Benjamin Netanyahou (premier ministre) a déclaré : « Israël a été fondé en tant qu’état juif dans une forme occidentale pluraliste, et ne peut pas régresser pour devenir un « groupe juif » qui ne représente pas la majorité non orthodoxe du peuple juif. » « C’est une bataille pour l’avenir du sionisme. »
« Toute proposition de loi sur la question des conversions doit se faire dans un esprit de consensus afin d’éviter toute rupture au sein du peuple juif. L’unité représente un intérêt national majeur pour l’Etat d’Israël et pour le peuple juif. »
Le compromis de remise à 6 mois (en janvier 2011) d’une loi sur cette question, a été établi sans l’accord du parti Shas, et des responsables du parti ont aussitôt déclaré : « La crise qui opposait Netanyahu à Israël Béteinou l’oppose maintenant à nous ». Le bureau du Premier ministre a cependant fait savoir que le gouvernement n’hésitera pas à freiner toute proposition de loi indépendante de Shas, même au prix d’une crise politique.
Les détails de l’histoire n’ont pas grand intérêt. Un député du parti russe Israël-Beithenou, David Rotem, pour essayer d’améliorer le processus de conversion en Israël a proposé à la knesset une nouvelle loi.
Si certaines dispositions de cette loi pouvaient être efficaces (décentralisation auprès des Rabbins locaux) d’autres ont soulevé un tollé, notamment un amendement flou, susceptible de laisser tout pouvoir au grand rabbinat sur cette question en la liant à celle de la citoyenneté (amendement à la demande du parti ultra orthodoxe sépharade Shass).
Nous n’allons pas entrer dans les détails de l’affaire, mais expliquer les lignes de tension que cela révèle.
Il faut bien comprendre qu’en Israël il existe une différence entre nationalité juive, c’est-à-dire l’accès à la citoyenneté, et la reconnaissance de cette même judaïté par le rabbinat.
Concrètement, un citoyen juif d’Israël peut se voir refuser d’être marié par le rabbin local (fonctionnaire de l’état et forcement membre du grand rabbinat orthodoxe ) qui ne reconnaîtra pas sa judéité ou sa conversion. Comme de nombreux rabbins locaux sont d’obédience ultra-orthodoxe , ils ne reconnaissent de facto quasiment aucune conversion, même celles faites par des instituts de conversion orthodoxe (Affaire Druckman).
En Israël la question des conversions est devenue cruciale du fait d’un grand nombre de juifs d’origine russe qui ne sont pas dans une situation convenable du point de vue de la Halakha . La plupart ont renoncé à régulariser leur situation, ils sont citoyens d’Israël et cela leur suffit.
D’autres cherchent à le faire mais doivent affronter une administration rabbinique de plus en plus complexe dans ces demandes et lunatique dans son fonctionnement.
La plupart de ces candidats se trouvent donc face à une impasse.
Les mouvements progressistes, plus accueillants et souples dans leur processus de conversion, fonctionnent également mais sont marginaux car ne dépendant pas du grand rabbinat. Il y eut plusieurs tentatives de mettre en place un système pluraliste, mais les orthodoxes s’y sont toujours opposés.
Régulièrement, les milieux orthodoxes cherchent à prendre le total monopole de cette question. Ils parviennent à le faire partiellement du fait de leur poids à la knesset. Mais ils n’arrivent jamais à totalement boucler le système du fait des recours auprès de la cour suprême d’une part et des pressions des milieux laïcs et démocratiques de l’autre. Régulièrement, la diaspora américaine (très majoritairement progressiste) doit monter au créneau.
Ce fut le cas une fois de plus ici et les fortes pressions du judaïsme américain ont mis le projet de loi en sourdine. Il faudra bien pourtant statuer, la Haute cours l’a exigé depuis des mois.
Derrière tout cela se pose un problème de fond qui n’a jamais été réglé et ne le sera peut-être jamais : le rapport ambigu de l’Etat d’Israël avec le rabbinat orthodoxe et cela sur toutes sortes de questions. Cela s’explique par des raisons historiques, c’est tout simplement que le rabbinat orthodoxe était le seul qui existait à l’époque turque, et des raisons électorales, le système actuel ne permettant aucune coalition sans les partis ultra-orthodoxes .
Tant bien que mal le système a fonctionné jusqu’ici avec certains avantages mais aussi de gros inconvénients.
