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La revue américaine Commentary

La revue américaine Commentary

La revue de la gauche intellectuelle juive américaine.

Norman Podhoretz n’avait pas encore 15 ans quand est paru, en novembre 1945, le premier numéro de la revue Commentary. C’était une publication de petit format, dont la couverture, austère, déroulait simplement le menu : un texte de George Orwell sur le surprenant raz-de-marée travailliste aux élections générales en Grande-Bretagne ; un essai de l’historien Salo Baron sur la "reconstruction spirituelle" des juifs d’Europe ; une chronique sur le "déclin du théâtre" à Broadway. Le mensuel était "unique", dit Norman Podhoretz, qui l’a dirigé pendant trente-cinq ans, par sa manière de mélanger culture, politique étrangère et religion pour explorer "les nouvelles questions" que la guerre avait suscitées

L’American Jewish Committee, qui avait fondé la revue, souhaitait en faire le creuset de l’intégration des juifs arrivés d’Europe. En quelques années, la communauté juive américaine était devenue la plus importante du monde. Les immigrants étaient souvent pauvres, mal à l’aise dans leur judaïsme, encombrés par une vision marxiste étrangère aux Etats-Unis. Rares étaient ceux qui se doutaient que Commentary allait devenir l’une des revues les plus influentes dans le paysage intellectuel des années 1970. Encore moins qu’elle allait donner naissance aux néoconservateurs et porter leur voix jusqu’à la Maison Blanche. Les premières années, Commentary était non polémique. Elle publiait des critiques littéraires signées Saul Bellow ou Hannah Arendt ; des articles de fond sur les relations entre Noirs et juifs ; des récits sur "la scène américaine" qui présentaient des cas illustres (Leonard Bernstein, chef d’orchestre philharmonique à 27 ans) ou tirés de la vie ordinaire. Le magazine était très anticommuniste mais sans être de droite. Il ne professait aucun enthousiasme pour la création d’un Etat juif, à l’image d’Hannah Arendt, qui était encore à l’époque l’une des amies de Podhoretz. "Elle m’a appris que le communisme est un aussi grand mal que le nazisme et qu’il était politiquement et moralement nécessaire de le combattre", dit-il.

Quand il a pris la tête de la revue en 1960, il n’avait que 30 ans. Issu d’une famille modeste de Brooklyn, esprit brillant, il avait réussi à entrer à l’université Columbia, déjouant la politique officieuse des quotas qui s’appliquait aux juifs. Les universités avaient "peur d’être envahies" par les enfants des réfugies du nazisme, surtout à New York. "Le quota était de 17 % à Columbia. Harvard avait un taux plus élevé, et Princeton, un taux inférieur." Podhoretz était très anticommuniste, mais cela ne l’a pas empêché de faire évoluer le magazine vers la gauche radicale, publiant les textes de ce qui allait devenir la Nouvelle Gauche (New Left).

Quelques années, plus tard, il a imprimé à la revue un autre tournant, cette fois à droite toute, selon le parcours typique des premiers néoconservateurs. La guerre des Six-Jours en 1967 a été un facteur déclenchant. Comme lui, nombre d’intellectuels juifs ont pris conscience de la nécessité d’une Amérique forte, qui ne craigne pas de déployer sa puissance pour assurer la sécurité d’Israël. "Le combat pour Israël, le combat pour l’Amérique sont devenus les facettes de la même guerre", explique-t-il.

Le divorce avec ses camarades progressistes a été consommé au moment du Vietnam. Lui aussi était contre la guerre. "Mais pas contre l’Amérique", corrige-t-il. Il n’a pas supporté les manifestations antiaméricaines de la gauche pacifiste. Les amis ne se saluaient même plus de la tête. "C’était une guerre civile, dit-il, dans le monde des idées." En avril 1976, la rupture a été officialisée par un article mordant ("Making the world safe for communism") dans lequel il reprochait aux intellectuels de gauche de faire le lit du communisme.

Ces années-là, Commentary a vendu jusqu’à 60 000 exemplaires. Ayant lu un article de Jeane Kirkpatrick, elle aussi ex-démocrate, Ronald Reagan l’a invitée, puis une fois élu, en a fait son ambassadrice à l’ONU. "Nombre de mes protégés se sont retrouvés dans l’administration", dit Podhoretz. Ils étaient opposés aux traités de désarmement avec l’Union soviétique, opposés à la détente... La revue était à son apogée. "Si "Commentary" n’avait pas existé, il aurait été impossible à un candidat ayant les opinions de Reagan d’être élu", assure-t-il.

A 80 ans révolus, Norman Podhoretz continue d’animer le débat intellectuel de questions provocatrices : Why Are Jews liberal ?, par exemple ("Pourquoi les Juifs sont-ils de gauche ?" ), titre de son dernier ouvrage. Il reçoit dans son appartement de l’Upper East Side. Entre les livres, est exposée la Presidential Medal of Freedom, la distinction nationale la plus élevée pour les civils, qui lui a été remise par George W. Bush en 2004.

L’American Jewish Committee a fini par dénouer le lien, en décembre 2006, même si Commentary a pu rester dans ses locaux. La direction de la publication a été reprise en janvier 2009 par John Podhoretz, le fils de Norman. Il a développé un blog ("Contentions") qui mène une guerre sans concession contre la gauche. Le contenu de la revue est plus "news", moins intellectuel. "C’est la voix prévisible d’une partie minoritaire de le la communauté juive new-yorkaise : sa frange faucon et conservatrice", estime Justin Vaïsse, auteur d’une Histoire du néoconservatisme (Odile Jacob, 2008), qui vient d’être traduite aux Etats-Unis. Commentary n’a plus la même influence. Mais il reste un patrimoine politique et littéraire "remarquable", selon l’historien. Le magazine a publié Jean-Paul Sartre, James Baldwin, Nathan Glazer, Norman Mailer, Thomas Mann, Philip Roth, John Updike, Paul Auster... On y fait aussi quelques trouvailles inattendues comme la première nouvelle, en 1946, d’une étudiante de dernière année à Radcliffe : la future romancière Alison Lurie.

Article publié dans Le Monde par Corine Lesnes (La saga des revues)

http://www.commentarymagazine.com/

Messages

La revue américaine Commentary

Why Are Jews liberal ?, par exemple ("Pourquoi les Juifs sont-ils de gauche ?" ) mdr

La revue américaine Commentary

Pardon, mais... "Commentary" n´est pas "de gauche" !! LOL

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