Il faut ajouter que l’Angleterre ayant connu un des plus grands empires au monde, la vie de la communauté juive anglaise fut fortement influencée par l’histoire de l’empire.
Avant le moyen-âge :
On sait que dans le reste de l’Europe des juifs pénétrèrent à la suite de l’armée romaine. On peut donc supposer que des juifs vinrent également s’installer jusqu’aux confins de « Britannia ». Cependant, les premières traces historiques de communautés juives ne datent que de la conquête normande en 1066. Il faut savoir qu’à l’époque de Guillaume le conquérant, la présence juive en Normandie était relativement importante.
Moyen-âge :
Les nouvelles perspectives économiques qu’offrait le grand royaume normand attirèrent des juifs d’assez loin (Italie et Allemagne notamment).
Dès le 12e siècle on trouve trace de communautés juives organisées dans toutes les grandes villes d’Angleterre. Il faut dire que les souverains normands menaient une politique particulièrement libérale vis-à-vis des juifs. Ils bénéficiaient d’une totale protection royale et étaient considérés comme la propriété personnelle du roi. Faire du mal aux juifs était donc atteindre le roi lui-même.
Cependant, l’Angleterre du 12e siècle plonge dans des luttes intestines. Les besoins financiers des différents partis sont lourds et les juifs deviennent une source de revenus indispensable. On commence alors à les pressurer d’impôts et de taxes diverses qui bien évidemment se répercutent sur le reste de la population et sur l’image des juifs auprès d’elle.
Par ailleurs, l’Angleterre n’échappe pas à la montée en puissance d’un christianisme fanatique qui accompagne le mouvement des croisades dans toute l’Europe.
Accusations mensongères de crime rituel :
En 1144 survient la première accusation de meurtre rituel de l’histoire, à Norwich en Angleterre. Au moment de la pâque on retrouve un jeune enfant mort et les juifs sont accusés de l’avoir tué pour prendre son sang. Ils seront protégés par les pouvoirs publics mais le jeune garçon dénommé William sera considéré comme un saint dont le culte sera très populaire pendant longtemps. Ses restes seront enterrés dans la cathédrale de Norwich.
Il est intéressant de constater que si l’église catholique est totalement revenue sur cette histoire, on trouve encore la version du meurtre rituel largement diffusée sur des sites islamiques.
http://news.stcom.net/modules.php?n...
Cependant, la présence de juifs en Angleterre continue à prospérer malgré les très lourdes taxes que le royaume impose (mais c’était à l’époque la situation dans toute l’Europe). On pense même que la conquête de l’Irlande en 1170 aurait été financée par un juif de Gloucester.
En 1182 Philippe Auguste roi de France expulse les juifs de son royaume qui se réfugient chez le voisin anglais.
La vie des juifs n’était pourtant pas facile. Ils subissaient de fortes restrictions. Par exemple il n’avait le droit d’enterrer leurs morts qu’à Londres et devaient donc faire un long voyage pour chaque inhumation.
Le véritable tournant arrive dès le début du règne de Richard 1er Cœur de Lion en 1189. Les juifs de Londres sont violemment pris à parti lors du couronnement et la communauté et saccagée. La participation du roi à la troisième croisade en 1190 augmente encore la tension et de nombreuses émeutes antijuives éclatent dans tout le pays. Ces émeutes sont souvent fomentées par la noblesse locale lourdement endettée auprès des juifs afin de ne pas avoir à rembourser ses dettes. Une série de conversions forcées de juifs au christianisme commence à apparaître.
Le drame d’York 16 mars 1190 :
Les Juifs d’York, quand ils voient les émeutes s’approcher d’eux, se réfugient dans le château royal. Ils sont 500 environ. A leur tête se trouve un élève de Rabénou Tam, Yom Tov de Joigny. Les insurgés font le siège du château. Pendant quelques jours, les Juifs d’York se battent contre leurs assaillants chrétiens. Sans nourriture, mal armés, ils se résolvent à se donner mutuellement la mort pour ne pas mourir des mains de leurs ennemis. Quand la populace pénètre dans le château, tout n’y est que silence. Les rares personnes qui ont accepté de se convertir pour échapper à la mort sont quand même égorgées. L’épilogue du massacre d’York fut qu’une fois les Juifs tués, les assaillants se rendirent à la Cathédrale et y brûlèrent toutes les reconnaissances de dette. Cet épisode marquera fortement les imaginations.
La situation des juifs ne cesse alors de se dégrader. D’un côté, ils sont sujets à la haine religieuse, de l’autre ils sont perçus par le roi et la noblesse comme une source inépuisable de revenus. Les taxes s’ajoutent aux taxes. C’est un cercle vicieux qui oblige les juifs à augmenter le taux de leurs prêts et à pressurer à leur tour le petit peuple tout en concentrant sur eux-mêmes la haine populaire en la détournant de la noblesse. Le scénario classique fonctionna parfaitement bien en Angleterre.