Le changer est extrêmement difficile du fait des tensions dans la société israélienne. Ne pas le changer fait de l’Etat d’Israël une démocratie à deux vitesses pour les juifs eux-mêmes, un Etat des Juifs dans lequel certains sont plus Juifs que d’autres, un Etat en constant porte-à-faux avec sa principale diaspora et son principal soutien, un État incapable de régler un grand problème de société comme celui de la judaïté d’une partie de ses citoyens qui se considèrent comme juifs.
Les intérêts sont beaucoup trop divergents. Les uns voudraient une démocratie totalement laïque en séparant définitivement la synagogue de l’Etat, les autres rêvent d’une théocratie orthodoxe , d’autres encore se plaisent dans le compromis…
En attendant, la masse des immigrants d’origine russe, sans compter tous les autres cas individuels, qui voudraient sincèrement réguler leur situation halakhique, ne savent plus très bien à quel rabbinat se vouer…
De leurs côtés, les mouvements progressistes israéliens (Massorti et libéraux) continuent à fonctionner de façon confidentielle car marginalisés de facto, les ultra-orthodoxes poussent toujours plus loin leur velléité de pouvoir et de monopole, le fossé entre juifs sécularisés et juifs orthodoxes se creuse toujours un peu plus, la diaspora progressiste ne comprends pas comment l’Etat qu’elle soutient avec tant de ferveur la traite aussi mal avec une telle régularité et la société israélienne reste à la queue des démocraties occidentales en cultivant un système religieux archaïque et une forme de citoyenneté à tiroirs et à plusieurs vitesses.
Il n’y a sans doute aucune solution vraiment satisfaisante et le statu quo kafkaïen actuel à toutes les chances de perdurer encore longtemps.
D’un autre côté, ne rien faire n’est pas très sain. Plus on attendra, plus ce sera difficile. La minorité ultra-orthodoxe prend un poids de plus en plus fort démographiquement et menace à terme le système démocratique, plus son poids augmentera, plus elle sera virulente. En même temps, c’est une société qui ne pourra éviter une profonde remise en cause et une meilleure intégration à la société israélienne générale.
Israël se trouve donc bien à la croisée des chemins, rester une société ouverte et devenir véritablement pluraliste en ce qui concerne les questions religieuses juives, se radicaliser au contraire sur ces questions avec toutes les dérives que cela représente en perspective. Il ne s’agit donc pas seulement de la problématique de la judéité d’une partie de l’émigration russe.
Affaire à suivre...
Yeshaya Dalsace
http://www.massorti.com/Victoire-ju...
http://forward.com/articles/129537/
http://www.haaretz.com/print-editio...
Messages
Bonjour,
Etant de religion juive mais n’étant pas un fin connaisseur de notre religion, je me permet de donner un "diagnostic".
La problématique des conversions (que j’ai découvert récemment mais qui semble dater de très longtemps) tiens, selon moi, à une raison principale : si la loi juive nous dit précisémment qui est juif (né d’une mère juive ou converti) et qui ne l’est pas ; elle ne dit pas comment un non juif doit devenir juif. Autrement dit, elle n’explicite pas quel doit être précisémment le processus de conversion.
Et à partir de là, tout est possible ; c’est ce qui explique la diversité des avis sur la question. Chacun est libre de considérer que telle personne convertie n’est "finalement pas vraiment juive" car elle n’observe pas strictement notre loi.
Soit le système actuel est préservé, mais alors beaucoup de convertis continueront à se voir non reconnus dans leur judeité par une partie d’un peuple juif.
Soit est crée un organisme "central" apte à décider de manière définitive comment doit être réalisée la conversion. Mais dans ce cas plusieurs questions se posent :
– la première, c’est la composition de cette institution (quels courants du judaïsme la composeront),
– la seconde, c’est que si cette institution est crée sur décision politique, elle pourrait alors être modifiée. Ainsi, les convertis pourrait voir leur judéité remise en cause à chaque échéance électorale,
– la troisième (et là on tourne en rond !) c’est de savoir si cette institution serait elle même reconnue par les autres courants, puisqu’à ma connaissance il n’y a pas de lien juridique ou d’autorité entre les différents courants.
Cher M.
Même la définition de qui est juif ne correspond plus à celle établi par la religion (la loi du retour reconnaît la judéité par le père).
En ce qui concerne la conversion il existe des règles assez claires dans les textes traditionnels. Là où les courants divergent c’est dans l’interprétation de ces règles et leur mise en application.
