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La spécificité du dialogue judéo-chrétien dans le dialogue interreligieux

La spécificité du dialogue judéo-chrétien dans le dialogue interreligieux

Par le Pasteur Florence Taubmann -

Existe-t-il une spécificité du dialogue judéo-chrétien qui soit une spécificité a priori, une spécificité d’évidence ?

Si nous répondons rapidement à cette question, nous qui sommes ici ce matin, nous allons sans doute répondre par un « oui » enthousiaste et que nous voudrions communicatif. Jésus n’était-il pas juif ? Le christianisme ne vient-il pas du judaïsme ? Et ne sommes-nous pas la preuve vivante que le dialogue judéo-chrétien est spécifique ?
Ce faisant, nous risquons de prendre pour une évidence ce qui relève en réalité d’un choix, d’un travail intellectuel et d’un approfondissement spirituel. En effet, si le dialogue judéo-chrétien est devenu très spécifique pour nous, c’est en raison de notre investissement dans ce dialogue, lequel a pu être le fruit de raisons diverses et variées selon les personnes : raisons historiques, raisons religieuses, raisons familiales …

Il faut mentionner que pour beaucoup d’entre nous, la découverte de la Shoah, le questionnement qu’elle a entraîné sur la responsabilité historique des chrétiens et sur la responsabilité théologique du christianisme, ont joué un rôle majeur dans ce désir d’investissement dans le dialogue judéo-chrétien. Et en général notre façon à nous de vivre ce dialogue a été de nous plonger dans la découverte, l’écoute, la connaissance du judaïsme.

Donc bien souvent le dialogue judéo-chrétien est née d’une passion ou est devenu une passion, et donc nous devons toujours nous rappeler que la spécificité évidente qu’il a pour nous, il ne l’a pas forcément pour d’autres.

D’ailleurs l’expérience montre que l’argument de raison consistant à invoquer la judéité de Jésus et l’enracinement biblique et historique du christianisme dans le judaïsme suffit rarement à convaincre de la spécificité du dialogue judéo-chrétien qui ne veut pas en être convaincu, ou qui est persuadé du contraire.

Et les réticences peuvent provenir, soit d’une difficulté ou d’une peur face au judaïsme lui-même, soit plus largement d’un refus de s’ouvrir au dialogue avec les autres religions quelles qu’elles soient.

 Différentes attitudes chrétiennes face aux autres religions

Ceci nous renvoie donc en premier lieu à la question des attitudes chrétiennes devant les religions. Dans une conférence donnée il y a plusieurs années sur la relation du christianisme avec les autres religions, le Professeur de théologie André Gounelle répartissait les attitudes chrétiennes devant les autres religions en quatre catégories. Il peut être intéressant de les rappeler aujourd’hui :
 la première attitude est celle de ceux qui sont par principe hostiles à tout dialogue de type religieux. Le christianisme ayant pour eux le monopole de la vérité, sur le plan religieux seule la conversion est possible pour assurer le salut. Et il n’y a rien à recevoir des autres religions. Cette attitude correspond à la position traditionnelle des Eglises ; aujourd’hui les choses ont changé, mais ce point de vue existe encore, et il n’est pas que celui des intégristes. Il concerne aussi bien le judaïsme que les autres religions et peut d’ailleurs s’accompagner d’une grande tolérance envers les personnes. On peut qualifier cette position d’exclusiviste.

 la deuxième catégorie n’oppose pas les religions à la foi chrétienne, mais elle les traite en auxiliaires, en instruments préparatoires pédagogiques. Les religions sont donc subordonnées à la foi chrétienne, car sans le savoir elles sont en attente du Christ, ou bien elles sont visitées par lui de manière invisible. C’est ce type d’attitude que le christianisme a eu traditionnellement dans sa lecture du Premier Testament avec la théologie de l’accomplissement de l’ancienne alliance par la nouvelle. Mais il l’a encore, sinon vis à vis du judaïsme, du moins envers d’autres religions, l’idée étant que le christianisme seul offre la plénitude à ce qui reste inachevé chez les autres. Cette attitude peut être qualifiée d’impérialiste.

 la troisième catégorie considère que toutes les religions ont une valeur spirituelle propre et qu’elles révèlent toutes quelque chose de la réalité ultime. Il n’y a pas de monopole de la vérité. Mais cette attitude aboutit facilement, soit à une vision multiculturaliste qui génère un renoncement à l’universalisme, soit à une vision syncrétiste qui tend à la recherche d’une religion universelle. Cette attitude est relativiste.
 la dernière catégorie a une attitude pluraliste. Elle considère qu’il y a plusieurs révélations de Dieu, mais qu’elles ne sont pas sur le même plan et qu’il faut donc des critères, des normes pour les évaluer. Par exemple ce peut être la norme éthique. Et André Gounelle cite Albert Schweitzer pour qui la norme éthique valable pour toutes les religions était ce qui favorise la vie ou ce qui la détruit. Ou encore il évoque le théologien Paul Tillich, pour qui la religion générant le meilleur et le pire, le critère dévaluation de toute religion peut être sa capacité d’auto-critique et de réformation. Ce qu’il y a de fécond dans cette approche, c’est qu’elle ouvre le processus de dialogue interreligieux par ce travail d’élaboration de normes d’évaluation, au-delà duquel le dialogue est invité à se poursuivre.

