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Pourquoi j’ai fait mon Alya

Pourquoi j’ai fait mon Alya

Le rabbin   David Golinkin explique les raisons qui l’ont poussé à venir vivre à Jérusalem.

Pour commémorer les 60 ans d’Israël, je voudrais exposer quelques-unes des raisons qui m’ont incité à y vivre. Ce ne sont pas les seules raisons pour lesquelles un Juif devrait se décider à faire son alya, et ce ne sont peut-être même pas les meilleures raisons, mais ce sont celles qui me semblent importantes (pour une réponse halakhique, voir mon responsum   "Est-ce une mitsva de faire l’alya", http://www.massorti.com/Est-ce-une-...).

Laissez-moi d’abord vous raconter trois histoires…

Mon grand-père, le rabbin   Mordechai Yaakov Golinkin (que sa mémoire soit bénie), était né en Ukraine en 1884. Alors qu’il était encore enfant au heder, au moment de la lecture de la paracha   Lekh Lekha dans laquelle Dieu fait alliance avec Abraham : « En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abram, et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate » (Genèse 15 : 18), mon grand-père leva ses tsitsits   et comme le voulait la tradition d’Europe de l’Est. Il fit sa propre alliance avec Dieu. Il n’oublierait jamais la promesse de Dieu faite à Abraham de nous donner Eretz Israel. Il tint parole et s’engagea en 1913 dans le mouvement Mizrahi, l’organisation sioniste religieuse, dont il resta pendant 61 ans un membre actif et ce jusqu’à sa mort en 1974.

Quand mon père, le rabbin   Noah Golinkin (que sa mémoire soit bénie) et ma mère, Dvorah Golinkin, se fiancèrent en 1951, mon père n’offrit pas à ma mère une bague de fiançailles : pour sceller leur engagement mutuel, ils décidèrent plutôt de faire un don au UJA (United Jewish Appeal) pour aider l’Etat d’Israël. Ma mère ne reçut de bague de fiançailles que dix ans après cette date.

Le 1er mai 1951, au moment de l’émission de l’Emprunt obligataire israélien, mon père s’arrangea pour acquérir l’Emprunt n° WA000001 qu’il offrit à mon cousin Meyer Goldstein pour fêter le premier anniversaire de sa naissance.

Comment s’étonner alors qu’à l’âge de 13 ans, lors de ma première visite en Israël avec mes parents, à l’été 1968, je leur ai annoncé, à l’issue des vacances, que j’avais décidé de rester...

Mes parents tenaient d’abord à que je finisse mes études secondaires avant d’arrêter ma décision (peut-être pensaient ils que je changerais d’avis !). Mais j’ai achevé mes études et fait mon alya en 1972, date depuis laquelle je vis en Israël.

Un rêve devenu réalité

Quand je vivais en diaspora, nombreuses étaient nos prières et nos prophéties qui semblaient irréalistes et lointaines. Mais en vivant dans l’Etat d’Israël ressuscité, elles sont bien réelles et miraculeuses.
Nous récitons deux fois par jour dans la Amida   la prière Téka BeChofar, que sonne le grand chofar de notre libération. Pendant 1 900 ans, les Juifs ont récité cette prière pour le kibbutz galuyot, le rassemblement des dispersés, comme un espoir et un rêve. Quand on vit aujourd’hui en Israël, on se rend compte que le rêve s’est réalisé.

Quand, il y a de nombreuses années, j’ai fait mes classes dans les rangs de Tsahal, les 66 soldats de mon unité qui avaient tous fait leur alya venaient de 23 pays différents.

J’ai fait, il y a peu, un cours sur la Haggada de Pessah à l’Institut Schechter   de Jérusalem. En voulant comparer les chants et les coutumes des différentes communautés juives, je n’avais pas besoin de chercher très loin : j’ai posé la question à mes 32 étudiants qui viennent, entre autres, d’Europe, de Russie, du Yémen, d’Iran, du Maroc, de Tunisie, d’Algérie. Kibbutz galuyot, c’est maintenant, en Israël, et je suis heureux de faire partie de ce miracle.