Voir les explications dans cet article avec cours audio
http://www.massorti.com/La-conversion-au-judaisme
À mon avis la seule solution est que l’Etat d’Israël se détache de toute définition religieuse et laisse chacun des courants du judaïsme régler les problèmes à sa façon. Si ces courants ne sont pas fichus de se mettre d’accord entre eux, tant pis pour eux, ce ne doit pas être l’affaire de l’etat. Les gens n’auront qu’à choisir le rabbin selon le courant du judaïsme qui leur convient. Exactement comme c’est aux Etats-Unis. L’Etat reconnaîtra toutes les conversions et tous les mariages effectués par un rabbin dès lors qu’il est affilié officiellement à un des grands courants du judaïsme.
En tout cas il me semble que dès que la politique se mêle de religion et inversement, c’est une catastrophe.
Bonjour,
Merci pour vos précisions. Je lisais justement vos explications sur la conversion cette après-midi.
Selon vous, c’est donc l’implication du politique qui pose problème, et il faudrait laisser chaque courant "régler ses affaires". Mais je pense que le problème est la question de la reconnaissance : si cette solution était adoptée, une partie des convertis ne serait alors pas entièrement reconnu comme juifs (en fait c’est déjà le cas aujourd’hui).
Je pense même que c’est l’un des problèmes centraux, et je comprend que les personnes aimant sincerement le judaïsme souhaitent être reconnus comme juifs par l’ensemble du peuple juif, et non pas acceptés par certains puis rejetés par d’autres. On est juif ou on ne l’est pas, on ne peut pas l’être à moitié !
C’est aussi pourquoi, à mon sens, les traditionnalistes conservent une grande partie du pouvoir et de la légitimité sur la question des conversions : d’une part ils sont bien plus nombreux (sauf peut-être aux Etats-Unis où les mouvements libéraux semblent plutôt importants), et d’autres part ils jouissent du principe simple mais efficace du "qui peut le plus peut le moins". Appliqué aux conversions, on comprend aisément qu’une personne convertie par un processus orthodoxe aura réalisé un travaille plus poussé (plus strict) qu’avec un mouvement libéral, et sera donc reconnue à la fois par les orthodoxes et les libéraux, dont les exigences sont moindres. Alors que la réciproque n’est pas vrai.
Qu’en pensez vous ?
Oui, c pas faux.
De toute manière, il y a un gros problème de fond avec la création de la Loi du retour qui ne correspond qu’à la volonté arbitraire du législateur et qui cohabite avec la Halakha concernant les conversions.
En dehors des petits intérets de chacun (les massorti défendent leur beurre comme tout le monde)c’est de cette idée d’ "état juif" d’où vient tous les problèmes : une loi de retour pour les enfants de père juif, une citoyeneté accordée à des non juifs également sans père juif (arabes israéliens), une grande place des mouvements religieux dans la knesset, des décisions d’une cour suprême profondément laïque, etc....
Bref, c’est un grand balagan. La politique israélienne doit choisir une orientation claire une fois pour toute au lieu de faire semblant de donner un peu à tout le monde
De facto il existe une pluralité de judaïsme, on ne peut supprimer ce fait. Cela implique diverses politiques de conversion. Il n’existe dans le judaïsme aucune autorité religieuse légitime pour réguler cela.
Aucun courant n’est actuellement plus nombreux que l’autre et quand bien même il le serait, cela ne voudrait pas dire qu’il faudrait se ranger à sa politique.
La question pour Israël en tant qu’Etat reste de savoir s’il doit faire le choix d’une partie du monde juif contre une autre ou être le lieu de ralliement de l’ensemble du peuple juif ? Il se veut « l’Etat des Juifs » et non pas celui de tel judaïsme (d’où l’ouverture de la Loi du retour). Le mélange entre politique et religion peut vite déraper. Derrière se pose également la question de la nature démocratique de l’Etat.
La question du processus et de l’exigence selon les courants :
Il est évident que le processus orthodoxe est plus dur. Mais ce n’est pas la seule différence.
Plus vous allez vers l’orthodoxie , plus le processus est religieux au sens strict. L’approche sera plus ritualiste alors que vers l’autre côté, on aura une approche plus culturelle et historique, plus spirituelle que purement rituelle. La conception même du judaïsme n’est pas la même : stricte pratique d’un côté (souvent détachée de toute approche culturelle), plus large vision de l’autre (au détriment de points de pratiques). A nuancer selon les courants, les rabbins , etc…
Du coup le processus orthodoxe peut être jugé comme médiocre pour une approche libérale et inversement car les exigences ne sont pas les mêmes !
De plus la demande sociologique n’est pas la même selon les courants.