 En quoi le dialogue judéo-chrétien est-il spécifique ?

Après ce rappel des attitudes chrétiennes face aux autres religions, il s’impose de creuser maintenant la spécificité du dialogue judéo-chrétien. Pour ceux qui pratiquent aujourd’hui ce dialogue, et a fortiori peut-être s’ils pratiquent d’autres dialogues interreligieux, cette spécificité est évidente à la fois pour des raisons positives et pour des raisons négatives.

Les raisons positives sont principalement :

 la (re)découverte de la judaïté de Jésus et tout ce que cela implique, c’est-à-dire un autre regard sur Jésus, sur les juifs, sur le judaïsme.
 le partage d’un Livre et donc d’une histoire, et la prise de conscience de leurs interprétations multiples. Il y a côté chrétien un réel engouement pour l’hébreu et tous les commentaires juifs qui proposent des lectures renouvelées des textes mais aussi une méthode inhabituelle dans nos milieux.
 la conscience que nous avons un même Dieu.

 une même vision du temps, entre création et rédemption, avec l’idée forte que l’homme est responsable dans l’entre-deux, c’est-à-dire dans l’histoire.

 le partage de valeurs communes avec la conscience qu’elles proviennent de sources communes.

Voici quelques-unes des raisons positives qui illustrent la spécificité du dialogue judéo-chrétien. On pourrait les développer plus largement bien sûr.

Mais il y a aussi des raisons négatives qui se situent principalement sur deux plans :

 le plan historique : depuis la naissance du christianisme et pendant 2000 ans, les relations ont été terriblement conflictuelles, et le christianisme parvenu au pouvoir a directement persécuté ou suscité des persécutions des juifs. Cette histoire mise à jour est accablante, d’autant plus que le lien entre antijudaïsme chrétien et antisémitisme est indéniable, même si ce dernier puise à bien d’autres sources et d’autres philosophies.

 le plan théologique : dès le Nouveau Testament la théologie chrétienne s’est construite contre le judaïsme, en systématisant l’opposition de la grâce à la loi, et en déclarant caduque l’Ancienne Alliance, désormais accomplie par la Nouvelle Alliance. La radicalisation de l’opposition entre la grâce et la loi a pu conduire au rejet du Dieu de la loi, qui est allé parfois, comme chez Marcion, jusqu’au rejet de l’Ancien Testament et à l’affirmation que judaïsme et christianisme sont deux religions différentes. Cependant que la théologie traditionnelle de l’accomplissement a toujours affirmé qu’il s’agissait du même Dieu.
Raisons positives comme raisons négatives montrent la spécificité du dialogue judéo-chrétien. A fortiori quand, côté chrétien, les raisons négatives se retournent pour déboucher, en se conjuguant avec les raisons positives, sur la repentance, la demande de pardon, et l’espérance de réconciliation avec le judaïsme.

 La reconnaissance du judaïsme par le christianisme

C’est ce mouvement qui a été entrepris depuis la fin de la seconde guerre mondiale, notamment avec la création de l’amitié judéo-chrétienne, mais également avec les travaux des différentes Eglises chrétiennes. (Nostra Aetate, Document Eglise/Israël de la Communion de Leuenberg) Et ce mouvement, qui a une forte portée éthique et spirituelle, a eu forcément des répercussions théologiques importantes. Retenons les plus significatives :

 le renoncement à la théologie de la substitution qui voyait dans l’Eglise le nouvel Israël remplaçant l’ancien Israël.

 la réfutation de l’interprétation traditionnelle qui lisait dans l’errance du peuple juif un châtiment mérité pour son endurcissement et pour sa responsabilité dans la mort du Christ, lequel châtiment en faisait le témoin « en négatif » de la vérité chrétienne. Aujourd’hui les Eglises ont remis en valeur le v 29 du ch 11 de l’Epître aux Romains pour réaffirmer la pérennité de l’Alliance de Dieu avec son peuple. « Les dons gratuits et l’appel de Dieu sont irrévocables. » A partir de là a été élaborée une théologie du mystère d’Israël. Et l’enseignement de l’estime a remplacé l’ enseignement du mépris.

Et surtout, l’Eglise catholique comme les Eglises de la Communion de Leuenberg ont reconnu que la relation avec le judaïsme ne pouvait être considérée comme relevant du seul rapport externe du christianisme avec les autres religions, mais comme nécessaire à la compréhension interne que l’Eglise a d’elle-même.

C’est sans aucun doute cette dernière affirmation qui marque réellement la spécificité du dialogue judéo-chrétien. Les premières affirmations s’inscrivent dans l’ordre de la repentance et de la réparation, de la justice. La dernière affirmation a une portée pour l’avenir dont nous n’avons pas encore mesuré tous les enjeux et toutes les conséquences. Je voudrais donc proposer maintenant quelques pistes de réflexion dans ce sens.