Considérons maintenant une autre prière de la Amida  , VeIerouchalaim irekha , Jérusalem, ta ville. Depuis la destruction du Deuxième Temple en 70, cette prière semblait, elle aussi, utopique. Mais en parcourant aujourd’hui les rues de Jérusalem, je sais qu’il y a une réponse à nos prières.

Depuis 1967, la population de Jérusalem est passée de 185 000 à plus de 700 000 habitants, jusqu’à devenir la ville la plus peuplée d’Israël. Sa superficie a plus que doublé et le prophète Zacharie (2 : 4) a été exaucé : « Jérusalem sera une ville ouverte, à cause de la multitude d’hommes et de bêtes qui seront au milieu d’elle ». Binyan Ierouchailaim, la reconstruction de Jérusalem, a lieu en ce moment même et, là aussi, je suis fier de faire partie de ce miracle.

Lire la Bible in situ

Bien plus, Limmoud Tora, l’étude de la Tora, prend tout son sens en Israël. Quand je vais à Jéricho, j’emmène mon fidèle Tanakh   de poche et j’y lis l’histoire de la capture de la ville par Josué il y a 3 200 ans. Quand j’étudie l’histoire de David et Goliath, je peux rouler jusqu’à Emek Haela et ramasser cinq pierres polies dans le lit de la rivière, tout comme David le fit.

Je peux aller sur les collines de Judée et revivre les événements du Livre des Maccabées, puis me rendre à Massada et lire à haute voix les descriptions de Flavius Josèphe. Je peux visiter Koumran et lire les rouleaux de la Mer morte, et songer aux grottes de Bar Kokhba en lisant les lettres qu’il adressait à ses troupes.

Je peux aussi aller dans la campagne et revivre des histoires talmudiques célèbres. Le Talmud   de Jérusalem (Berakhot 1:1) relate ainsi que « Rabbi Hiyya le Grand et Rabbi Chimon ben Halafta marchaient ensemble dans la vallée de Arbel au lever du soleil quand ils virent l’aube pointer. Rabbi Hiyya remarqua alors : ainsi en va-t-il de la rédemption d’Israël – d’abord peu à peu, puis de plus en plus vite et de plus en plus grand ».

Je suis allé à l’aube, sur les falaises d’Arbel, près du Lac du Kineret, pour lire cette histoire. Rabbi Hiyya avait raison – aussi bien en ce qui concerne le lever du soleil que la rédemption d’Israël.

En Israël, l’histoire juive n’est pas seulement dans les livres, elle est tout autour de nous. Josué et David, Isaïe et Amos, Juda Maccabée et Flavius Josèphe, Rabbi Akiva et Bar Kokhba sont vivants et bien présents sur la terre d’Israël, et je suis heureux d’être leur voisin.

Une langue qui revit

L’hébreu, l’Ivrit, est notre langue depuis 4 000 ans. Je lis, écris et parle en hébreu partout où je vais. Mais il n’y a, au monde, qu’un seul pays où l’hébreu vive et respire, et c’est en Israël.

Le chauffeur de bus injurie en hébreu, le policier rédige ses amendes en hébreu, les matchs de football et de basket se déroulent en hébreu, les pièces de théâtre aussi, les affiches de publicité dans les rues sont en hébreu, et l’hébreu est parlé sur les chaînes de radio et de télé. Je suis aux anges de faire partie de cette renaissance.

Enfin, pour le pire et le meilleur, Israël est le seul Etat juif que nous ayons. C’est le seul endroit du monde occidental où nous n’avons pas besoin d’expliquer à nos enfants pourquoi nous ne faisons pas Noël.
Il est vrai qu’en Israël, je ne compte pas les jours de courses qu’il reste encore avant d’arriver à Noël, mais je ne remarque généralement même pas si Noël va avoir lieu ou s’il est déjà passé !