Les règles de ségrégation promulguées par le Pape au concile de Latran en 1215, furent bien entendu appliquées en Angleterre. Les juifs portent désormais un signe distinctif cousu sur le vêtement.
Les confiscations et les accusations mensongères se multiplient. Les juifs commencent à fuir, on leur interdit de sortir du pays ! Les juifs demandent officiellement à partir, le roi le leur refuse. Il tient trop à garder sous sa coulpe une communauté monnayable à merci et qu’il considère comme sa propriété personnelle.
En 1263, la révolte des barons s’en prend bien évidemment aux juifs.
En 1275 le roi Édouard 1er interdit le prêt d’argent aux juifs. Ceux-ci perdent tout moyen de subsistance. Le commerce leur est interdit car ne faisant pas partie des guildes, l’agriculture également… les juifs sont réduits à la misère et se voient contraints de prêter en cachette, risquant ainsi leur propre vie. À Londres par exemple, 293 juifs sont pendus pour avoir pratiqué l’usure !
En 1282 l’évêque de Canterbury fait fermer toutes les synagogues de son diocèse.
L’expulsion
En 1290, le jour du 9 Av, les juifs sont expulsés du royaume d’Angleterre. Ils n’ont même pas le droit de vendre leurs maisons confisquées par la couronne royale. On estime de 20 000 à 40 000 le nombre des expulsés, contraints de partir dans des conditions dramatiques, spoliés et parfois même noyés en route. Sur de nombreux bateaux, l’équipage les dévalise et les jette par-dessus bord.
Jusqu’au retour des juifs, en 1656, il n’y aura plus de communauté juive en Angleterre. Seuls quelques individus y seront signalés.
A partir de 1540, des réfugiés de l’Inquisition portugaise s’installèrent à Londres et à Bristol.
Comme les Marannes d’Espagne, ils vont à l’église mais continuent à pratiquer le judaïsme dans une demi-clandestinité. Le cas de la famille Anes est particulièrement édifiant. Anes était négociant en épices et fut nommé fournisseur de la Reine Elizabeth 1ère. Son gendre, le docteur Rodrigo Lopes, devint le médecin de la Reine. Cependant, en 1594, le Dr Lopes fut accusé d’avoir voulu empoisonner celle-ci et fut exécuté à Tyburn. La couronne d’Angleterre tolérait ainsi une petite communauté Maranne à Bristol principalement. Cette communauté ira en grandissant au fur et à mesure de nouveaux apports de réfugiés fuyant les persécutions de l’inquisition et profitant des nouvelles opportunités d’un commerce maritime international naissant.
Le retour des juifs sous Cromwell
En 1655, rabbi Menasseh ben Israël, une personnalité marquante de la communauté juive d’Amsterdam, se rend à Londres pour rencontrer le Lord Protecteur, Olivier Cromwell, et lui demander de mettre un terme au bannissement des Juifs. Celui-ci va se montrer favorable à cette requête car il est convaincu, sur le plan économique, de l’influence positive que pourront avoir les commerçants juifs sur l’économie anglaise, et, sur le plan religieux, de l’importance des Juifs si l’on veut que les prophéties s’accomplissent et qu’advienne le "second royaume", l’un des fondements du courant millénariste, issu de la Réforme, auxquels se rattachent les Puritains (et que l’on retrouve actuellement chez les Chrétiens évangéliques). Cromwell va réunir une conférence à Whitehall, et les juges vont y décréter que rien ne s’oppose plus juridiquement à ce que les Juifs résident en Angleterre. Après un débat animé, Cromwell va autoriser, en 1656, les Juifs à se réunir pour prier et à disposer d’un cimetière.
Le phénomène resta relativement confidentiel. Ce fut en fait une reconnaissance d’une communauté Maranne qui existait déjà de facto. Le rétablissement de la monarchie anglaise en 1660 ne provoqua pas un retour en arrière. Cependant, le statut des juifs d’Angleterre demeure précaire. Différentes accusations resurgissent régulièrement. En 1689 on les contraint à payer un impôt spécifique. Le nombre de courtiers juifs est limité à la bourse de Londres.
La principale communauté juive anglaise était donc composée de Marannes entretenant des liens commerciaux à travers l’Europe et l’empire colonial naissant. C’était une communauté de commerçants aisés et influents.
En 1690 se forme également une petite communauté ashkénaze composée essentiellement de petits commerçants et de colporteurs.
Vers l’émancipation :
Au cours du 18e siècle, la communauté juive va considérablement augmenter. Principalement du fait de l’immigration à partir du continent. Des juifs ashkénazes sont désormais la majorité. Ils finissent par s’entendre avec la communauté sépharade.