 Devoirs du christianisme vis-à-vis du judaïsme et vis-à-vis de lui-même.

En commençant un travail théologique de réparation, et en reconnaissant que sa relation avec le judaïsme fait partie de l’auto-compréhension que l’Eglise à d’elle-même, le christianisme s’est lancé un défi majeur, qui n’est pas sans comporter certains risques. Mais il s’est aussi créé des devoirs.

Le premier devoir est d’ordre herméneutique et apologétique. Il s’agit de faire en sorte que les avancées théologiques réalisées par les groupes de chercheurs soit communiquées à la base et aient un impact sur les esprits. Ceci se fait à travers la formation, la catéchèse, l’enseignement biblique, la liturgie. C’est à ce niveau qu’il convient de rappeler le travail de traduction du terme « juif » dans l’Evangile de Jean par la commission réunie à ce sujet, ainsi que le nouveau chantier mis en œuvre par une nouvelle commission et qui examine maintenant la liturgie. D’une certaine façon, c’est à ce niveau de la vie des Eglises et des communautés que se situe l’épreuve de vérité. Y a-t-il un nouveau regard sur les juifs, sur le judaïsme, et en quoi ce nouveau regard est-il redevable au dialogue judéo-chrétien ? Ce serait intéressant de pouvoir l’évaluer.

Or cette question nous renvoie à deux autres questions qui sont
 celle de la formation des responsables d’enseignement et de prédication. Quels moyens se donne-t-on pour assurer cette formation ? Est-on convaincu de sa nécessité ?

 celle de la baisse de pratique dans nos Eglises qui fait que de nombreuses personnes élevées dans le christianisme échappent aujourd’hui à son influence et à son enseignement.
C’est ce que constate, avec beaucoup de justesse, Catherine Challier dans le livre écrit avec Marc Faessler Judaïsme et christianisme, l’écoute en partage, (p 33) :

« La déchristianisation ne constitue-t-elle pas une donnée significative pour le dialogue entre un juif et un chrétien ? Des esprits qui ont reçu une culture religieuse chrétienne –ou juive d’ailleurs - dans leur enfance, puis s’en sont détachés afin de penser au diapason des valeurs du siècle, demeurent souvent peu disposés à chercher une pensée qui appelle à la vie et au dialogue derrière les préjugés dont ils restent héritiers sur leur Eglise ou sur le judaïsme. »

Il y a donc aujourd’hui un énorme chantier à réaliser pour faire connaître les fruits du dialogue judéo-chrétien, mais il faut réaliser que cette communication doit se faire au-delà même des Eglises chrétiennes, dans l’espace public. La télévision peut en être un outil performant, notamment le cadre des émissions religieuses du dimanche matin, qui sont très regardées par un public ne se rendant pas souvent aux offices. Mais on peut encore songer à une opération du style « semaine de l’amitié judéo-chrétienne » qui pourrait concentrer un certain nombre d’événements et être médiatisée.

Le second devoir est d’ordre théologique.

Au niveau théologique il nous faut continuer notre tâche de compréhension et d’interprétation du judaïsme. Il y a tout un travail à poursuivre dans le sens de la reconnaissance, mais aussi de la proclamation de la vocation d’Israël telle que le judaïsme la conçoit lui-même, c’est-à-dire non seulement dans sa relation avec le christianisme, mais en lui-même.

Jusqu’à présent, les travaux réalisés côté chrétien montrent un double souci :

 rendre justice au judaïsme, en reconnaissant la pérennité de l’Alliance, et le judaïsme comme voie de Salut.

 faire en sorte que cet acte de justice ne mette pas en péril la cohérence chrétienne, mais que judaïsme et christianisme se présentent comme une seule Alliance et deux voies de salut.

Or affirmer que la relation au judaïsme relève de l’auto-compréhension que l’Eglise a d’elle-même implique que l’on ne s’arrête pas à penser le judaïsme par rapport au christianisme, mais que l’on accepte également de penser le christianisme par rapport au judaïsme. Car en privilégiant la première démarche au détriment de la seconde, on ne se donne pas les moyens d’une reconnaissance pleine du judaïsme, et donc on se prive également de ce que celle-ci pourrait amener de novateur dans l’auto-compréhension que l’Eglise peut avoir d’elle-même. Mais accepter de vivre aussi ce renversement qui consiste à vraiment penser le christianisme par rapport au judaïsme, c’est forcément accepter de recevoir la question majeure que le judaïsme pose au christianisme et qui touche au cœur de la foi chrétienne, c’est-à-dire au Christ lui-même.

Il n’est de véritable dialogue judéo-chrétien qui n’interroge en profondeur la foi chrétienne, et qui ne comporte donc un risque pour elle.