Israël est le seul pays au monde où le Chabbat est le jour hebdomadaire de repos, le pays où il y a une énorme Hanoukia sur le Parlement au moment de la fête de Hanouka, un pays où les gens marchent déguisés dans les rues à Pourim s’échangent des assiettes de michloah manot, et où les appartements sont conçus pour que les familles puissent y construire une souka   sur le balcon.

Une histoire en devenir

Pour la première fois en quelque 1 600 ans, Israël est, une fois encore, au centre de l’histoire juive.

Jusqu’à 1972, j’étais membre de l’auditoire, mais depuis lors, je fais partie de la pièce qui se joue.

En guise de conclusion, je voudrais mentionner l’épisode des explorateurs, que nous lirons en juin dans la paracha   Chelah Lekha. En quoi consiste leur faute ? Tout ce qu’ils relataient était vrai : le pays d’Israël était fertile, coulant de « lait et de miel », mais fortifié et peuplé de nations puissantes.

Yehochoua et Kalev étaient d’accord sur ces points. Alors pourquoi aboutirent-ils à des conclusions opposées et pourquoi les dix autres explorateurs furent-ils punis ? La différence entre eux résidait dans leur conviction et la foi qui les animait. (…)

Ils annoncèrent platement « Nous ne pouvons pas attaquer ces ennemis, car ils sont plus nombreux que nous » (Nombres 13 : 31). D’un autre côté, Kalev n’était nullement découragé par ce qu’il avait vu. Sa réaction face aux dix espions fut : « Allons-y et nous prendrons possession d’eux et nous les vaincrons certainement » (v. 30).

J’ai toujours essayé de suivre l’exemple de Kalev et de Josué. Personne ne peut nier qu’Israël fait face à d’énormes problèmes sociaux, militaires, religieux et éducatifs. Cependant, si on a foi en Dieu et une petite dose de Houtzpa, « nous les vaincrons sûrement ».

L’auteur :

David Golinkin est rabbin  , auteur de nombreux ouvrages et responsa  . Il est également Président et Recteur de l’Institut Schechter   d’Etudes juives en Israël, un des grands centres académiques d’étude juive dans le monde. C’est une autorité halakhique majeure contemporaine au sein du Mouvement massorti   israélien.

(Traduction de Marlène Mohier)

Messages

Pourquoi j’ai fait mon Alya

Bonjour !

J’ai lu avec intérêt ce témoignage de David Golinkin, et j’en ai apprécié plusieurs points - et particulièrement le fait qu’à la fin de son texte, il transpose les ennemis du livre des Nombres (personnes physiques à vaincre militairement) en problèmes à résoudre. Cependant, un passage m’a quelque peu déçue, celui où il est question de la fête de Noël. Que le rabbin   Golinkin trouve reposant, et plus confortable, de n’avoir pas besoin d’expliquer à ses enfants "pourquoi nous ne faisons pas Noël", je le conçois aisément. En revanche, je me suis sentie dépitée lorsqu’il ajoute : "Il est vrai qu’en Israël, je ne compte pas les jours de courses qu’il reste encore avant d’arriver à Noël, mais je ne remarque généralement même pas si Noël va avoir lieu ou s’il est déjà passé !"

Cette indifférence au jour de Noël me semble tout de même assez triste par rapport au dialogue et à l’amitié inter-religieux. J’aurais préféré que le rabbin   Golinkin affirme qu’il pense au jour de Noël en se souvenant que des chrétiens célèbrent cette fête non loin de lui, et qu’il se sente fier et heureux que dans cette démocratie qu’est Israël, ces chrétiens jouissent de la liberté de culte et puisse commémorer la naissance de Jésus sereinement et sans aucune brimade !

Cordialement.

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