De nombreux freins et difficultés sociales demeurent. En 1753 on assiste à une campagne antijuive. Certains juifs aisés choisissent d’élever leurs enfants dans le christianisme afin de leur éviter de trop nombreuses vexations. On impose désormais un serment à tous les officiers et hauts fonctionnaires « sur la foi chrétienne ».
Une pression de plus en plus forte se fait afin de convertir les juifs au christianisme, notamment auprès des juifs sépharades d’ascendance Maranne, plus sensibles à l’intégration sociale.
Le début du 19e siècle voit apparaître de grands débats sur l’émancipation des juifs. Cependant, l’Angleterre ne suit pas l’exemple de la France et ne mettra en place qu’une émancipation par étapes. La totale émancipation n’adviendra qu’en 1890.En 1845 on autorise les juifs à accéder à des fonctions municipales. En 1855, David Salomons devient lord-maire de Londres. En 1858, le baron Lionel de Rothschild devient le premier juif membre du parlement. En 1868, benjamin Disraeli devient premier ministre. Le très en vue de moïse Montefiore défend les droits des juifs dans le monde. Sir Nathaniel de Rothschild devait être élevé au titre de Baron en 1885, et Lord Reading (ex Sir Rufus Israel) nommé vice-roi des Indes en 1920.
Au cours du 19e siècle est apparue une classe juive bourgeoise et émancipé qui développera de grandes institutions juives libérales.
En 1841, paraît le premier numéro d’un journal de prestige existant encore aujourd’hui, le « Jewish Chronicle ».
Nouvelle expansion et intégration
Les pogroms de Russie de la fin du 19e siècle chassent de nombreux juifs vers l’Angleterre. La communauté passe de 65 000 membres en 1880 à 300 000 en 1914.
C’est à ce moment-là qu’apparaît un prolétariat juif yiddishophone venant peuple et des quartiers pauvres des nouvelles villes industrielles. C’est à cette époque que des communautés juives importantes virent le jour à Manchester et à Leeds.
Voir l’article sur Zangwill grand chroniqueur de ce monde juif immigré et pauvre http://www.massorti.com/Enfants-du-...
La vieille communauté juive anglaise ne voit pas d’un très bon oeil ces immigrants. Elle tente de les persuader de continuer leur route vers l’Amérique. On assiste également à un regain de l’antisémitisme et de la xénophobie.
Durant la guerre de 14, 50 000 juifs combattent dans les rangs britanniques.
En 1917, l’armée britannique conquiert la Palestine turque. Lord Balfour, ministre des affaires étrangères britannique, fait sa déclaration de soutien au sionisme. Le chef du mouvement sioniste Haïm Weizmann, est un juif anglais d’origine russe. Le ministre des affaires intérieures Lord Herbert Samuel, est un juif anglais de vieille souche qui ne cache pas sa sympathie sioniste.
Durant les années 30, des milliers de juifs allemands et autrichiens trouvent refuge en Angleterre. Le plus célèbre d’entre eux est Sigmund Freud.
Durant la deuxième guerre mondiale, des milliers de juifs d’origine allemande sont enfermés dans des camps et envoyés dans les colonies par crainte de l’espionnage.
À la fin de la guerre, les très fortes tensions et les attentats dans la Palestine mandataire provoquent des tensions parmi les juifs anglais. La Grande-Bretagne finira par reconnaître l’Etat d’Israël au mois de janvier 1949.
Aujourd’hui, la communauté juive est officiellement de 300 000 membres. C’est une communauté en voie d’assimilation et de diminution démographique. Mais c’est également une communauté extrêmement dynamique qui a su se forger des institutions prestigieuses. Elle est divisée en trois grands courants idéologiques : orthodoxes , Massorti et libéraux.
Yeshaya Dalsace
Musée juif de Camden très agréablement aménagé et qui possède de véritables trésors.(The Jewish Museum -129-131 Albert Street - Camden Town - London NW1 7NB )
http://www.jewishmuseum.org.uk/
Mouvement Massorti anglais
Journal Jewish Chronicle
Messages
très intéressant mémoire dur la judéité en Angleterre.
Lisant aujourd’hui un livre anglais policier, concernant un épisode navrant de vol d’une broche de joaillerie juive allemande, je me suis posée la question de l’Histoire des Juifs d’Angleterre.
Votre document m’a donné une réponse dont je vous sais infiniment gré.
Ch. C-B
Bonjour,
En fait je suis à la recherche du nom CHANDLER et LEE en Angleterre et me demande si le nom est d’origine juive merci.
Il ne faut pas oublier non plus que la loi anglaise de 1905 (Alien Act ou Loi des Étrangers) était essentiellement destinée à refouler les juifs qui arrivaient en masse de Russie, chassés par les politiques antisémites de Nicolas II. Les Français en accueillirent alors des centaines de milliers.