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Tsav - élévation par le rite

Tsav - élévation par le rite

Réflexion sur le Olah

« Voici la Torah de l’élévation : c’est l’élévation à partir de son foyer sur l’autel, toute la nuit jusqu’au matin, et le feu de l’autel brûlera en lui » (Lévitique 6,2).

Le mot Olah en hébreu est généralement traduit par un mot d’origine grec, « holocauste », qui signifie : « brûlé en entier ». Cela est effectivement le cas, puisque la Olah était un sacrifice qui devait être entièrement brûlé sur l’autel.

Mais le terme hébreu nous renvoie à une autre signification : celle de l’élévation. La modalité de cette élévation pour l’animal immolé était bien le fait qu’il monte en fumée vers le ciel. Autrement dit, qu’il se transforme et change radicalement de forme et de mode d’existence pour s’élever vers une nouvelle forme de vie entièrement consacrée à la Transcendance. Comme une sublimation vers le divin.

Mais attention : cet acte réel accompli par le prêtre était un acte rituel, symbolique. Il ne s’agissait pas d’affirmer que l’animal ainsi consacré devenait divin ! Aharon le prêtre serait alors retombé dans les égarements du veau d’or, cet animal brillant comme un feu que le peuple avait pris pour un dieu, pour la médiation par excellence qui seule pouvait le mener à la Transcendance et remplacer Moïse et ses exigences.

La médiation rituelle ne peut donc être réelle que parce qu’elle est symbolique, et renvoie dans le plein qu’elle donne à voir à un vide et une absence qui nous interpelle et nous demande à … nous élever nous aussi par-delà l’évidence de ce qui est vers l’interpellation et l’appel de ce qui n’est pas mais exige à travers nous d’advenir.

Car cette élévation rituelle nous rappelle que nous aussi, nous devons par le rite et le symbole, élever quotidiennement le quotidien par-delà sa platitude vers les sommets de la rencontre avec la Transcendance.

Autrement dit, il n’y a pas de geste futile, d’acte vain : tout instant demande de nous élévation et attention, rigueur et amour, patience et passion. Mais cette élévation vers l’humain par et à travers nos actes, n’est jamais une divinisation : l’élévation se fait toujours à partir du foyer physique qui la porte et à partir duquel elle peut s’élancer. C’est pourquoi la fin du verset nous rappelle que le feu doit sans cesse brûler sur l’autel, à partir de l’autel, et ainsi nous aider à traverser la nuit de notre déréliction : lorsque la lumière se fait rare, et même exceptionnelle, parce que la nuit et ses rapines ont envahi le monde entier, alors il faut préserver cette flamme de l’autel où nous apprenons la dure discipline d’élever chaque acte vers un sens qui s’y cache et qu’il ignore, vers la fragile présence d’une Face qui nous attend et qui attend cette élévation pour donner sens et lumière au monde.

Yedidiah Robberechts

La Torah au temps du corona (3)

« Tsav » (Lévitique, ch. 6, 7 et 8)

Corona Torah serait la latinisation de Keter Torah, « La couronne de la Torah », expression qui, entre autres usages, donne son titre à un long poème de Isaachar Bär ben Judah Carmoly, rabbin   alsacien du 18è siècle, pur génie quant à l’érudition, l’intelligence et la créativité.
Keter, dans l’arbre de vie kabbalistique, est la plus élevée des sephirot et celle qui porte le plus haut degré d’abstraction. Irréelle telle … un virus.
Bref, il n’est pas vain de saisir le moment pour considérer le texte toraïque de la semaine et voir ce qu’il nous fait lire/entendre quant à notre présent pandémique et confiné.