Le Cardinal Ratzinger, nouveau pape Benoît XVI le montre bien quand il écrit dans son livre sur l’Unique Alliance de Dieu et le pluralisme des religions : « La question demeure posée : la foi chrétienne, si on lui laisse sa gravité intérieure et sa dignité, est-elle apte, non seulement à tolérer le judaïsme mais, bien plus, à l’accepter dans sa mission historique ? Ou bien en est-elle incapable ? Peut-il y avoir une réconciliation réelle, sans abandon de la foi, ou toute réconciliation est-elle liée à un tel abandon ? » (p 17, éditions Parole et silence)
Quand le Cardinal parle de foi, il parle évidemment de la foi chrétienne telle qu’exprimée dans la doctrine catholique, dont le protestantisme est également pour une part l’héritier. Et il dénonce le piège qui consisterait à relativiser les grandes affirmations christologiques pour faciliter le dialogue ou éviter les questions fondamentales.
Ceci dit, poser la vérité de la doctrine chrétienne en préalable permet-il d’opérer le renversement qui consiste à penser, non seulement le judaïsme par rapport au christianisme, mais également le christianisme par rapport au judaïsme ?

Affirmer l’enracinement du christianisme dans le judaïsme peut satisfaire notre désir d’exactitude historique. Formuler une complémentarité des vocations juive et chrétienne peut apparaître comme une tâche noble et éminemment souhaitable pour aujourd’hui et pour demain. Mais entre les deux étapes, la question théologique se fait pressante et nous oblige à aller plus loin : c’est-à-dire à réinterroger la révélation chrétienne. En même temps, ce « plus loin » ne peut consister à se rejouer de manière artificielle la scène primitive d’une sorte de judéo-chritianisme retrouvé, et qui balaierait à la fois 20 siècles d’histoire et la simple question de la vérité en théologie.

Pour que cette question se pose, et donc pour repenser le christianisme par rapport au judaïsme, il n’y a peut-être comme solution que d’accepter de traverser un point mort, une sorte de kénose du christianisme, ou de nuit de la foi chrétienne, comme si on ne savait plus rien du Christ. Cette proposition peut paraître terrible si l’on en saisit les conditions et l’enjeu ; mais le christianisme aujourd’hui peut-il faire l’économie de ce passage ? Et ce passage ne le ramène-t-il pas au lieu même de sa spiritualité la plus profonde ?

Cependant l’inédit dans cette proposition, c’est qu’elle ne concerne pas seulement l’expérience spirituelle de la kénose, mais aussi la parole théologique sur le Christ. Il s’agirait donc pour le christianisme, ou pour le théologien vraiment en quête du judaïsme, d’ interroger, dans une totale bonne foi, la non-conversion des juifs au christianisme, et la non-reconnaissance de Jésus comme Messie. Cette non-conversion et cette non-reconnaissance , au-delà des raisons historiques, sociologiques, religieuses, deviendraient un lieu théologique où le christianisme pourrait s’interroger lui-même et sur lui-même. Un lieu théologique où le christianisme, en faisant l’expérience de la vérité juive, ferait l’épreuve de sa propre vérité, laquelle ne relève pas des catégories logiques du vrai et du faux, mais de la pertinence éthique et spirituelle.
Pour faire l’expérience de la vérité juive il ne suffit pas d’avoir abandonné les termes d’aveuglement et d’endurcissement, même si la tolérance et la bienveillance que cet abandon génère sont déjà positives. Il faut aller plus loin en remplaçant le mot d’endurcissement par celui de fidélité, et le mot d’aveuglement par celui de lucidité.
Alors au-delà du respect spirituel dont ces mots de fidélité et de lucidité témoignent, jaillit le questionnement théologique : « quelle force de vérité y avait-il à sauver, et à assurer, au point que pendant des siècles, à travers persécutions, exils, inquisition, extermination…cette fidélité perdure et maintienne vivants l’héritage et la transmission de la Parole du Dieu des Pères ? Il ne s’aurait s’agir d’un trésor uniquement ethnographique ni même religieux. Mais de quelque chose d’universel qui touche à la spécificité de la vocation juive au milieu des nations et pour elles. Et cela peut s’exprimer justement en terme de lucidité – le contraire de l’aveuglement attribué à la synagogue-. Mais de quelle lucidité s’agit-il ?

On peut comprendre cette lucidité juive qui méconnaît le Christ chrétien comme une lucidité assignée à la lecture du temps et de l’histoire. Et donc la fidélité qui l’accompagne se présente comme fidélité au Dieu présent dans l’histoire, et imprimant sa marque dans le temps de la durée par le don de la Torah et du chabbat. Et de tout ce que cela signifie.