C’est pourquoi il me semble parfaitement illusoire de jauger tout cela.
On pourrait seulement envisager un tronc minimum commun… Mais faudrait-il encore que tous ces rabbins acceptent de se parler… On est très loin donc de pouvoir harmoniser quoi que ce soit.
Si au minimum il y avait du respect les uns envers les autres.
Bien à vous
Yeshaya Dalsace
Voir cette rubrique
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Le vrai problème à mon sens n’a rien à voir avec un accord illusoire sur la validité des conversions.
Le judaïsme est depuis toujours multiple et à géométrie variable il n’y a pour s’en rendre compte qu’a se reporter à l’opposition d’Hillel et de Chamaï. Je pense même que c’est cette particularité qui a permis au judaïsme de subsister jusqu’à nos jour grâce à sa grande souplesse pour s’adapter au monde qui l’entoure.
Il n’existe pas d’autorité supérieure décisionnaire (tout au moins depuis la disparition du temple et du sanhédrin) ni de vérité absolue sur la manière la meilleure ou la plus conforme de vivre son judaïsme.
Nous sommes tous des hommes, nous pouvons nous tromper et c’est même la base de notre religion, si nous étions parfait quel besoin aurions nous de faire Kippour, ou de craindre D.ieu.
Cependant, et c’est tout le paradoxe, le judaïsme reste et demeure une universalité, chaque juif qu’il soit libéral, massorti ou orthodoxe reste un juif à part entière et porte autant la voix du judaïsme que n’importe quel autre juif qu’il soit rabbin ou non pratiquant n’y change absolument rien.
Mieux, la plupart des juif orthodoxe ou non le sont par filiation (de la mère) et de ce fait sont en principe reconnu par tous, quelle que soit leur pratique personnelle, pour exemple je suis libéral mais parfaitement reconnu par le consistoire ou même les loubavitch . Quoi qu’au bout d’un certain temps le problème pourra se poser aussi si un individu ne peux produire de ketoubba orthodoxe et même en l’absence de toute conversion.
Le problème de la reconnaissance des conversion existera toujours, et aucune autorité politique ou religieuse ne pourra y remédier, il n’est ici ni question de majorité, ni de démocratie, mais de croyance purement personnelle.
Vous ne pourrez jamais convaincre un orthodoxe qu’un beth din libéral ou massorti puisse avoir une quelconque autorité en matière de conversion parce qu’a leurs yeux ce beth din est tout simplement dépourvu de toute autorité, il n’a donc pas vocation à prendre des décisions et ce quant bien même il aurait concernant cette conversion respecté les mêmes règles halakhique que celui qu’il reconnait.
Concernant l’état d’Israël, le problème est plus simple et ne porte pas me semble-t-il sur la conversion elle même mais sur les règles du mariage.
Ainsi, il est très curieux que soit reconnu comme juif (pouvant dès lors bénéficier de la loi du retour) des personne qui même chez les réformé devraient passer devant un beth din et que l’État d’Israël ne reconnaisse pas une ketoubba faite par un rabbin libéral ou massorti en Israël.
Plus curieux encore, le mariage célébré par un rabbin libéral en France ou aux états unis sera lui reconnu par Israël !!!!
C’est d’autant plus étrange que me semble-t-il, il n’est pas nécessaire d’être rabbin pour officialiser un mariage (au point de vue de la halakha ) comme n’importe quel juif peut dire les prières lors d’un office ou pour un enterrement ou une brith mila, je n’ai pas connaissance du fait qu’il soit nécessaire d’avoir une qualité particulière pour faire les bénédictions d’un mariage (je ne connais pas cette question aussi je ne fait qu’émettre une observation avec toutes les réserves qui s’imposent).
En tout cas je pense sincèrement que celui qui se converti chez les libéraux ou les massorti le fait par choix (il aurait très bien pu aller chez les orthodoxes ), ce choix est personnel et devrais s’orienter vers le courant du judaïsme dont le candidat à la conversion se sens le plus proche, quel besoin aurait-il alors d’être reconnu par les autres, il est juif, il reconnait l’autorité du beth din qui l’a converti, que lui importe dès lors l’opinion des autres ?
Il pourra toujours pratiquer dans la synagogue de son choix (y compris orthodoxe ), il pourra toujours faire alya, bref la seule chose qui lui soit préjudiciable est de ne pas pouvoir se marier en Israël et d’être comme bon nombre d’Israélien obligé de se marier en diaspora pour que sont mariage libéral / massorti , soit reconnu par l’autorité civile Israélienne.