doivent le "racheter". On sait que dans l’Antiquité les premiers nés mâles avaient un rôle particulier et représentaient un enjeu majeur et cela dans la plupart des cultures. Dans la culture biblique, le premier né a double part d’héritage, il est censé diriger le clan ou la famille (d’où les nombreux épisodes de luttes autour du droit d’ainesse dans le récit biblique) et surtout il était censé être consacré à Dieu afin de servir au Temple mais fut déchu de ce privilège par l’institution des cohanim (prêtres de père en fils descendant d’Aaron).
Ce droit d’ainesse est théoriquement inaliénable :
Deut. 21
15 Si un homme possède deux femmes, l’une qu’il aime, l’autre qu’il dédaigne ; si l’une et l’autre lui donnent des enfants, et que le fils premier-né se trouve appartenir à la femme dédaignée, 16 le jour où il partagera entre ses fils l’héritage de ce qu’il possède, il ne pourra point conférer le droit d’aînesse au fils de la femme préférée, aux dépens du fils de la dédaignée qui est l’aîné. 17 C’est le fils aîné de la dédaignée qu’il doit reconnaître pour tel, lui attribuant une part double dans tout son avoir ; car c’est lui qui est le premier fruit de sa force, à lui appartient le droit d’aînesse.
Le rôle particulier des premiers-nés s’exprime également dans le récit de la sorti d’Egypte avec la dixième plaie qui est la mort des premiers nés
Exode chap. 13
11 "Lorsque l’Éternel t’aura introduit dans le pays du Cananéen, selon ce qu’il a juré à toi et à tes pères et qu’il te l’aura livré, 12 tu céderas à l’Éternel toutes prémices des entrailles : tout premier-né des animaux qui t’appartiendront, s’il est mâle, sera à l’Éternel. 13 Le premier-né d’un âne, tu le rachèteras par un agneau, sinon tu lui briseras la nuque et le premier-né de l’homme, si c’est un de tes fils, tu le rachèteras. 14 Et lorsque ton fils, un jour, te questionnera en disant : "Qu’est-ce que cela ?" tu lui répondras : "D’une main toute puissante, l’Éternel nous a fait sortir d’Égypte, d’une maison d’esclavage. 15 En effet, comme Pharaon faisait difficulté de nous laisser partir, l’Éternel fit mourir tous les premiers-nés du pays d’Égypte, depuis le premier-né de l’homme jusqu’à celui de l’animal. C’est pourquoi j’immole au Seigneur tout premier-né mâle et tout premier-né de mes fils je dois le racheter. 16 Et il sera écrit comme symbole sur ton bras et comme fronteau entre tes yeux, que d’une main puissante l’Éternel nous a fait sortir de l’Égypte.
Exode chap. 34
19 Toutes prémices des entrailles sont à moi : tout ce qui, dans ton bétail, naîtrait mâle, premier-né de la vache ou de la brebis. 20 Le premier-né de l’âne, tu le rachèteras par un agneau, sinon tu lui briseras la nuque ; tout premier-né de tes fils, tu le rachèteras et ils ne paraîtront point devant moi sans offrande.
De facto, cette idée du rôle particulier du premier né est donc répétée à de nombreuses reprises mais aussi critiquée par le récit qui montre que dans de nombreux cas le cadet est plus important que l’ainé et qu’au bout du compte le premier né n’est pas celui qui sert dans le Temple, mais le cohen .
L’idée d’un premier né consacré qu’il faudrait racheter peut nous sembler étrange et même dépassée à notre époque, il n’empêche que la cérémonie du "rachat du premier né" ou "pidyon haben" existe et que nous la pratiquons. Nous restons convaincus qu’une telle cérémonie fait sens et que le fait d’être "premier né" n’est pas neutre et doit être marqué comme la tradition nous le demande.
Halakha :
Il s’agit d’une des 613 mitsvot. Elle incombe au père (comme la circoncision d’ailleurs), même si le statut de premier né dépend de la mère. Si le père est décédé, le Beit Din agit en son nom.
Est considéré comme premier né pour le rachat tout fils ainé né de façon naturelle (à l’exclusion d’une naissance par césarienne) du fait de l’expression "ouverture d’utérus" (Exode 13.2). Il s’agit du premier né d’une femme (même si le père doit faire la cérémonie du pidyon) et donc si un homme a eu un fils d’un premier mariage, le premier né d’une nouvelle union est concerné (YD 305.1). Par contre si la mère a déjà eu des enfants, même si ce fils est le premier pour son père, il n’a pas le statut de premier né. De même si la mère a eu une fausse couche ou a pratiqué un avortement (sauf si cela s’est passé dans les 40 premiers jours de grossesse).
Le premier né d’un Cohen ou d’un Lévi n’est pas concerné puisque "consacré" de toute façon. C’est également le cas si la mère est fille de Cohen ou de Lévi.
