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Les paroles de la Torah

Les paroles de la Torah

Parashat Devarim -

La parasha   de cette semaine ouvre le cinquième et dernier livre de la Torah, le Deutéronome.

Celui-ci est en fait la copie du long discours de Moïse avant sa mort, le témoignage de ses dernières recommandations à la génération qui va entrer en terre d’Israël, la conquérir et s’y installer. Après quarante ans, le but premier de la sortie d’Egypte va enfin être réalisé, et la promesse faite aux patriarches et renouvelée à Moïse va enfin s’accomplir : le rendez-vous entre le peuple et sa terre s’apprête à devenir réalité.

Mais on ne prend pas possession de la terre d’Israël comme d’une quelconque conquête. Les futurs habitants doivent compléter leur formation juive, et qui mieux que Moïse, le prophète incomparable, peut accomplir cette tâche de préparation. Ainsi, pendant plusieurs jours, Moïse prodigue ses conseils et avertissements tout en rappelant une grande partie de la législation de la Torah qui devra être appliqué dans le pays. C’est ce discours ultime qui forme la majorité de notre cinquième livre que nous entamons donc à présent.

En hébreu, le Deutéronome se nomme "Dévarim", "les paroles", d’après le deuxième mot du livre. Mais ce nom convient très bien à cet acte de Moïse, à ce long discours formé par ses "paroles". Le midrash   Tanhouma s’interroge sur cette capacité de Moïse de discourir ainsi pendant plusieurs jours devant un public en nous rappelant un incident lié au début de sa carrière prophétique : "Le peuple d’Israël lui a dit : dans le passé tu as affirmé que "tu n’étais pas un homme de paroles (dévarim)", et maintenant tu parles autant que cela ?!" Rappelons-nous effectivement l’étrange attitude de Moïse lorsque Dieu lui confie la mission d’aller réclamer à Pharaon la liberté de son peuple. Prétextant une difficulté liée à un bégaiement, Moïse tente, apparemment, de se soustraire à cette mission : "Je ne suis pas un homme de paroles" (Exode, 4, 10) ! 40 ans plus tard, la mémoire collective n’a pas oublié cette attitude et le peuple lui en fait le grief : "à l’époque, pour nous sortir d’Egypte, tu ne savais pas parler, mais maintenant, pour nous imposer tes conseils, tu es devenu bavard !".

Le midrash  , au nom de Rabbi Yitshak, nous donne une interprétation originale. Moïse savait qu’aux côtés de Pharaon siégeaient 70 conseillers, chacun parlant une langue différente. Ainsi Pharaon pouvait s’entretenir avec tout visiteur. Mais Moïse n’était pas l’envoyé d’un pays particulier, mais celui du créateur du monde, créateur également des 70 nations. Comment pouvait-il être pris au sérieux, puisqu’il n’était pas "un homme de paroles", c’est-à-dire un homme pouvant utiliser toute parole, dans toutes les langues existantes ? Il avait peur de ne pas représenter comme il convenait le Saint, béni soit-il.

Mais pourquoi la situation est-elle différente 40 ans après ? C’est que dans le désert, Moïse ne s’est pas contenté de recevoir la Torah et de la transmettre, mais il l’a également étudié, et celui qui sait pénétrer à fond les soixante-dix faces de la Torah sait également parler les soixante-dix langues du monde. Et le midrash   de conclure "qu’à la fin des 40 ans après la sortie d’Israël d’Egypte, il a commencé à expliquer la Torah dans les soixante-dix langues".

Quel est donc le message que veut nous transmettre le Midrash  , message repris d’ailleurs par Rashi   dans son commentaire ? Il nous semble que l’explication est la suivante : tant que le peuple d’Israël était errant dans le désert, il pouvait se contenter d’étudier et de comprendre la Torah d’une manière univoque, ontologique, sans prise réelle avec la réalité extérieure. N’est-ce pas ce que les Juifs ont fait pendant deux mille ans d’exil ? L’étude de la Torah menée dans les Yeshivot n’avait pas à être liée avec le monde de l’actualité, avec l’univers des nations. Mais lorsqu’Israël rentre sur sa terre, que ce soit au temps biblique ou au XXIe siècle, la Torah se doit d’être commentée "dans la langue des soixante-dix nations", dans la langue de la modernité. Car le Judaïsme de la Torah est bien un particularisme qui s’inscrit dans l’universel, une civilisation ouverte sur le monde, selon l’idéal tracé par la tradition des maîtres du midrash  .

Rabbin   Alain Michel – Rabbin   Massorti   à Jérusalem et historien

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