Notre parasha  , « Tsav » (Lév.   6, 7 et 8), la deuxième du « Lévitique », troisième livre du Pentateuque, traite en détail des offrandes sacrificielles dans la continuité de la parasha   précédente. Aaron et ses deux fils sont mis de l’avant puisque ce sont eux qui, en tant que prêtres, seront en charge de ces rites lorsque le Tabernacle   sera inauguré. Moïse procède à un rituel purificateur minutieux, incluant des offrandes sacrificielles, afin de les préparer à ces tâches délicates. Mais un élément intriguant vient clore le texte :
« 33 Vous [Aaron et ses fils] ne quitterez point le seuil de la Tente d’assignation durant sept jours, jusqu’au terme des jours de votre installation : car votre installation doit durer sept jours. 34 Comme on a procédé en ce jour, l’Éternel a ordonné qu’on procède encore, pour achever votre propitiation. 35 Vous demeurerez à l’entrée de la Tente d’assignation, jour et nuit, durant sept jours, et vous garderez l’observance du Seigneur, afin de ne pas mourir : car tel est l’ordre que j’ai reçu. » (Lév.   8, 33-35, Bible du Rabbinat)
Sur l’intrigue de ces 7 jours, une première explication avance un motif pédagogique : le temps était nécessaire pour que les Cohanim   étudient, apprennent et intègrent les règles à appliquer dans leur service – pour « garderez », le verbe hébreu chomer renvoie à l’étude de la loi orale. Rashi   énonce une autre explication en rappelant que le Cohen   Gadol s’éloigne de sa famille pendant 7 jours avant Yom Kipour et que le prêtre à qui revient de brûler la vache rousse fait de même. Une retraite spirituelle, en somme, aux effets purificateurs.
Un troisième éclairage, plus dramatique, provient du Midrash   et prend une signification pressante en cette période de confinement. Ces 7 jours correspondent à la période de shiva  , les 7 jours de deuil suivant le décès d’un parent. « Afin de ne pas mourir » dit le texte mais la possibilité existe donc et ces 7 jours anticiperaient l’éventualité. La parasha   suivante, « Chemini », nous apprendra que la crainte était fondée puisque les deux fils d’Aaron mourront, suite au « feu profane » (une offrande d’encens impropre) apporté « devant le seigneur » (Lév.   10, 1).
Cette troisième interprétation met en place ce qu’on appellerait aujourd’hui le respect du « principe de précaution », principe que le gouvernement français aurait appliqué avec plus ou moins de vigueur en regard du manque de masques protecteurs et que le texte toraïque viendrait suggérer avec d’autant plus de force qu’il le fait dans le cadre solennel de l’inauguration du Tabernacle  . De même qu’Aaron et ses fils ne doivent pas quitter la Tente d’assignation, nous ne devons pas quitter notre maison « afin de ne pas mourir ». Dans une semaine la Haggadah dressera une autre analogie : à l’instar des Hébreux pendant la nuit de Pessah lorsque passe l’Ange de la mort.
Ne pas mourir, c’est-à-dire vivre. Le principe de précaution est avant tout un principe de vie qui se traduit également en un principe de responsabilité dont l’élaboration conceptuelle est due au philosophe juif Hans Jonas qui a tenté de penser à la fois Auschwitz, la technique et l’écologie. Une éthique qui résonne avec celle d’Emmanuel Lévinas et qui engage le sujet à agir pour l’autre et pour l’avenir, les deux impératifs qui guident la lutte contre la pandémie. Une responsabilité comprise non pas comme l’application d’un contrat (je suis responsable et donc je dois/peux me racheter en cas de faute, par exemple avec un sacrifice selon une compréhension non juive) mais l’exercice d’une liberté.
Il est évident que la crise sanitaire concerne toute l’humanité mais sur les réactions à adopter, le judaïsme a développé une conscience plus que jamais pertinente. S’il s’agit d’observer une période de retraite afin d’inaugurer un monde d’après où le vivant aura chassé la mort, nous le ferons.
Prenez soin de vous, prenez soin des autres, soyons unis par le cœur et l’esprit, soyons vaillants pour préserver la lumière du judaïsme et de la paix.

Alexis Nuselovici,
Président, Or Chalom

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