La cérémonie ne doit pas avoir lieu avant le 30e jour de l’enfant (afin qu’il soit considéré comme viable). On a donc coutume de faire le pidyon le 31e jour durant la journée (sauf le Shabbat ou Yom Tov qui obligent à repousser au soir ou au lendemain).
Pour faire la cérémonie, on utilise soit des pièces en argent véritable, soit des ustensiles en argent d’au minimum 96 grammes (le but étant d’avoir l’équivalent symbolique de la somme des 5 shekels bibliques). A défaut d’argent véritable, on peut le faire avec tout objet de valeur, mais pas avec de la monnaie papier (billets de banque).
Déroulé de la cérémonie
Cette cérémonie est l’occasion d’offrir une belle collation (seoudat mitsva) et doit avoir lieu normalement au milieu de ce repas.
Le père prend son fils et vient devant le Cohen et l’informe que son fils est un premier né et lui donne la somme d’argent véritable. Il dépose l’enfant devant le Cohen et déclare :
« Mon épouse juive a mis au monde mon premier-né. Cet enfant est notre fils, notre premier-né. Il a ouvert la matrice de sa maman. Le Saint béni soit-Il a ordonné de le racheter, ainsi qu’il est dit : "à l’âge d’un mois il sera racheté, au prix de cinq sicles d’argent, soit vingt guéra" (Nombres 18,16). Et aussi : « Consacre-Moi tout premier-né né d’une matrice, parmi les enfants d’Israël, homme ou animal car ils M’appartiennent » (Exode 13,2).
Le cohen prend l’enfant dans les bras et demande aux parents :
« Que préférez-vous ? Me remettre votre fils premier-né ou le racheter au prix de cinq sicles comme l’exige la Tora ? »
Les parents répondent :
« Nous désirons racheter notre fils et voici la somme de son rachat exigée du père par notre Tora ! »
Les parents prennent les cinq sicles (ou un objet de valeur équivalente ou supérieure, tel un bijou) qu’ils placent sur un plateau que le père tend au cohen . Avant de les lui remettre, ils prononcent les bénédictions :
Tu es source de bénédiction, Éternel notre Dieu, Souverain du monde, Toi qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné de racheter le premier-né.
Baroukh ata Adonaï, èlohéinou mèlèkh ha-ôlam, achèr kidechanou be-mitsvotav ve-tsivanou âl pidion ha-bèn.
Tu es source de bénédiction, Éternel, notre Dieu, Souverain du monde, Toi qui nous as permis de vivre, de subsister et de parvenir jusqu’à ce jour.
Baroukh ata Adonaï, èlohéinou mèlèkh ha-ôlam, ché-héhéyanou, ve-kiyemanou, ve-hi-giânou, la-zeman ha-zè.
Le cohen rend alors l’enfant à la mère. Le père remet au cohen le plateau contenant les cinq sicles. En le plaçant au dessus de la tête de l’enfant, le cohen dit :
Ceci en compensation de cela, cet enfant en échange de ce présent. Que cet enfant entre dans la vie, dans l’amour de la Tora et le respect de Dieu. Que ce soit Ta volonté que cet enfant qui vient d’être racheté accède à l’étude de la Tora, au mariage sous la Houppa et accomplisse de bonnes actions tout au long de sa vie !
Le cohen impose les mains sur la tête de l’enfant et le bénit :
Que Dieu te bénisse comme le furent Ephraïm et Menassé !
Que Dieu te bénisse et te protège !
L’Assemblée : Amèn !
Que Dieu éclaire Sa face vers toi et te gratifie !
L’Assemblée : Amèn !
Que Dieu tourne Sa face vers toi et t’apporte la paix !
L’Assemblée : Amèn !
Cantique des degrés. Heureux celui qui craint l’Éternel, qui marche dans Ses voies ! Oui, le produit de ton travail, tu le mangeras ; tu seras heureux et le bien sera ton partage. Ta femme sera comme une vigne féconde dans l’intérieur de ta maison ; tes enfants, comme des plants d’olivier, autour de la table. Voilà comment est béni l’homme qui craint l’Éternel !
Que l’Éternel te bénisse depuis Sion, et puisses-tu voir le bonheur de Jérusalem, tout au long de ta vie ! Puisses-tu connaître tes petits-enfants et voir la paix régner sur Israël (Psaume 128).
(ces extraits du rite viennent du siddour massorti de semaine édité par le rabbin Rivon Krygier)
Le Cohen fait ensuite une bénédiction sur une coupe de vin et le repas continue.
En général, le Cohen après la cérémonie rend au père les pièces ou l’objet utilisé pour le pidyon. Mais on donnera une somme d’argent à la synagogue ou à la tsedaka à cette occasion.