C’est dans la compréhension de cette lucidité historique spécifique et de cette fidélité chabbatique que le chrétien doit entrer aujourd’hui. Cela signifie qu’il prête pleinement attention à ce que le dépassement déclaré de la loi par la grâce l’a conduit à méconnaître, et souvent à mépriser : à savoir l’intime et indestructible union entre la loi et la grâce. Mais s’il peut s’atteler à cette tâche, qui est comme l’apprentissage d’un autre regard, c’est en acceptant humblement que ce regard lui manque, et que tant qu’il lui manquera, il n’aura pas compris le judaïsme. Mais il faut aussi rappeler qu’a sa naissance la foi chrétienne, tendue vers la lumière eschatologique d’un Christ saisi dans l’accomplissement final des temps, n’a pas été assignée à cette lucidité spécifique face au temps et à l’histoire. Elle était chargée de préparer l’avènement du Règne de Dieu. Dit-on suffisamment, se souvient-on assez que les premiers chrétiens vivaient dans cette perspective du Jour du Seigneur, c’est-à-dire d’un retour du Christ imminent ? Les lettres de l’apôtre Paul en témoignent suffisamment : ils étaient en marche pour le Règne de Dieu, et non pour traverser l’histoire ou même la faire, comme ce fut le cas pour le christianisme.

 Chances offerte au christianisme par le dialogue judéo-chrétien.

Aujourd’hui, on peut penser que l’expérience de la vérité juive, traduite en l’occurrence en termes de lucidité et de fidélité, offre au christianisme un lieu –peut-être en réalité le seul lieu- où il puisse se ressaisir lui-même dans sa propre vérité. Encore une fois, il ne s’agit pas seulement de l’enrichissement inhérent au fait de conduire profondément et honnêtement un dialogue interreligieux, mais de quelque chose de plus fondamental qui est comme un choix radical d’orientation.
Le christianisme semble à un carrefour de son histoire, et dans notre Europe occidentale en tout cas il traverse une crise profonde : crise des institutions en général, crise des dogmes, et en particulier crise de la transmission. Il n’est pas besoin de statistiques pour constater que les Eglises traditionnelles se vident. En revanche les Eglises ou mouvements à sensibilité charismatique ou évangélique semblent avoir le vent en poupe, mais on peut s’interroger sur la signification et la durée de ce succès, ainsi que sur son impact réel au niveau de la culture et de la société. La tendance est quand même à une déchristianisation impressionnante, en même temps qu’à une socialisation importante de certaines valeurs que le christianisme a directement et indirectement inspirées d’ailleurs : les droits de l’homme, la militance pour la paix, le respect des victimes.... D’un côté le christianisme semble parfois encore honni comme religion à cause de son passé dominateur, et de l’autre il génère souvent une forme de sympathie pour sa valeur d’amour, autour d’un Jésus héros de l’amour et ami des victimes. Mais il est alors quasiment détaché de son ancrage biblique, tant le Dieu universel vers lequel tend cet amour semble avoir peu de choses en commun avec le Dieu complexe et personnel de la Bible.

Aussi la chance que peuvent donner aujourd’hui au christianisme le dialogue judéo-chrétien, et l’expérience de la vérité juive, c’est d’abord de revenir sur sa propre genèse et sa propre théologisation : comment est-on passé de la révélation chrétienne à l’affirmation dogmatique, et comment aujourd’hui opérer le retour de l’affirmation dogmatique à la révélation ? Le vis-à-vis de la pensée midrachique – qui est commentaire et non systématisation- peut constituer un nouvel outil pour repenser, différemment, la relation d’interprétation aux Ecritures et à la révélation. De plus le rôle de la tradition dans le judaïsme interroge forcément le rôle qu’elle a dans le catholicisme, et celui qu’elle n’a pas dans le protestantisme. Et ce dernier devrait alors se sentir encouragé à analyser et formuler à nouveaux frais la signification des grands principes mis en avant par la Réforme, à savoir « l’Ecriture seule, la grâce seule au moyen de la foi seule ». Il ne peut plus se contenter de sa contestation traditionnelle de la tradition, de la loi et des œuvres, mais remettant cette contestation en contexte, il doit aujourd’hui retravailler ces notions à la lumière des enseignements du judaïsme, qui ne peuvent qu’enrichir ce qu’a déjà apporté en la matière le dialogue œcuménique.

Ensuite le dialogue judéo-chrétien peut aider le christianisme à poser clairement les termes du choix qui s’offre à lui : va-t-il se diluer dans l’horizon universaliste de sa mission, devenant une simple religion des droits de l’homme ? Ou va-t-il approfondir l’ancrage singulier de sa vocation, c’est-à-dire le terreau biblique ? Dans ce couple singularité/universalité, judaïsme et christianisme ont des tentations inversées. La tentation du judaïsme peut être de cultiver la singularité au détriment de l’épanouissement de sa vocation universaliste. Celle du christianisme peut être de sacrifier à une sorte d’ universalisme éthique la spécificité de sa culture religieuse et spirituelle. Pour éclairer ce choix, le dialogue judéo-chrétien peut faire surgir quelques questions importantes et fécondes : la présence et le rôle de Dieu dans l’histoire, le rapport théologique à la terre et au temps, la nécessité de l’ancrage politique, la confusion entre l’idéologique et le politique…
Enfin la conscience de partager des valeurs éthiques communes peut conduire le dialogue judéo-chrétien à s’interroger sur le rôle que peut jouer aujourd’hui la religion, dans la construction concrète d’un humanisme pour ce monde, humanisme qui ne peut pas se confondre avec l’humanitarisme ambiant s’il veut faire face à ses tâches et à ses responsabilités.

