31 décembre 1990. L’ultimatum lancé par l’Onu à l’Irak expire dans quinze jours : si Saddam Hussein n’évacue pas le Koweït, les Alliés disposeront d’un mandat pour utiliser la force. Dans les salles de rédaction occidentales, on parle d’une troisième guerre mondiale.
À Jérusalem, l’angoisse est immense : Saddam Hussein menace d’utiliser contre Israël des Scuds chargés d’armes chimiques et bactériologiques.
Luisa, 23 ans, franco-italienne, est étudiante en histoire antique à la faculté de Jérusalem. Nathanaël, jeune peintre français, subvient à ses besoins en travaillant comme vigile à Jérusalem-Est. Leur relation, violente et complexe, est sur le mode « ni avec toi, ni sans toi ».
Comme eux, leurs amis, voisins, connaissances, attendent la fin de l’ultimatum avec une tension croissante. Comment vit-on lorsque la vie est suspendue à un fil ?
Que fait-on de ses jours, de ses nuits, quand l’apocalypse est envisageable ?
Alain Tasma, le réalisateur briseur de tabous dans ses remarquables téléfilms consacrés à l’histoire contemporaine (Nuit noire, sur la répression de la manifestation des Algériens de Paris le 17 octobre 1961, Opération Turquoise, sur le génocide au Rwanda), a voulu restituer l’angoisse de cette période en suivant une dizaine d’habitants de Jérusalem : un journaliste mobilisé par les événements, sa femme sur le point d’accoucher, le patron d’une épicerie bio malheureux en amour, une rescapée d’Auschwitz qui sombre dans la folie...
Tasma crée quelques moments forts, une soirée de jeunes attendant la fin du monde, une femme sur une autoroute déserte alors que tombent les premiers Scuds, le refuge dérisoire contre un bombardement au gaz dans une salle de bain rendue hermétique...
Cependant il fait une erreur magistrale en tournant tout son scénario autour d’un couple médiocre et sans intérêt ce qui plombe singulièrement le film.
Difficile de trouver le moindre intérêt aux querelles dérisoires d’une étudiante attentiste (Jasmine Trinca) et d’un apprenti peintre tête à claques (Gaspard Ulliel) particulièrement exaspérant...
J’ai personnellement connu cette période durant laquelle je vivais en Israël. Cela fut effectivement un moment de tension propice à toutes sortes de moments mémorables, de situations absurdes, de drames et même de débordements. Il y aurait eu de quoi remplir un film à la fois très drôle et surréaliste.
Ce fut également un moment politique important de prise de conscience aussi bien pour les juifs que les arabes israéliens et les Palestiniens que le monde était en train de changer et qu’il fallait trouver une solution. Ce fut également un avant-goût de la « guerre des étoiles »… cela n’apparait pas dans le film qui contourne soigneusement la question politique.
Le mérite du réalisateur est d’avoir traité cette période particulièrement absurde et fantasmagorique. Mais la façon dont il traite son sujet en s’attachant à des personnages aussi médiocres et inintéressants, fait qu’il passe singulièrement à côté du sujet. Qu’avons-nous à faire de ce petit couple fade et de ses disputes ?
Il a voulu jouer également sur l’aspect polyglotte de la société israélienne. C’est intéressant et vrai, mais cela ne colle absolument pas avec le casting : une italienne avec un accent italien prononcé quand elle parle le français, alors que ses parents n’ont pas d’accent. Une israélienne parfaitement francophone, alors que ses parents s’expriment totalement en hébreu et n’ont rien de francophones… Ce genre de petits détails n’est pas très important, mais ils montrent un manque de rigueur dans le casting et la mise en scène de la part du réalisateur. Ce manque de rigueur accompagne hélas tout le film.
Il a voulu aussi montrer la tension dans laquelle vivaient les parents et les proches de ceux qui étaient en Israël à ce moment. Mais là encore, le sujet est mal traité. Le choix de Michel Boujenah pour le père ne contribue pas à la tension… comme acteur dramatique, il y a mieux.
Je me souviens personnellement de la panique de mes propres parents qui étaient en France et de la pression qu’ils mettaient pour que nous rentrions. Mon père furieux refusant de me parler face à mon entêtement à rester en Israël. Son arrivée inopinée à l’aéroport Ben Gourion en état de siège sous les scuds dès le deuxième jour de la guerre dans un avion d’Air-France totalement vide avec les adieux de tous ses proches comme s’il partait et ne reviendrait plus jamais… Son refus absolu et systématique, comme rescapé de la Shoa de mettre un masque à gaz, malgré les nombreuses alertes. « Hitler ne m’a pas eut… je me fiche de Saddam ! ».
Je me souviens des hôpitaux remplis de lits en cas d’urgence dans tous les couloirs et dans tous les halls, des centaines et des centaines de lits…
Les lits de camps dans les studios de la radio pour maintenir la permanence en cas d’alerte.
Les scènes de panique au départ, les réfugiés de tel Aviv à Jérusalem… Les drames (un jeune enfant étouffé par son masque dont le père avait oublié d’enlever le bouchon, scène suivie en direct à la radio retransmettant les conseils des militaires au téléphone…).
Les Palestiniens dansant sur les toits et les israéliens montant sur les toits voir passer les Scuds.
Les dîners au restaurant, alerte, tout le monde met le masque à gaz, on attend deux trois minutes, rien ne se passe, on enlève le masque à gaz et on continue à manger…
On s’habitue à tout.
Ce film touche un peu à tout cela, mais assez maladroitement et reste surtout plombé par cette histoire de couple ennuyeuse, même si elle se veut la métaphore de la tension et de la séparation nécessaire...
Le film Ultimatum aurait donc pu être bien meilleur, mais mérite cependant d’être vu, ne serait –ce que parce que les films sur cette période sont rares et pour les quelques bonnes scènes.
Yeshaya Dalsace
Réalisé par Alain Tasma à partir du roman de Valérie Zenatti En retard pour la guerre
Avec : Gaspard Ulliel, Jasmine Trinca, Michel Boujenah, Anna Galiena, Sarah Adler, Hana Lazslo, Lior Ashkenazi, Meriam Zohar, Tsahi Grad, Adib Jaasan, Alon Pdut...