La véracité scientifique d’une théorie ou d’une autre, entre celle de la création et celle de l’éternité du monde, relève du débat contemporain et n’est pas encore totalement tranché.
Il ressort de ces deux possibilités différentes, deux conceptions différentes du temps.
Celle des Grecs est circulaire. Le temps ne mène nulle part. Le monde est inerte et immuable. Rien ne sert d’essayer de le changer. L’homme tel Sisyphe est soumis à un travail absurde et à une existence qui n’a aucun sens. Le sage et le philosophe accepterons cela et mourons comme ils ont vécu, sans états d’âme. L’esclave demeurera esclave, l’homme libre demeurera libre. Tout est question de destin et de chance.
La conception juive du temps, du fait du récit de la création, est linéaire. Le monde part d’un point zéro pour arriver forcément quelque part. Dans l’utopie juive, ce quelque part s’appelle le messianisme.
De ce fait, le monde a un sens. L’existence humaine est susceptible de compléter ce sens et de changer le monde.
Chaque être humain reçoit en partage une petite plage de la linéarité du temps. Il doit choisir ce qu’il fait de ce temps. Il peut le subir en pensant qu’il n’arrivera nulle part et c’est alors comme s’il reculait sur la ligne du temps. Il peut choisir d’avancer, de s’améliorer, d’emplir sa vie de sens ; il avancera alors sur la linéarité du temps et s’il est doué et fait beaucoup d’efforts, il pourrait même emplir la plage de son temps de plus de sens qu’on pouvait le supposer.
Dans cette conception juive, le monde est toujours en mouvement vers quelque part. Il est du devoir de l’homme de chercher à le faire avancer. L’homme a le pouvoir de changer les choses et doit tout faire pour y parvenir. Pas de fatalisme, ni de destinée. L’esclave peut être libéré, la mer infranchissable peut être franchie, le désert traversé…
Chaque tranche de vie, si elle est pleine de sens, me rapproche du messianisme. Tout dépend de moi, de mes efforts, de ma volonté.
Personne ne peut trancher sérieusement à savoir si la conception juive est plus scientifique ou plus vraie que la conception grecque. Mais il est clair que la conception juive est autrement plus porteuse et plus intéressante.
Le récit de la création du monde ne vient pas nous raconter comment le monde a été créé, il n’est pas un récit scientifique mais un mythe. Ce mythe change totalement la destinée de l’humanité et donne à ma vie un sens tout différent que celui que les Grecs et la plupart des philosophes, malgré toute leur intelligence, voudrait me laisser en partage.
C’est bien ce que Maïmonide affirme, malgré son immense admiration pour les philosophes, quand il met en avant la conception juive de la création du monde en affirmant que sur ce point les philosophes se trompent. Comme ce point demeure fondamental, Maïmonide , malgré toutes les idées philosophiques et tous les doutes qui purent l’assaillir, resta un juif, un rabbin , nourri de l’espérance de voir changer le monde.
Yeshaya Dalsace