En avançant dans la compréhension de la fidélité et de la lucidité juives, c’est-à-dire de ce rapport très spécifique à l’histoire et au monde concret que développe la vocation juive, le christianisme peut retrouver toutes ces questions, et bien d’autres encore. Loin de le menacer dans son élan et sa dimension eschatologiques, cette prise en compte de la vocation juive devrait au contraire l’aider à approfondir et à reformuler sa vocation propre. C’est sans doute dans l’articulation entre les deux vocations que résident pour aujourd’hui et pour demain l’enjeu et la spécificité du dialogue judéo-chrétien.

Affirmer que la relation au judaïsme relève de l’auto-compréhension que l’Eglise a d’elle-même implique que l’on ne s’arrête pas à penser le judaïsme par rapport au christianisme, mais que l’on accepte également de penser le christianisme par rapport au judaïsme. Ce renversement est crucial. Car il n’est de véritable dialogue judéo-chrétien qui n’interroge en profondeur la foi chrétienne.

Le Cardinal Ratzinger, nouveau pape Benoît XVI le montre bien quand il écrit dans son livre sur l’Unique Alliance de Dieu et le pluralisme des religions : « La question demeure posée : la foi chrétienne, si on lui laisse sa gravité intérieure et sa dignité, est-elle apte, non seulement à tolérer le judaïsme mais, bien plus, à l’accepter dans sa mission historique ? Ou bien en est-elle incapable ? Peut-il y avoir une réconciliation réelle, sans abandon de la foi, ou toute réconciliation est-elle liée à un tel abandon ? » (p 17, éditions « Parole et silence »).

Quand le cardinal parle de foi, il parle évidemment de la foi chrétienne telle qu’exprimée dans la doctrine catholique, dont le protestantisme est également pour une part l’héritier. Et il dénonce le piège qui consisterait à relativiser les grandes affirmations christologiques pour faciliter le dialogue ou éviter les questions fondamentales.
Ceci dit, poser la vérité de la doctrine chrétienne en préalable permet-il d’opérer le renversement qui consiste à penser, non seulement le judaïsme par rapport au christianisme, mais également le christianisme par rapport au judaïsme ?

Affirmer l’enracinement du christianisme dans le judaïsme peut satisfaire notre désir d’exactitude historique. Formuler une complémentarité des vocations juive et chrétienne peut apparaître comme une tâche noble et éminemment souhaitable pour aujourd’hui et pour demain. Mais entre les deux étapes, la question théologique se fait pressante et nous oblige à aller plus loin : c’est-à-dire à réinterroger la révélation chrétienne. En même temps, ce « plus loin » ne peut consister à se rejouer de manière artificielle la scène primitive d’une sorte de judéo-chritianisme retrouvé, et qui balaierait à la fois vingt siècles d’histoire et la simple question de la vérité en théologie.

Pour que cette question se pose, et donc pour repenser le christianisme par rapport au judaïsme, il n’y a peut-être comme solution que d’accepter de traverser un point mort, une sorte de kénose (voir note de bas de page) du christianisme, ou de nuit de la foi chrétienne, comme si on ne savait plus rien du Christ. Cette proposition peut paraître terrible si l’on en saisit les conditions et l’enjeu ; mais le christianisme aujourd’hui peut-il faire l’économie de ce passage ? Et ce passage ne le ramène-t-il pas au lieu même de sa spiritualité la plus profonde ?
Cependant l’inédit dans cette proposition, c’est qu’elle ne concerne pas seulement l’expérience spirituelle de la kénose, mais aussi la parole théologique sur le Christ. Il s’agirait donc pour le christianisme, ou pour le théologien vraiment en quête du judaïsme, d’interroger, dans une totale bonne foi, la non-conversion des juifs au christianisme, et la non-reconnaissance de Jésus comme Messie. Cette non-conversion et cette non-reconnaissance, au-delà des raisons historiques, sociologiques, religieuses, deviendraient un lieu théologique où le christianisme pourrait s’interroger lui-même et sur lui-même. Un lieu théologique où le christianisme, en faisant l’expérience de la vérité juive, ferait l’épreuve de sa propre vérité, laquelle ne relève pas des catégories logiques du vrai et du faux, mais de la pertinence éthique et spirituelle.

Pour faire l’expérience de la vérité juive il ne suffit pas d’avoir abandonné les termes d’aveuglement et d’endurcissement, même si la tolérance et la bienveillance que cet abandon génère… sont déjà positives. Il faut aller plus loin en remplaçant le mot d’endurcissement par celui de fidélité, et le mot d’aveuglement par celui de lucidité.

