Après la Seconde Guerre mondiale, Adolf Eichmann, qui avait dirigé le bureau des Affaires juives de l’Office central de sécurité du Reich et organisé les déportations vers Auschwitz, s’enfuit d’Autriche et parvint en Argentine, où il vécut sous le nom de Ricardo Klement.
En mai 1960, des agents du Mossad, le Service de renseignement israélien, s’emparèrent d’Eichmann en Argentine et le transportèrent à Jérusalem pour qu’il soit jugé par un tribunal israélien. L’accusé témoigna à l’abri d’un box protégé par une vitre à l’épreuve des balles.
Le procès Eichmann suscita l’intérêt de la communauté internationale, et révéla au monde entier l’ampleur des atrocités nazies. Les témoignages de survivants de la Shoah, en particulier ceux de combattants des ghettos tel que Zivia Lubetkin, l’une des dirigeantes de l’insurrection du ghetto de Varsovie, attirèrent l’attention sur la résistance juive. Le procès permit une plus grande ouverture en Israël ; de nombreux survivants de la Shoah se sentirent enfin capables de raconter leur histoire et leurs souffrances.
Déclaré coupable de tous les chefs d’accusation, Eichmann fut condamné à mort. Il fut pendu le 1er juin 1962. Son corps fut incinéré et ses cendres dispersées dans la mer, au-delà des eaux territoriales d’Israël.
Ce fut la seule fois dans l’histoire de l’Etat d’Israël que la peine capitale fut appliquée. Le procès Eichmann marqua un tournant dans la mémoire de la Shoah. Il permit de présenter à l’opinion internationale l’ampleur de la Shoah.
La banalité du mal
La banalité du mal est un concept philosophique proposé par Hannah Arendt en 1963 dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal.
Hannah Arendt (1906 - 1975), est une philosophe allemande naturalisée américaine, connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité. Elle couvre à Jérusalem le procès du responsable nazi Adolf Eichmann, en qui elle voit l’incarnation de la « banalité du mal ». Les articles qu’elle écrit alors, réunis dans un livre publié en 1963, nourrissent une importante polémique.
Elle estime qu’Eichmann, loin d’être le monstre sanguinaire qu’on a décrit, est un homme tristement banal, un petit fonctionnaire ambitieux et zélé, entièrement soumis à l’autorité, incapable de distinguer le bien du mal.
Eichmann croit accomplir un devoir, il suit les consignes et cesse de penser. C’est ce phénomène qu’Arendt décrit comme la banalité du mal. Il ne s’agit pas de le disculper : pour Arendt, cette attitude est impardonnable, et Eichmann est coupable.
Ce concept pose des questions essentielles sur la nature humaine : l’inhumain se loge en chacun de nous. Dans un régime totalitaire, ceux qui choisissent d’accomplir les activités les plus monstrueuses ne sont pas si différents de ceux qui pensent en être incapables.
Continuer à « penser » (c’est-à-dire s’interroger sur soi, sur ses actes, sur la norme) est la condition pour ne pas sombrer dans cette banalité du mal ou encore dans la « crise de la culture ». Dans un régime totalitaire, cela est rendu plus difficile par l’idéologie, la propagande et la répression.
Rony Brauman et Eyal Sivan ont réalisé un film à partir des images d’archives du procès d’Eichmann (Un spécialiste), et un livre (Éloge de la désobéissance), prolongeant leur réflexion sur la soumission à l’autorité comme instrument de barbarie dans les conflits contemporains.
Analyse à écouter
Annette Wieviorka, historienne pour son ouvrage « Eichmann, de la traque au procès » (éd. André Versaille) et Henry Rousso, historien et commissaire de l’exposition « Juger Eichmann, Jérusalem, 1961 » au Mémorial de la Shoah, à Paris
étaient les invités d’Emmanuel Laurentin pour La Fabrique de l’Histoire sur France Culture (le 10 juin 2011). A écouter :
http://massorti.com/son/divers/emis...
Voir le procès Eichmann
“BANALITÉ DU MAL” - Le procès Eichmann en intégralité sur YouTube à voir...
Cinquante ans après le procès Eichmann, le Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, et les archives israéliennes ont mis en ligne des enregistrements vidéo d’époque. Plus de quatre cents heures de procès sont ainsi disponibles sur une chaîne YouTube spécifique, ainsi que différents témoignages, en hébreu, yiddish, allemand et anglais.
“Mettre en ligne ces vidéos à l’occasion du cinquantième anniversaire de ce procès majeur donne à la nouvelle génération l’occasion de voir et d’entendre des témoignages de première main de survivants”, assure le directeur du musée Yad Vashem.
http://www.youtube.com/EichmannTrialEN