Alors au-delà du respect spirituel dont ces mots de fidélité et de lucidité témoignent, jaillit le questionnement théologique : quelle force de vérité y avait-il à sauver, et à assurer pour que, pendant des siècles à travers persécutions, exils, inquisition, extermination… cette fidélité perdure et maintienne vivants l’héritage et la transmission de la Parole du Dieu des Pères ? Il ne s’aurait s’agir d’un trésor uniquement ethnographique ni même religieux. Mais de quelque chose d’universel qui touche à la spécificité de la vocation juive au milieu des nations et pour elles. Et cela peut s’exprimer justement en terme de lucidité – le contraire de l’aveuglement attribué à la synagogue-. Mais de quelle lucidité s’agit-il ?
On peut comprendre cette lucidité juive qui méconnaît le Christ chrétien comme une lucidité assignée à la lecture du temps et de l’histoire. La fidélité qui l’accompagne se présente comme fidélité au Dieu présent dans l’histoire, et imprimant sa marque dans le temps de la durée par le don de la Tora et du chabbat. Et de tout ce que cela signifie.
C’est dans la compréhension de cette lucidité historique spécifique et de cette fidélité chabbatique que le chrétien doit entrer aujourd’hui. Cela signifie qu’il prête pleinement attention à ce que le dépassement déclaré de la loi par la grâce l’a conduit à méconnaître, et souvent à mépriser : à savoir l’intime et indestructible union entre la loi et la grâce. Mais s’il peut s’atteler à cette tâche, qui est comme l’apprentissage d’un autre regard, c’est en acceptant humblement que ce regard lui manque, et que tant qu’il lui manquera, il n’aura pas compris le judaïsme.

Mais il faut aussi rappeler qu’à sa naissance la foi chrétienne, tendue vers la lumière eschatologique d’un Christ saisi dans l’accomplissement final des temps, n’a pas été assignée à cette lucidité spécifique face au temps et à l’histoire. Elle était chargée de préparer l’avènement du Règne de Dieu. Dit-on suffisamment, se souvient-on assez que les premiers chrétiens vivaient dans cette perspective du Jour du Seigneur, c’est-à-dire d’un retour imminent du Christ ? Les lettres de l’apôtre Paul en témoignent suffisamment : ils étaient en marche pour le Règne de Dieu, et non pour traverser l’histoire ou même la faire, comme ce fut le cas pour le christianisme.

Aujourd’hui, on peut penser que l’expérience de la vérité juive, traduite en l’occurrence en termes de lucidité et de fidélité, offre au christianisme un lieu –peut-être en réalité le seul lieu- où il puisse se ressaisir lui-même dans sa propre vérité. Encore une fois, il ne s’agit pas seulement de l’enrichissement inhérent au fait de conduire profondément et honnêtement un dialogue interreligieux, mais de quelque chose de plus fondamental qui est comme un choix radical d’orientation.
Le christianisme semble à un carrefour de son histoire, et dans notre Europe occidentale en tout cas il traverse une crise profonde : crise des institutions en général, crise des dogmes, et en particulier crise de la transmission. Il n’est pas besoin de statistiques pour constater que les Eglises traditionnelles se vident. En revanche les Eglises ou mouvements à sensibilité charismatique ou évangélique semblent avoir le vent en poupe. On peut s’interroger sur la signification et la durée de ce succès, ainsi que sur son impact réel au niveau de la culture et de la société. La tendance est quand même à une déchristianisation impressionnante, en même temps qu’à une socialisation importante de certaines valeurs que le christianisme a, directement et indirectement, inspirées d’ailleurs : les droits de l’homme, la militance pour la paix, le respect des victimes....
D’un côté le christianisme semble parfois encore honni comme religion à cause de son passé dominateur, et de l’autre il génère souvent une forme de sympathie pour sa valeur d’amour, autour d’un Jésus, héros de l’amour et ami des victimes. Mais il est alors quasiment détaché de son ancrage biblique, tant le Dieu universel vers lequel tend cet amour semble avoir peu de choses en commun avec le Dieu complexe et personnel de la Bible.

Aussi la chance que peuvent donner aujourd’hui au christianisme, le dialogue judéo-chrétien, et l’expérience de la vérité juive, c’est d’abord de revenir sur sa propre genèse et sa propre théologisation : comment est-on passé de la révélation chrétienne à l’affirmation dogmatique, et comment aujourd’hui opérer le retour de l’affirmation dogmatique à la révélation ? Le vis-à-vis de la pensée midrachique – qui est commentaire et non systématisation- peut constituer un nouvel outil pour repenser, différemment, la relation aux Ecritures et à la révélation. De plus le rôle de la tradition dans le judaïsme interroge forcément le rôle qu’elle a dans le catholicisme, et celui qu’elle n’a pas dans le protestantisme. Et ce dernier devrait alors se sentir encouragé à analyser et formuler, à nouveaux frais, la signification des grands principes mis en avant par la Réforme. A savoir : « l’Ecriture seule, la grâce seule au moyen de la foi seule ». Il ne peut plus se contenter de sa contestation traditionnelle de la tradition, de la loi et des œuvres, mais, remettant cette contestation en contexte, il doit aujourd’hui retravailler ces notions à la lumière des enseignements du judaïsme, qui ne peuvent qu’enrichir ce qu’a déjà apporté en la matière le dialogue œcuménique. Ensuite le dialogue judéo-chrétien peut aider le christianisme à poser clairement les termes du choix qui s’offre à lui : va-t-il se diluer dans l’horizon universaliste de sa mission, devenant une simple religion des droits de l’homme ? Ou va-t-il approfondir l’ancrage singulier de sa vocation, c’est-à-dire le terreau biblique ? Dans ce couple singularité/universalité, judaïsme et christianisme ont des tentations inversées. La tentation du judaïsme peut être de cultiver la singularité au détriment de l’épanouissement de sa vocation universaliste. Celle du christianisme peut être de sacrifier à une sorte d’universalisme éthique la spécificité de sa culture religieuse et spirituelle. Pour éclairer ce choix, le dialogue judéo-chrétien peut faire surgir quelques questions importantes et fécondes : la présence et le rôle de Dieu dans l’histoire, le rapport théologique à la terre et au temps, la nécessité de l’ancrage politique, la confusion entre l’idéologique et le politique… Enfin la conscience de partager des valeurs éthiques communes peut conduire le dialogue judéo-chrétien à s’interroger sur le rôle que peut jouer aujourd’hui la religion, dans la construction concrète d’un humanisme pour ce monde, humanisme qui ne peut pas se confondre avec l’humanitarisme ambiant s’il veut faire face à ses tâches et à ses responsabilités.

En avançant dans la compréhension de la fidélité et de la lucidité juives, c’est-à-dire de ce rapport très spécifique à l’histoire et au monde concret que développe la vocation juive, le christianisme peut retrouver toutes ces questions, et bien d’autres encore. Loin de le menacer dans son élan et sa dimension eschatologiques, cette prise en compte de la vocation juive devrait au contraire l’aider à approfondir et à reformuler sa vocation propre. C’est sans doute dans l’articulation entre les deux vocations que résident pour aujourd’hui et pour demain l’enjeu et la spécificité du dialogue judéo-chrétien.

Pasteur Florence Taubmann

Note :

La kénose est une notion de théologie chrétienne exprimée par un mot grec et faisant référence à l’épître de Saint Paul aux Philippiens (Ph 2,7).
« Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » Ainsi entendu, la kénose désigne le mouvement d’abaissement par lequel le Christ se dépouille de ses attributs divins avant de monter sur la croix.

L’auteur : Florence Taubmann, née en 1957, est pasteur de l’Eglise Réformée de France depuis 1992. Elle exerce actuellement son ministère au Temple de l’Oratoire du Louvre à Paris. Plaçant la relation du christianisme au judaïsme au coeur de sa réflexion, elle est, par ailleurs, vice-présidente du comité directeur de l’Amitité judéo-chrétienne.

le site de l’AJCF http://www.amitie-judeo-chretienne.com

La position du Pape François sur le judaïsme

Pour rajouter à cet article du pasteur Taubmann, signalons qu’en 2013, le Pape a publié l’exhortation Evangeli Gaudium, on peut y lire ceci en p.194 :

"247. Un regard très spécial s’adresse au peuple juif, dont l’Alliance avec Dieu n’a jamais été révoquée, parce que « les dons et les appels de Dieu sont sans repentance » (Rm 11, 29). L’Église, qui partage avec le Judaïsme une part importante des Saintes Écritures, considère le peuple de l’Alliance et sa foi comme une racine sacrée de sa propre identité chrétienne (cf. Rm 11, 16-18). En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas considérer le judaïsme comme une religion étrangère, ni classer les juifs parmi ceux qui sont appelés à laisser les idoles pour se convertir au vrai Dieu (cf. 1Th 1, 9). Nous croyons ensemble en l’unique Dieu qui agit dans l’histoire, et nous accueillons avec eux la commune Parole révélée. 248. Le dialogue et l’amitié avec les fils d’Israël font partie de la vie des disciples de Jésus. L’affection qui s’est développée nous porte à nous lamenter sincèrement et amèrement sur les terribles persécutions dont ils furent l’objet, en particulier celles qui impliquent ou ont impliqué des chrétiens. 249. Dieu continue à oeuvrer dans le peuple de la première Alliance et fait naître des trésors de sagesse qui jaillissent de sa rencontre avec la Parole divine. Pour cela, l’Église aussi s’enrichit lorsqu’elle recueille les valeurs du Judaïsme. Même si certaines convictions chrétiennes sont inacceptables pour le Judaïsme, et l’Église ne peut pas cesser d’annoncer Jésus comme Seigneur et Messie, il existe une riche complémentarité qui nous permet de lire ensemble les textes de la Bible hébraïque et de nous aider mutuellement à approfondir les richesses de la Parole, de même qu’à partager beaucoup de convictions éthiques ainsi que la commune préoccupation pour la justice et le développement des peuples."

Nous, Juifs, ne pouvons que saluer cette position claire à notre égard.

Yeshaya Dalsace

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